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DOSSIER EM - Interview avec Victoria Willis

Par Giuseppe Salza | Publié le
 DOSSIER EM  - Interview avec Victoria Willis

Suite et fin de notre voyage chez Editions Montparnasse, avec une rencontre avec la responsable du département DVD, qui supervisa les premiers disques français, et qui songe maintenant aux prochaines déclinaisons du format



dvdfr- Vous avez été l’une des premières personnes en Europe à réaliser des DVD…

Victoria Willis - Les Enfants de Lumière a été le tout premier DVD français. Il n’a pas été évident à réaliser, mais ce contact avec le DVD a surtout été très rigolo. Rétrospectivement, le graphisme n’est peut-être plus contemporain, mais Les Enfants de Lumière bénéficie de prouesses techniques qui n’ont pas été répétées depuis. Nous avons inclus 350 mini-fiches accessibles pendant le programme, pour chacun des films cités dans ce document. Nous nous sommes heurtés aux limites techniques du format : en effet, le flux vidéo du DVD n’autorise pas d’avoir plus de 99 liens simultanés. Nous avons dû recourir à de petits artifices pour contourner ce problème…

dvdfr- Comme vous avez été les premiers, vous avez eu le temps de bien travailler sur les possibilités du système…

Victoria Willis - Tout à fait, mais ce n’est pas forcément visible. L’an dernier, tout le monde s’extasiait devant le « seamless branching » du Le Masque de Zorro… mais nous l’avions déjà fait avant avec Versailles, la visite, qui offre le choix entre 6 génériques selon la langue choisie !

Notre sujet actuel de préoccupation est de garantir la qualité de l’image sur les films anciens, avec un bon bitrate vidéo. Par exemple, nous allons bientôt sortir « Fort Apache », un autre film où il y a deux montages différents. Nous avons opté de faire un disque double face pour offrir les 2 versions, car un DVD-10 offre plus de place qu’un DVD-9 (9,4 Go contre 8,5 Go - NdlR). Comme il s’agit d’un film un peu long, cette place supplémentaire nous permet d’offrir un débit vidéo plus confortable.

Les Enfants de Lumière - DVD
 
Versailles, la visite - DVD
 
Le Danseur du dessus - DVD

dvdfr- « Fort Apache » est le 3ème film classique qui présente deux montages différents. On peut comprendre les raisons d’un King Kong. Mais pourquoi il y a de telles différences sur un Le Danseur du dessus et « Fort Apache » ?

Victoria Willis - Allez savoir. Il suffisait que les distributeurs de l’époque reçoivent une version incomplète, ils faisaient le doublage, et à partir de là, c’est impossible à rattraper. Nous avons la chance de travailler avec Serge Bromberg, qui connaît fort bien l’histoire de ces pellicules. Et lorsqu’on se trouve face à ces incongruités, nous optons pour présenter les deux versions.

dvdfr- Les films de la RKO bénéficient d’un travail de restauration. Qu’entendez-vous par restauration ? Est-ce que vous refaites le télécinéma ?

Victoria Willis - Nous effectuons de gros travaux de réfection au niveau de l’image et notamment du son. C’est une tâche assez minutieuse et chère, de l’ordre de 30.000 francs par titre. Pour justifier un nouveau télécinéma, il faut que le master d’origine soit en mauvais état, ou que le transfert soit vétuste. En général, les télécinéma réalisés au cours des derniers 5 ou 6 ans, sont de bonne qualité.

En ce qui concerne les RKO, nous recevons les masters des Etats-Unis. Mais on procède tout de même à nos travaux de restauration. La Règle du jeu est un film qui a nécessité de procéder à un nouveau télécinéma. Nous avions trouvé un master qui avait été conçu pour une diffusion TV sur Arte, et qui n’était pas très bon.

En revanche, les vraies restaurations au niveau de la pellicule, nécessitent des investissements de l’ordre de 2 millions de francs, bien au-dessus des possibilités des distributeurs. Il n’y a que le ministère de la Culture qui peut financer ça. « Les enfants du paradis » avait bénéficié d’un tel travail. Hélas, nous n’avons plus les droits, mais j’ai hâte de voir le DVD…

dvdfr- Parlons des coûts. Quel est le prix actuel pour fabriquer un DVD, par exemple un titre de la RKO ?

Victoria Willis - Cela varie de titre en titre. Et à partir du moment où on réalise une série de disques dans une collection, on peut avoir un prix sur l’ensemble…

dvdfr- …hmm, les RKO ne sont finalement pas le bon exemple…

Ils le sont, car ils nécessitent en plus des frais de restauration. Un DVD RKO coûte en moyenne entre 30 et 35.000 francs, auxquels il faut ajouter les 25/30.000 pour la restauration. On arrive donc à un budget de 60-65.000 francs. Bien entendu, ce chiffre ne comprends pas ni les coûts du pressage, ni ceux de la structure de production (salaires, piges, etc.). Mais les coûts peuvent varier.

dvdfr- Par exemple, quel a été le budget d’Himalaya, l’enfance d’un chef ?

Victoria Willis - 200.000 francs environ.

