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L'appel des 50 : la vidéo physique se déconfine

Par Giuseppe Salza | Publié le | Mis à jour
L'appel des 50 : la vidéo physique se déconfine

À l’heure du déconfinement, beaucoup d’industries font le bilan et ramassent les pots cassés. Le monde de la vidéo physique n’y échappe pas et prend la parole pour alerter les pouvoirs publics.

Par le biais du communiqué de presse reproduit ci-dessous dans son intégralité, 50 éditeurs vidéo français indépendants (éditeurs et distributeurs de DVD, Blu-ray et UHD) font à leur tour le bilan de la période de confinement du printemps 2020 et demandent qu'une aide spécifique leur soit accordée. Défenseur du support physique depuis l'arrivée du DVD en France en 1998, DVDFR se fait un devoir de faire circuler ce SOS.


L’appel des 50 :

l’édition vidéo DVD, Blu-ray et Ultra HD, chaînon précieux de la vie et de la diffusion des films, est en pleine tourmente.
 

Paris, le 3 juin 2020.

Un collectif réunissant un très large panel d’éditeurs vidéo exprime l’inquiétude d’une filière importante, créative et dynamique, garante de la diversité culturelle des œuvres et de la qualité de leur restitution, et qui participe à renforcer les liens entre tous les publics et le cinéma.

Hier, aujourd’hui et demain, la vidéo physique est capitale
dans la galaxie du cinéma et dans la diffusion de la culture en général.

En complément des autres médiums, la vidéo physique fait vivre le patrimoine cinématographique et audiovisuel assurant sa préservation, sa diffusion et sa transmission. Elle contribue aussi à l’économie de toute une filière cinéma : des ayant-droits aux laboratoires techniques et artistiques, des agences de création aux attachés de presse.

Après la salle de cinéma, la sortie vidéo apporte une nouvelle visibilité aux œuvres (retombées presse, communications, réseaux sociaux), qui rayonne sur les autres médiums à venir comme la TV ou la VOD/SVOD, qui bénéficient de cette exposition préalable.

En cette période de confinement que nous venons de vivre où la TV et la VOD/SVOD ont fidélisé ou conquis de nouveaux publics, il est important de rappeler que l’ensemble des moyens de diffusion fonctionne les uns avec les autres, et pas les uns contre les autres. La salle de cinéma annonce la vidéo, qui participe à son tour au rayonnement des films en TV/VOD/SVOD.

Aucun support n’a vocation à se substituer aux autres, tous ont vocation à exister en complémentarité les uns des autres.

Trop souvent oubliée des analyses sur la filière audiovisuelle, l’exploitation des droits vidéo physique pesait près de 400 millions d’euros TTC en 2019. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire des plaisanteries de cérémonies de prestige, le support existe, vit, respire et se développe même sur certaines cinéphilies !

Car même à l’heure du tout-numérique, la vidéo physique conserve de très forts atouts :

  • Elle propose de beaux objets, durables, transmissibles et qui répondent à une envie unique, à l’opposé de la culture au débit : elle est la seule assurance de posséder, durablement dans le temps, sans dépendre d’inventaires à l’accès variable.
  • L’édition vidéo initie au cinéma avec ses fameux suppléments qui offrent une place unique à des documents rares permettant d’approfondir la découverte d’une œuvre, que l’on soit néophyte ou initié.
  • L’édition vidéo participe de la démocratisation de la culture avec l’accès aux objets en CDI/médiathèques à des conditions très avantageuses.
  • L’édition vidéo innove au service des créateurs. L’Ultra HD 4K est aujourd’hui le meilleur support - et de loin - de restitution des films cinéma. L’Ultra HD 4K propose sur certaines éditions un « préréglage réalisateur » qui permet de voir le film en respectant l’étalonnage exact voulu par son créateur. Christopher Nolan et Martin Scorsese ont notamment parrainé cette innovation exclusive au support qui permet de respecter l’étalonnage (le rendu des couleurs) voulu par le réalisateur.

Ce précieux outil de diversité et de création que 10 millions de Français
déclaraient encore acheter en 2018, pourrait perdre entre 30 et 40%
de sa valeur commerciale, du fait de la grave crise que nous traversons.

Les effets du COVID-19 sur la profession sont déjà alarmants, le marché ayant perdu près de 75% de ventes potentielles sur les ventes habituelles depuis le confinement, ce qui concerne l’ensemble de sa filière :

  • Sur la chaîne de conception et fabrication, des laboratoires aux agences, des chargés de projets aux presseurs.
  • Sur la chaîne logistique, les prestataires ayant logiquement réduit leurs activités, de nombreux postes ont été fermés et les sociétés d’expédition n’ont fonctionné que de façon très réduite.
  • Sur les circuits de distribution, les magasins traditionnels réouvrant au fur et à mesure, la vente à distance ne compensant pas la perte des ventes en magasins.
  • Sur les réseaux dits institutionnels, les commandes sont quasiment au point mort, les clients de ces réseaux (médiathèques, bibliothèques) ayant été fermés, et la reprise s’annonçant très lente.

Le déconfinement vient de se produire : mais on s’aperçoit qu’il va y avoir un très long chemin à parcourir pour redonner l’envie habituellement suscitée par les lieux de vie et de culture, l’expérience étant désormais entravée par les contraintes sanitaires indispensables telles que les quotas de clients ou les files d’attente.

Bref, une situation préoccupante menace actuellement l’équilibre de l’ensemble de la filière, des laboratoires aux agences de création, des distributeurs indépendants aux éditeurs.

