En quatrième vitesse (1955) : le test complet du Blu-ray

Kiss Me Deadly

Réalisé par Robert Aldrich
Avec Ralph Meeker, Albert Dekker et Paul Stewart

Édité par Carlotta Films

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Le 02/12/2013
Critique

Une jeune femme blonde court sur une route près de Los Angeles en pleine nuit, essayant désespérément de se faire prendre en stop, et parvient à arrêter la voiture du détective privé Mike Hammer. La femme, nue sous son trench, dit s’appeler Christina et s’être échappée d’un asile psychiatrique où on l’avait internée de force. Ils sont alors rattrapés par un groupe d’hommes qui les enlève ; Christina est torturée et tuée tandis que Mike est battu et laissé pour mort. Mais celui-ci survit miraculeusement et, sur son lit d’hôpital, décide d’enquêter, obsédé par les derniers mots de Christina : « Souvenez-vous de moi »…

Avant que l’écrivain Mickey Spillane ne prête lui-même ses traits burinés au personnage qu’il a créé sur le papier (Solo pour une blonde, 1963), Mike Hammer a d’abord fait son apparition sur les écrans en 1947 dans J’aurai ta peau puis en 1955 avec Robert Aldrich aux commandes pour En quatrième vitesse. Pour son cinquième long métrage, le réalisateur et son scénariste A.I. Bezzerides s’approprient le roman original Kiss Me Deadly pour en faire un véritable objet de cinéma, singulier, génialement mis en scène, véritablement anxiogène et saisissant dans son dernier acte qui fait voler en éclats les conventions du genre.

Soyons honnêtes, les enquêtes de Mike Hammer n’ont jamais été passionnantes et celle au coeur de l’intrigue d’En quatrième vitesse ne déroge pas à la règle. D’ailleurs, le metteur en scène n’a jamais caché qu’il n’appréciait guère les romans de Mickey Spillane. Si son choix s’est porté sur une enquête du fameux détective, c’est avant tout pour profiter de cet engouement populaire qui lui servirait de base pour expérimenter enfin sur le cadre, l’atmosphère, le montage. Jean-Luc Godard s’inspirera d’ailleurs du travail de Robert Aldrich dix ans plus tard avec son mythique Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution .

En quatrième vitesse est un pur exercice de style qui se révèle nettement plus passionnant dans sa mise en scène que dans l’histoire qui nous est racontée. La star ici n’est pas Mike Hammer, interprété par le falot Ralph Meeker, ni les vedettes féminines qui manquent de charme et de sex-appeal, mais bel et bien Robert Aldrich dont nous pouvons admirer le travail pendant 1h45. Nous suivons les pérégrinations du détective privé cynique, volontiers sadique, habitué des affaires de divorce, du flagrant délit d’adultère, souvent aidé par son assistante (et amante) qui ne recule devant rien pour l’aider à obtenir des affaires et indices, qui va se retrouver plongé malgré lui dans une affaire qui le dépasse. Plus le détective, macho et un rien antipathique, découvre un indice et va de l’avant, moins il comprend. Il en est de même pour le spectateur.

La mise en scène sèche et virtuose, le rythme soutenu (le film a été tourné en trois semaines), le travail admirable sur la composition des cadres (l’atmosphère du cauchemar) subjugue à chaque plan, les contrastes et les décors sont étouffants et participent progressivement à la confusion ainsi qu’à la paranoïa. Dès l’extraordinaire pré-générique, Robert Aldrich prend les attentes du spectateur à revers au point de lui présenter des credits déroulés en sens inverse, sur le I’d Rather Have The Blues de Nat King Cole et les gémissements quasi-orgasmiques de la femme sauvée in extremis sur la route par Mike Hammer.

Si la violence et la torture se déroulent souvent hors-champ, En quatrième vitesse crispe les spectateurs par les bruitages et les cris entendus au moment du meurtre de certains personnages. Par ailleurs, en fin de projection, nous nous souvenons finalement plus des pieds et jambes souvent filmés plutôt que des visages des protagonistes, comme si Aldrich était parvenu à les désincarner ou à symboliser le fait que l’être humain n’est plus habitué à regarder les choses en face.

