Deauville 2004 : films de la compétition
Kevin Bacon en pédophile repenti et Rory Culkin en jeune tourmenté… Deauville 2004 ose une sélection choc…
THE WOODSMAN de Nicole Kassell avec Kevin Bacon
Libéré sur parole, Walter, pédophile repenti est désormais en proie aux doutes de la réinsertion.
Il voudrait se racheter de ce qu’il a fait aux yeux du monde et surtout aux siens, mais il se sent
constamment poursuivi et mis à l’index. Pour mériter sa liberté, il va maintenant devoir faire face…
au monde comme à ses démons intérieurs…
« Il aura fallu beaucoup de courage au Festival de Deauville pour programmer un tel film sur un sujet
aussi grave » devait affirmer Kevin Bacon lors de la présentation du film aux spectateurs. Il en aura
fallu autant sinon plus aux acteurs et à la réalisatrice pour tourner un tel film dans des conditions
qui sont ordinairement celles d’un court-métrage. A savoir un salaire de misère et une totale implication.
Le résultat saute immédiatement aux yeux. Nicole Kassell signe un film remarquablement sensible et
intelligent sur la pédophilie. Un film que seule une production indépendante est capable de réaliser, loin
du formatage des studios et de leurs clichés imbéciles. Nicole Kassell ne se contente pas de filmer une
histoire sordide à rebondissements. Elle entre dans la tête d’un pédophile, s’appuyant sur l’extraordinaire
performance de Kevin Bacon pour dépeindre l’enfer peuplé de démons que vit un pédocriminel repenti.
Ce parcours laborieux vers une rédemption qu’il sait ne jamais obtenir brosse avec infiniment de pudeur
mais de cruauté aussi le portrait de l’échec. Quoi qu’il fasse, il sera toujours ce monstre, éternellement
damné par les hommes (y compris lui-même) pour ses fautes irréparables. Il n’a plus que le choix d’atténuer
ou bien d’aggraver son fardeau. De ses choix dépend un fragile salut. Jamais glauque, « The Woodsman » fait
montre d’une incroyable maturité dans son traitement. Le film de Nicole Kassell a l’immense mérite d’exhumer
un sujet qui met tout le monde d’accord mais dont personne ne veut parler. En plus d’être l’un des films les
plus aboutis sur la pédophilie, « The Woodsman » est une magnifique leçon d’Humanité. A découvrir !
MEAN CREEK de Jacob Estes avec Rory Culkin
Parce qu’il ne supporte plus de se faire tabasser à l’école par cette brute de George, Sam se confie à son
grand frère, Rocky. Ensemble, ils échafaudent un plan pour se venger. Pour l’anniversaire de Sam, ils vont
inviter George à une balade en bateau sur une rivière du coin et là, ils lui feront tout payer.
Alors que la journée se déroule comme un rêve d’enfance, le piège se referme. Découvrant George sous un jour
nouveau, Sam se rend compte qu’il n’est finalement qu’un gamin mal dans sa peau. Alors qu’il est question
d’abandonner l’idée de vengeance, tout dérape et le pire survient…
« Mean Creek » n’aurait pu être filmé n’importe où dans le monde. Malgré un sujet universel (la perte de
l’innocence), le film exhibe fièrement son enracinement dans la culture occidentale. Une culture préservée
du besoin. Une culture qui fait grand cas des droits des individus. Mais une culture qui constate chaque
jour la déliquescence de ses valeurs. En cause, le conflit intergénérationnel et l’absence de modèle. Les
parents démissionnent, les professeurs baissent pavillon et les institutions sombrent dans la gabegie
organisée par ceux censés en être les gardiens. Bref, le meilleur des mondes décrit ici sans aucune espèce
de complaisance au travers d’une jeunesse livrée à elle-même.
Plantée dans une Amérique que la loi du plus fort habite, « Mean Creek » est l’histoire d’un banal règlement
de compte qui tourne au drame. Une vendetta entre adolescent qui vire au cauchemar et enlève d’un coup d’un
seul ce paradis dans lequel les protagonistes vivaient sans même s’en rendre compte. Si dialogues et
réalisation multiplient les allusions au Délivrance de John Boorman, c’est pour mieux nuancer l’idée de
« paradis perdu ». On a même le sentiment que la fatalité a conduit ces adolescents sciemment vers l’irréparable.
Pourquoi ? Parce que l’Occident (représentée ici par l’Amérique) n’est plus ce paradis dont se sont délecté nos ancêtres. La crise, le chômage, l’alcool et la désagrégation du tissu familial ont transformé le quotidien en enfer où règne méchanceté et violence. Aucune lourdeur moralisatrice, simplement un constat auquel les media nous renvoient tous les jours. Des faits divers comme ceux de « Mean Creek », il y en a pléthore à travers le monde. Mais au lieu de se limiter à une absence d’explication (type Elephant) « Mean Creek » tente de nous dépeindre les liens sociaux qui désunissent les générations et unissent les adolescents entre eux. Instructif et dérangeant !