Nous demandons aux pouvoirs publics un plan de sauvegarde avec la création d’un budget spécifique de sauvegarde pour la culture, incluant notamment l’univers de la vidéo physique, en plus des exploitants, des distributeurs ou des producteurs. Le CNL l’a fait pour une autre filière liée au support physique, le livre, avec la création d’un plan d’urgence de 5 millions d’euros, en plus des aides sélectives.

En plus d’un plan de sauvegarde, un plan de relance doit parallèlement être mis en route, avec des actions nationales à mener sur la vidéo par tous ses acteurs (éditeurs, prestataires, points de vente, festivals), pour faire exister encore plus pleinement le support physique.

Nous, éditeurs vidéo indépendants, sommes prêts à nous réinventer comme nous le faisons déjà depuis des années, pour faire exister le cinéma d’hier, d’aujourd’hui et de demain en éditions vidéo physique. Cela, nous le répétons, en complément des mille et une autres manières de voir des films.

Parce que les cinéphiles français aiment et chérissent l’édition physique, et y voient un objet de collection qui se possède, qui se garde et qui se transmet, nous concluons avec le beau texte que nous a envoyé le cinéaste Bertrand Tavernier :

« Durant ce moment de confinement, je dois dire que les DVD ont été une aide inappréciable. Se frotter aux grands films, les revoir dans de bonnes conditions, dans des transferts excellents, des copies magnifiquement restaurées produits par de nombreuses sociétés françaises ces dernières années de Gaumont à Carlotta, de Pathé à Doriane Films, Rimini, Coin de Mire, Wild Side, Tamasa, m’a valu des soirées passionnées.
Revoir en Blu-ray des westerns superbes, dans des copies superbes comme L’Attaque de la malle posteLe Jardin du diable (Sidonis où l’on trouve aussi des policiers rares comme Midi gare centrale), des classiques sous-estimés comme Freud, passions secrètes de John Huston ou Promenade avec l’amour et la mort, faire le point sur l’œuvre essentielle de Pabst (qui connaît Le Procès qu’il tourna en Autriche pour se racheter après avoir rejoint le parti nazi ? C’est un film exceptionnel sur l’antisémitisme
qui fleurit partout durant cette épidémie), redécouvrir les films d’André Cayatte, de Henri Decoin, de Christian-Jaque, furent des moments de bonheur au milieu de cette effroyable crise.
D’autant que dans nombre de ces DVD, on trouve des bonus inappréciables (et souvent absents sur le net) comme ces explications d’une psychanalyste décryptant à sa juste valeur le travail de Huston ou toute cette série d’interviews autour du dernier et admirable film de Robert Altman, The Last Show. C’est aussi découvrir les deux fins de Non coupable, des Grandes manœuvres, réapprécier à sa juste valeur Une femme mariée de Godard avec une décapante intervention de Macha Méril. Bref, ces DVD rendent encore plus vivants et nécessaires des films pourtant si vivants. Les personnages coincés du Décaméron de Boccace en profitaient pour faire assaut d’imagination, imitons-les et faisons assaut de culture. Découvrons ou redécouvrons. Le territoire est vaste, l’offre variée, de Bergman à Kurosawa, de Michael Powell (le cinéma anglais est une mine de films de résistance contre une autre forme d’épidémie qu’on appelait le totalitarisme) ou de Comencini à Ozu et à Christian-Jaque. »

Commentaires
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Falastus
Le 7 juin 2020 à 02:06 - mis à jour le 7 juin 2020 à 02:52

Ah oui, déjà en très mauvaise santé, le confinement n'a pas arrangé la situation du support physique. Les plates-formes de SVOD ont rencontré un très fort succès pendant le confinement, accélérant la migration vers ce mode de consommation de films.

Ah, le support physique... Je ne l'ai pas quitté mais il y a une réalité : le mode de consommation change. Le monde cinéphilie se réduit d'année en année. Les nouvelles générations n'ont plus de culture cinématographique. Elles bouffent des films, elles n'apprécient plus les films. La nuance est importante. Les prix des supports physiques chez certains petits éditeurs ont de quoi rebuter ceux qui veulent entrer dans la cinéphilie. Ca coûte cher, pour de bonnes raisons, comme la restauration des films, mais c'est un frein.

Sur Twitter, Le Chat qui Fume n'arrête pas de me dire que le support physique se porte bien, répondant à certaines attentes, celles des cinéphiles. Alors où le problème ? Si les éditeurs indépendants rentrent dans leurs frais grâce aux cinéphiles, pourquoi demander des aides publiques ? Il faut être logique... Si les cinéphiles suffisent pour que le support physique survive, les éditeurs indépendants n'ont pas besoin de mes impôts. Demain, il y aura encore un marché pour le support physique. Il n'y a donc aucune crainte à avoir. Le patrimoine cinématographique continuera d'être sauvegardé.

L'Etat subventionne déjà beaucoup de secteurs, qui ont fait des erreurs stratégiques. Ceux sont les Français qui paient les pots cassés. Parmi ceux-ci, nous retrouvons la culture, dans laquelle il y a le 7eme Art. Il faudrait maintenant faire un plan de sauvegarde pour le monde indépendant du support physique. Mais ce monde s'est-il remis en question ? Des chanteurs ne voulaient pas entendre parler du support dématérialisé. Ils y sont passés. Le monde de la littérature boudait le dématérialisé. Il y est passé. Dans ce conglomérat de 50 éditeurs, beaucoup font l'impasse sur le dématérialisé, arguant que leurs éditions visent les cinéphiles. Dans ce cas, qu'ils fassent avec l'argent des cinéphiles et pas avec les impôts des Français.

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