Deauville 2004 : "The Final Cut" et "Undertow"
Robin Williams fait le montage de votre vie et deux jeunes américains s’embourbent dans une vengeance crade…
THE FINAL CUT de Omar Naïm avec Robin Williams
Evoluant dans un univers futuriste, les gens portent dorénavant des puces électroniques
qui enregistrent leur moindre faits et gestes. Lorsqu’ils décèdent, les puces sont retirées
et les images enregistrées tout au long de leurs vies peuvent alors être montées et diffusées
lors de leurs obsèques.
Mais un jour, Alan Hakman, l’un des « monteurs » les plus demandés, retrouve par accident
une image de son enfance qui le hante depuis toujours. Cette découverte va l’amener à chercher
la vérité sur sa propre histoire.
Omar Naïm, retenez bien ce nom ! Vous risquez d’en entendre parler très prochainement comme
le nouveau prodige hollywoodien. Son film « The Final Cut » survole en ce moment même la
compétition, ici, à Deauville. Non que les films indépendants projetés fussent médiocres.
Bien au contraire, cette année, la compétition est d’un très haut niveau. Néanmoins « The Final Cut »
boxe dans une toute autre catégorie.
Un sujet envoûtant, un scénario complexe à souhait qui fait la part belle aux sentiments humains,
un esthétisme ultra soigné (des plans et décors) et par-dessus tout une interprétation digne des plus
grands éloges. Il ne manque décidément rien à « The Final Cut » qui s’empare corps et âme du spectateur
pour ne plus jamais le lâcher… même une fois le rideau tombé. Naïm utilise avec maestria l’image
métaphorique au sens propre et littérale. C’est là sa force ! Ajouter à la forme d’une prodigieuse
originalité un fond hautement inspiré. La mise en scène sert le scénario. Rien ni personne n’est
laissé au hasard. Soucieux du moindre détail, Naïm prend un soin particulier à fignoler son univers.
Pour réussir une oeuvre d’anticipation, il faut d’abord que le concept soit solide et redoutablement
intelligent, ensuite qu’il nous touche dans notre vie au quotidien. Par conséquent, Naïm nous invite
dans « The Final Cut » à établir un parallèle étroit entre existence et cinéma. Adepte de la mise en
abîmes, il utilise le vecteur de l’image et introduit pour les besoins de sa démonstration un personnage
clé : « le monteur ». Il est le grand manitou ; celui qui, une fois l’être cher décédé, a tout pouvoir
sur les souvenirs de l’entourage du défunt. Le « monteur » est ici tour à tour présenté comme le prêtre,
le croque-mort, le mangeur de pêchers pour finir par être assimilé à Dieu.
Qui sont les réalisateurs ? Réponse : les être humains munis d’implants capables d’enregistrer chaque
instant de leur vies ! On retrouve les grands thèmes de la Science-Fiction originalement traités :
l’immortalité, la surveillance, le libre-arbitre, la liberté… Cependant, la vision de Naïm nous plonge
dans un univers terrifiant. Un univers où l’homme se prive volontairement à son droit le plus fondamental :
le respect de la vie privée. Un univers où l’homme accepte délibérément de se mécaniser. Un univers où
le réalisateur est dépossédé du « final cut » (montage final). Toute analogie avec l’univers hollywoodien
serait purement fortuite…
Derrière la fable futuriste demeure une vision paranoïaque à l’extrême. De l’étoffe de celles qui
engendrent les grands films (Total Recall, Soleil vert,
Minority Report« … ). De celles qui, plutôt que de manipuler le spectateur,
s’attache à souligner la manipulation dont il fait chaque jour l’objet. Une manipulation mediatique
qui nous indique quoi faire, quoi dire et quoi penser… Une fable de celles dont les individus ont
besoin pour penser donc exister ! A voir impérativement !!!
UNDERTOW (L’autre rive) de David Gordon Green avec Dermot Mulroney
Deux jeunes frères, Chris et Tim, vivent avec leur père dans le sud des Etats-Unis lorsque leur oncle
Deel leur rend visite après avoir purgé une peine de prison. Il va alors assassiner leur père pour
s’emparer de l’or familial et tenté d’éliminer ses deux neveux, témoins du meurtre. Mais Chris et Tim
ont déjà fui. Bien décidé à récupérer l’argent, Deel se lance à leur poursuite…
Après le contemplatif « George Washington » (présenté en 2000 au Festival du Film Américain de Deauville),
David Gordon Green revient sur le devant de la scène avec cette histoire de règlement de compte au pays
des culs-terreux. Ambiance Bayou assurée. Green colle au cul des vaches pour en inhaler toute la puanteur
et nous la présenter comme le parfum à la mode… savoureux et exquis. Certains trouveront ici de quoi
s’extasier et crieront au chef d’oeuvre. Difficile pourtant de voir autre chose qu’une belle occasion
manquée.
Esthétiquement, c’est plutôt raté. Scénaristiquement, « Undertow » est carrément limité. Si ce n’est
quelques maigres effets visuels d’une lourdeur achevée (d’incessants gels sur l’image censés donner
une impression de narration dans la narration), l’ensemble souffre d’une platitude endémique qui plombe
le film et le rend prétentieux… pire surfait. Hormis un générique assez réussi, le reste sombre dans le
sordide le plus complet et aura tôt fait de vous déprimer. Personnages maudits jusqu’à la moelle, sans
avenir, sans espoir et sans la moindre détermination.
Regarder « Undertow », c’est absorber 3 xanax à la fois. Autant dire qu’on frôle l’overdose !!! Dépressifs et âmes sensibles s’abstenir puisqu’à la vulgarité des plans, Green ajoute de repoussantes séquences totalement gratuites qui mettent le spectateur instantanément mal à l’aise (les clous s’enfoncent dans la chair, les enfants mangent de la peinture, des insectes, de la terre. Ils vomissent également en gros plan ou suppurent de leur blessures démonstrativement… ). Bref de quoi vous rassasier avant même d’avoir mangé ! Inutile et barbant !!!