Himalaya, l'enfance d'un chef - DVD
 
L'Invasion des profanateurs de sépultures - DVD
 
La Règle du jeu - DVD

dvdfr- A propos de la Collection Fantastique, je dois adresser un petit grief de la part de certains de nos lecteurs : L’Invasion des profanateurs de sépultures commence en format respecté, mais après le générique, il devient pan&scan !

Victoria Willis - Ne m’en parlez pas ! Nous avons reçu le master des U.S. dans ce format. On aurait dû réagir plus tôt… Nous sommes résolument en faveur du format respecté, il s’agit juste d’un incident de parcours.

dvdfr- Est-ce que vous travaillez en flux tendu ?

Victoria Willis - Oh oui, on peut le dire ! Nous venons à peine de sortir d’un cycle serré, où on a dû s’occuper d’une quinzaine de DVD en même temps, et on va se plonger sur les sorties du printemps. A partir du moment où les décisions ont été prises, la fabrication d’un DVD prend 4 mois. Cela peut être plus si le disque est compliqué, ou moins si le projet est plus linéaire.

dvdfr- Parfois, les DVD les plus riches en matière de contenus, sont paradoxalement les plus simples à faire. Est-ce que cela a été le cas d’Himalaya, l’enfance d’un chef ?

Victoria Willis - Je ne dirais pas qu’il a été si simple, mais on peut dire que le DVD n’a pas posé trop de problèmes techniques. Les choses sont plus linéaires, à partir du moment où les compléments sont déjà disponibles. Je savais qu’ils avaient fait de rushes pendant le tournage, et je leur ai donc demandé de les monter, pour faire le making of.

Sur les films récents, on peut souvent bénéficier du soutien direct du réalisateur et de l’équipe du tournage. Eric Valli, Bruno Coulais et Jacques Perrin (avec qui nous avions travaillé sur Les Enfants de Lumière ) se sont beaucoup impliqués dans le DVD, et ont enregistré le commentaire audio. L’ingénieur du son de Bruno Coulais nous a remixé la chanson en 5.1. Cela devient plus simple, à partir du moment où les gens s’impliquent dans un projet.

dvdfr- Même la cohabitation des pistes DD et DTS a été simple ?

Victoria Willis - Oh, pas du tout. En fait, comme il fallait effectuer l’encodage par 2 décodeurs différents, nous avons réalisé qu’il est impossible d’équilibrer les niveaux pour une raison technique spécifique. Nous nous sommes trouvés avec une piste DTS à un niveau bien supérieur à celui du DD, et nous avons été obligés de refaire l’encodage pour le DTS.

dvdfr- Est-ce que l’encodage de la piste DTS a été fait en France ?

Victoria Willis - Oui. Il y a 2 laboratoires qui permettent de le faire.

Iwo Jima - DVD
 
Johnny Guitare - DVD
 
Le Reveil de la sorcière rouge - DVD

dvdfr- On commence à parler des prochaines évolutions du DVD. Que pensez-vous du eDVD ?

Victoria Willis - Je suis totalement pour ! Nous allons tous vers cette direction, et ils ont déjà commencé à explorer les possibilités aux U.S. Le problème est que la technologie n’est pas encore au point. Mais l’intégration du Net et les capacités d’évolution des lecteurs des prochaines générations, sont très excitantes. Je veux aller vers cette direction. Il faut cependant trouver le temps et les moyens pour étudier et développer dans ce sens. Mais je suis convaincue qu’il va changer notre façon de travailler.

dvdfr- Il y a un dernier point qui attire souvent le mécontentement des consommateurs : le sous-titres imposés, notamment au niveau des films qui ne sont pas très récents. Les gens se demandent pourquoi les distributeurs n’achètent pas aussi les droits VO non sous-titrée pour la France…

Victoria Willis - Mais cela ne s’achète pas ! Le producteur nous cède les droits dans notre langue. Imaginons qu’on place aussi de sous-titres allemands. Ce qui va se passer, est que lorsqu’il vendra les droits en Allemagne, il ne pourra pas demander le même prix, car le distributeur allemand lui répondra que notre DVD a déjà ces sous-titres, et donc il s’estimera lésé. Cela s’applique aussi à l’anglais. Par exemple, pour le DVD de « Warriors », nous sommes obligés à imposer les sous-titres français en VO. Vous le savez mieux que moi : ce n’est pas la question du touriste qui s’achète un disque. Avec Internet, on peut acheter n’importe où, et il y a la libre circulation des biens en Europe. Je peux comprendre qu’il s’agit pour certains d’une source de mécontentement, mais il faut aussi comprendre que ce système nous permet de protéger nos droits…

dvdfr- Nous sommes d’accord, mais en même temps les éditeurs indépendants souffrent d’un complexe d’inégalité vis à vis des Majors : elles n’imposent pas les sous-titres, car de toute façon elles détiennent les droits planétaires…

Victoria Willis - Tout à fait. Mais comme vous savez, il y a des éditeurs indépendants européens qui essaient de créer un réseau, pour favoriser les synergies. Si cela se met en place un jour, le problème ne se pose plus, car les langues principales seront présentes sur le disque.

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