Madame de... (1953) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Max Ophüls
Avec Charles Boyer, Danielle Darrieux et Vittorio De Sica

Édité par Gaumont

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Le 24/03/2014
Critique

Pour régler ses dettes, Madame de… vend les boucles d’oreilles que son mari le Général de… lui a offertes. Le parcours de ce bijou aura des conséquences dramatiques.

Madame de… est l’avant-dernier film de l’immense réalisateur Max Ophüls. Revenu des Etats-Unis en 1950 avec La Ronde puis Le Plaisir en 1952, le cinéaste décide ensuite d’adapter la nouvelle de Louise de Vilmorin, Madame de… publiée en 1951. Max Ophüls trahit l’oeuvre originale - y compris la fin - pour se l’approprier, afin d’aborder des thèmes qui lui sont chers, la passion amoureuse, le hasard, le déchirement, le renoncement, l’ennui dû aux attitudes à adopter dans une société d’apparat, avec une extrême délicatesse. Comédie légère et même frivole qui tourne progressivement à la tragédie sombre avec une intensité dramatique qui ne cesse de se resserrer, Madame de… est un des chefs-d’oeuvre de son auteur.

Magnifiquement mis en scène, photographié, cadré, interprété, dialogué, on reste pantois devant la méticulosité technique éblouissante de chaque plan-séquence, la chorégraphie des personnages dans le cadre, chaque déplacement de la caméra qui virevolte littéralement en passant d’un personnage à l’autre pour refléter la spirale de sentiments dans laquelle ils sont aspirés. Le metteur en scène nous invite à une véritable valse - les personnages sont sans cesse en mouvement - enivrante, étourdissante, qui nous laisse pantois d’admiration et le coeur battant fort dans la poitrine. A ce titre, la célèbre séquence de l’enchaînement des bals, qui unissent et isolent progressivement le Baron Donati à Madame de… demeure l’une des plus marquantes de toute la carrière du cinéaste.

Max Ophüls confie le rôle-titre de Madame de… à Danielle Darrieux, qu’il vient de diriger dans La Ronde et Le Plaisir. Sa magistrale performance n’a d’égale que sa beauté et son immense sensibilité qui transperce le coeur des spectateurs encore aujourd’hui. A ses côtés, Charles Boyer incarne le mari cynique, jaloux et pourtant amoureux de la Comtesse Louise de…. Symbole de l’élégance, le comédien livre une de ses plus grandes performances. Il en est de même pour Vittorio de Sica, qui se livre comme rarement devant la caméra dans le rôle de Baron Fabrizio Donati, amoureux transi de Madame de…, émouvant, déchirant même quand il doit oublier cette passion interdite car immorale.

Malgré les troubles, penchants et désirs de ces trois personnages, Max Ophüls ne les juge jamais et met en valeur l’élégance de leur éthique respective, symbolisée par une paire de boucles d’oreilles en diamant qui après moult rebondissements et de nombreux mensonges revient dans les mains de celle à qui elle appartenait. La boucle virtuose est bouclée comme bien souvent dans le cinéma de Max Ophüls.

Présentation - 3,5 / 5

Une fois n’est pas coutume, le menu principal demeure fixe et muet. Le test a été réalisé sur check-disc.

Bonus - 4,0 / 5

A l’instar du segment éponyme présent sur le DVD et le Blu-ray de Lola Montès (disponible chez le même éditeur), Marcel Ophüls, fils de Max Ophüls, présente Madame de… (7’). Notre interlocuteur replace ce chef d’oeuvre dans la filmographie de son père, évoque l’adaptation de l’oeuvre de Louise de Vilmorin, le tout illustré par quelques photos issues du tournage et d’un extrait d’interview d’époque de Danielle Darrieux qui s’exprime sur sa collaboration avec le réalisateur.

Le documentaire suivant intitulé Max Ophuls, le peintre de l’amour fatal, croise les témoignages d’Emi De Sica (fille de Vittorio de Sica), Manuel De Sica (fils de Vittorio de Sica), Dominique Delouche (réalisateur, ami de Danielle Darrieux), Gianluca Farinelli (directeur de la cinémathèque de Bologne), Alain Jessua (réalisateur, stagiaire sur Madame de…), Serge Lecointe (comédien), Ulli Pickardt (assistant de Max Ophüls), Jean Pieuchot (régisseur-adjoint), Aldo Tassone (historien du cinéma et auteur d’un livre sur Max Ophüls) et Piero Tosi (créateur de costumes, ami de Vittorio de Sica). Ce documentaire-rétrospectif en apprend beaucoup sur la personnalité de Max Ophüls, notamment son rapport avec les femmes, mais aussi sur les thèmes explorés dans Madame de…, la collaboration du cinéaste avec les comédiens. Dans la seconde partie, une large place est dédiée au comédien-cinéaste Vittorio de Sica, à travers les propos de deux de ses enfants.

Initialement prévue dans les bacs en septembre 2013, l’édition HD de Madame de… avait été repoussée en raison d’une restauration jugée peu convaincante. Il n’est donc pas étonnant de trouver un module consacré à la restauration du chef d’oeuvre de Max Ophüls (5’). Audrey Birrien, responsable du pôle Patrimoine des Laboratoires Eclair, nous résume brièvement les différentes étapes ayant mené au nouveau master que nous avons devant les yeux.

Image - 4,0 / 5

Le négatif nitrate d’origine avait subi énormément de rayures imputables aux divers tirages successifs, nécessaires aux copies destinées à être projetées dans les salles. Principalement, les éléments originaux étaient dans un état de décomposition avancée. Les recherches effectuées par l’équipe des Laboratoires Eclair ont permis de localiser un marron, un élément intermédiaire en bon état, grâce auquel les restaurateurs ont pu reconstituer les séquences abîmées du négatif original. Une gageure, quand on sait que la mise en scène de Max Ophüls comporte de longs plans-séquences.

Fort d’un master au format respecté 1.33 et d’une compression AVC, ce Blu-ray en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture même si la définition n’est peut-être pas aussi resplendissante que pour les autres éditions HD disponibles chez Gaumont. Mais l’attente est finalement récompensée : la restauration est étincelante, les contrastes d’une densité impressionnante, les gris riches, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes et extérieures, le piqué est doux mais probant, la stabilité jamais prise en défaut, les fondus enchaînés fluides et les détails étonnent par leur précision. Toutefois, quelques flous sporadiques font parfois une apparition remarquée et quelques séquences paraissent moins détaillées. Cela n’empêche pas de s’extasier devant l’élégance de ce master HD !

Son - 4,0 / 5

Egalement restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un très bon confort acoustique avec des dialogues précis. Aucun souffle n’est à déplorer et les ambiances annexes sont limpides. Signalons tout de même quelques résonances et de très légères saturations.

L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Gaumont

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm