Mylène Farmer Tour 89 : le fantasme de la HD
Attendu comme le messie, le premier concert de Mylène Farmer arrive enfin en DVD et Blu-ray. Mais les rêves de restauration HD resteront des rêves…
LA SOURCE
Contrairement à la norme de l'époque, il faut savoir que le spectacle Mylène Farmer - En concert a été capté sur film 16mm et non en vidéo. 6 caméras pour deux tournages en public et un tournage salle vide pour avoir plus de liberté de mouvements et ainsi accumuler des prises alternatives pour le montage final (source Wikipédia). À cette captation, s'ajoutent les plans tournés en extérieur (le cimetière, les fumées/nuages et le décor installé au milieu d'une plaine pour les plans d'introduction et de destruction finale).
À ce stade, il faut noter que la totalité de ces tournages représente des kilomètres de pellicules et donc un nombre colossal d'heures de rushes.
Puis vient le moment du montage. Dans ce genre de cas, si une partie du montage peut se faire comme pour un film, en coupant/collant des morceaux de pellicule, il faut bien voir qu'il est plus aisé de numériser les images retenues parmi les heures de rushes pour les manipuler ensuite sur un banc de montage vidéo, qui permettra de plus d'appliquer des fondus, des incrustations et enfin le titrage.
C'est en grande partie ce qu'il s'est passé pour ce concert dont le montage final de référence, destiné au stockage et à la duplication, a été enregistré en 1990 sur une bande D1, le format vidéo professionnel haut de gamme de référence à l'époque, signé Sony, dont la résolution maximum est de 720 points sur 576 lignes.
À ce stade, la seule et unique source du montage définitif du concert est donc cette fameuse bande D1 (source Universal Music).
LE FANTASME DE LA HD
Dans ces conditions, quid d'un transfert HD ? Et bien à moins de mettre en oeuvre des outils d'upscaling s'appuyant sur des algorithmes d'intelligence artificielle (*), il faut bien admettre que passer de 576 lignes à 1080 relève du fantasme. Et encore, on reste tributaire des "défauts" inhérents à la pellicule 16mm, mis en exergue par la qualité de numérisation des années 90 qui n'a rien à voir avec ce que l'on peut atteindre aujourd'hui.
Restaurer et remasteriser réellement le concert en HD, comme on peut le faire pour des films de cinéma, signifie retrouver toutes les bobines 16mm, les trier, retrouver les passages exacts utilisés dans le montage final, scanner ces passages aux normes du moment, réinjecter le tout dans un banc de montage numérique, recréer les transitions, les fondus, les incrustations et le titrage… un véritable travail de titan, un temps colossal, une énergie folle et un coût rédhibitoire.
Bien évidemment, on ne fait pas ça non plus pour des films de cinéma, mais dans la majorité des cas, les archives des studios contiennent une pellicule contenant le montage définitif, utilisée par exemple en projection, qui peut être scannée et nettoyée. Mais une telle pellicule n'existe pas non plus pour le concert qui nous intéresse.
Pour ces mêmes raisons, il est inutile de retenir sa respiration en attendant une remasterisation HD des premiers clips de Mylène Farmer…
DVD et BLU-RAY
Que trouve-t-on alors sur le DVD et le Blu-ray qui sortiront le 31 mai 2019 ?
On y trouve un nouveau transfert anamorphique (16/9) de la bande D1, transfert compressé ensuite en MPEG-2 pour le DVD, et en AVC pour le Blu-ray. Si la définition du DVD est en phase avec celle du D1 (576 lignes), celle du Blu-ray se trouve ici sous-exploitée avec 576 lignes, sans tentative d'upscaling (gonflage de l'image vers 720 ou 1080 lignes). À ce stade, il est difficile de parler de véritable "restauration".
L'image qui en résulte sur le DVD sera toujours plus intéressante que sur la VHS car on évite les distortions et les bruits vidéo inhérents au support. L'encodage MPEG-2 permet d'adoucir certains défauts vidéo, mais très curieusement, on reste assez loin de la qualité du Laserdisc paru en 1990 (voir plus loin).
Pour le Blu-ray, l'encodage AVC, beaucoup moins indulgent que le MPEG-2, aurait tendance à amplifier les défauts de compression. L'image est donc un poil plus net, mais les défauts aussi.
Côté son, un travail de remasterisation 5.1 a été effectué. Le DVD propose uniquement ce nouveau mix en Dolby Digital aves les limites de ce dernier (un son à la dynamique limitée) ; tandis que le Blu-ray propose le mix original en stéréo sur une piste PCM, en plus du mix 5.1 porté cette fois par une piste DTS-HD Master Audio qui offre alors une profondeur et une largeur accrues, notamment dans les basses, et propose une ambiance de concert convaincante.
PEUT MIEUX FAIRE ?
Un cadre d'avertissement est présent sur les jaquettes du DVD et du Blu-ray, annonçant que malgré le travail effectué, des défauts peuvent subsister.
Cependant, si l'on compare l'image ainsi obtenue à celle du Laserdic, même zoomée pour arriver à 576 lignes (le Laserdics n'étant pas anamorphique, la hauteur d'image "utile" n'est que de 444 lignes), on se rend compte que le nouveau transfert manque singulièrement de subtilité.
Image 1 : Laserdisc (1990) / Image 2 : DVD (2019)
On peut également citer l'éditeur Eagle Vision qui obtient des résultats assez intéressants sur sa gamme de SD Blu-ray, une collection de concerts dont les images sont upscalées d'après les bandes vidéo d'époque.
Une copie à revoir ? Sans doute…
* Des tests très satisfaisants ont été effectués sur des images de la série Star Trek : Deep Space Nine à l'occasion d'un documentaire retraçant sa production. Voir cet article (en anglais) : Remastering Star Trek: Deep Space Nine With Machine Learning