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Deauville 2004 : "Down to the Bone" et "Duane Incarnate"

Par François Chollier | Publié le
Deauville 2004 : "Down to the Bone" et "Duane Incarnate"

3ème regard sur la sélection de ce 30ème festival du film américain de Deauville…



DOWN TO THE BONE de Debra Granik avec Vera Farmiga

Dans une ville au nord de l’état de New York, Irène se démène pour élever ses deux fils, préserver un semblant de ménage et cacher sa dépendance à la cocaïne. Prise au pièges entre les immenses centres commerciaux et les agglomérations mourantes de cette région, Irène ne sait plus où elle en est.

Au bord du gouffre et bien décidée à changer de vie pour un hypothétique monde meilleur auprès de son mari et de ses deux enfants, elle entreprend de suivre une cure de désintoxication afin de décrocher de la drogue.


« Down to the Bone » choisit de traiter le sujet le plus sensible mais aussi le plus savonnette de ce XXIème siècle : la drogue et l’addiction. Sans fioriture ni entrée en matière, la cinéaste braque son objectif sur un petit village américain type banlieue, sa grisaille ambiante et son mal de vivre. Atmosphère lugubre, situations sordides… Granik tient à nous faire toucher du doigt l’implacable processus qui mène à la dépendance puis peu à peu à la mort.

La misère, cause de tout, est alors filmée sous tous les angles : misère physique (absence de rapports ou rapports convulsifs), misère intellectuelle (aucun échange réel, aucun dialogue solide, aucune véritable envie d’élévation) ou bien encore misère financière. Dans ce tableau complet et varié, une seule constante : le gros plan qui ne cesse de fixer de près ces vies inintéressantes et ratées. Ces vies sans envie, sans but précis et par-dessus tout sans espoir si ce n’est celui d’élever correctement ses enfants.

Mais à trop vouloir se focaliser sur les effets désastreux de la dope, la réalisatrice se perd dans les méandres d’une histoire ni très honnête ni très compliquée. Beaucoup de plans inutiles viennent parasiter le propos, le processus de désintoxication est à peine effleuré, quant aux ellipses, le film ne cesse d’en abuser. Seul personnage important de l’histoire, celui d’Irène ce qui fait peu, bien peu, trop peu.

Résultat : un film qui traîne en longueur sur les états d’âme d’une camée égocentrique. Un peu moins de gros plan et plus de plans d’ensemble aurait sans doute aidé la réalisatrice à prendre du recul. « Down to the Bone » aurait ainsi gagné en objectivité, rythme et légèreté. Au lieu de cela, la réalisatrice livre une oeuvre en plomb franchement déprimante et dispensable.


DUANE INCARNATE de Hal Salwen avec Crystal Bock

Gwen, Connie et Fran vivent heureuses à Manhattan et sont les meilleures amies du monde. Elles semblent même nager dans le bonheur quasi absolu avec leurs hommes respectifs, des partenaires à priori idéaux.

Un jour, leur amie Wanda, une perdante née au goût vestimentaire incertain, leur parle de sa nouvelle conquête : un dénommé Duane. A la fois beau, intelligent et spirituel, il est la d éfinition même de l’homme parfait. Doutant qu’un homme qui en vaille la peine puisse jamais tomber amoureux de la repoussante Wanda, elles décident de rencontrer cet oiseau rare…


Sous ses airs de comédie légère bon chic bon genre et sans aucune prétention, « Duane Incarnate » épingle habilement nos préjugés sur l’apparence et particulièrement sur les canons de beauté. Certes, le film de Salwen n’a pas vocation à changer le monde ni même philosopher sur les méfaits d’une sur-idéalisation de l’image mais il griffe, égratigne et vide l’abcès. Une chose est claire, dixit Mc Luhan, « l’image n’est pas tout mais tout est image » et méfiance envers celui qui cherche à frauder. Nous sommes ce à quoi nous ressemblons ; Top models au sommet, Picassos face contre terre.

Si beaucoup d’entre nous en étions convaincus, « Duane Incarnate » le proclame haut et fort. Impossible de gravir les échelons de l’échelle sociale lorsqu’on est petit, moche et pas forcément gâté par Dame Nature. Tout le monde sait ça ! Et si d’aventure l’ordre établi, qui veut que les éphèbes aillent aux éphèbes, venait à être bouleversé, nombre d’âmes fort bien intentionnées s’empresseront de vous rappeler à l’ordre. Oui… être beau et populaire ne fonctionne pas seulement comme système de référence en maternelle, en primaire au Collège ou au Lycée. Une fois adulte, ce même étalon continue de manière plus sournoise et/ou plus larvée à régenter les rapports humains.

« Duane Incarnate » est une variation sur ce thème avec effets grossissants pour assurer un comique de geste, de mots et de situations afin de relaxer le spectateur. Mais par le rire, le réalisateur corrige les moeurs. La théorie du chaos, de l’ordre pré-établi, du réel et de l’irréel, tout y passe sur le ton de la dérision. Le Pitch est simple mais efficace ! La présence de gags en pagaille, d’une narration bien structurée et de personnages épais et drôles font le reste. On ne s’ennuie jamais dans « Duane Incarnate ». On y apprend même à accepter l’autre avec ses imperfections. C’est ça aussi l’amour ; une relation entre deux êtres imparfaits. Drôle, frais et intelligent !

Cinéma
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