Nous assistons ici à un renouveau du film noir. Le « héros » représente le bon côté de la loi mais n’a pas le soutien de la police qui lui conseille même d’éviter de mettre son grain de sel dans cette quête du McGuffin autour duquel les morts s’amoncellent. Pour ne rien révéler sur la nature de l’objet tant convoité, sachez seulement qu’il fait basculer le film d’un genre à un autre, totalement inattendu, et donne au passage une réponse possible au contenant doré de la valise ouverte à plusieurs reprises dans Pulp Fiction à travers une référence explicite à la boîte de Pandore. Il en est de même pour la boite bleue de Mulholland Drive, David Lynch ayant toujours déclaré être passionné par le cinéma de Robert Aldrich.

Comme il le fera à plusieurs reprises dans sa filmographie, Robert Aldrich dresse le portrait de personnages vicieux et crapuleux, utilisant la violence pour arriver rapidement à leurs fins, seulement attirés par l’appât du gain. En quatrième vitesse apparaît comme un chaînon manquant entre le film noir à l’ancienne et le thriller d’espionnage contemporain qui n’aura de cesse de fleurir jusqu’aux années 1960 avec comme point d’orgue la première aventure de James Bond en 1962, emblématique de la Guerre froide, la peur d’une guerre nucléaire et la critique du maccarthisme.

Pour résumer, l’oeuvre de Robert Aldrich est indispensable, avant-gardiste, magnifique, nihiliste, visionnaire et fait encore le bonheur des cinéphiles les plus passionnés. A redécouvrir de toute urgence.

Présentation - 5,0 / 5

La superbe jaquette est glissée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même recouvert d’un surétui liseré rouge. Le menu principal est fort élégant, animé et musical. N’oublions pas la sérigraphie soignée du disque. Encore un superbe objet made in Carlotta.

Bonus - 4,0 / 5

Désintégration (23’) : Comment Robert Aldrich a transcendé le film noir avec En quatrième vitesse ? Philippe Rouyer, critique de cinéma et enseignant à l’Université Paris présente avant tout les débuts de Robert Aldrich dans l’industrie hollywoodienne et ses premières mises en scènes, jusqu’à la réalisation d’En quatrième vitesse, son cinquième long métrage. Notre interlocuteur évoque ensuite l’éclectisme de Robert Aldrich, qui refusait de s’enfermer dans un seul genre, et en vient enfin au film qui nous intéresse en croisant habilement le fond (comment Aldrich a transposé et s’est approprié le roman de Mickey Spillane) avec la forme (composition des cadres, travail sur les décors), notamment sur la géniale séquence d’ouverture. Ce module énergique et passionnant est joliment illustré par des photos diverses et variées.

Mike Hammer, l’homme aux mille visages (28’) : Larry Cohen, réalisateur, scénariste, producteur, créateur de la série Les Envahisseurs, se remémore les adaptations au cinéma et à la télévision des aventures de Mike Hammer. Larry Cohen se remémore sa rencontre avec Robert Aldrich, l’évolution du cinéaste au sein de l’industrie hollywoodienne, ses chefs-d’oeuvres, ses classiques et même ses films qu’il considère comme des navets. S’il s’égare en parlant un peu trop de Deux filles au tapis, le dernier long métrage réalisé par Robert Aldrich, dans lequel jouait sa compagne Laurene Landon, notre interlocuteur en vient enfin au sujet qui nous intéresse, l’oeuvre et le personnage de Mickey Spillane (1918-2006), qui a toujours refusé d’être considéré comme un auteur et dont la violence de ses histoires lui a valu d’être conspué par la critique durant toute sa vie. Larry Cohen déplore le manque de moyens dans les diverses adaptations des aventures de Mike Hammer, persuadé que le personnage aurait très bien pu tenir la dragée haute à James Bond si les producteurs ne s’étaient pas montrés si frileux. Ainsi, il n’hésite pas à critiquer ouvertement le film de Robert Aldrich et évoque sa propre transposition et nouvelle mouture de J’aurai ta peau dans lequel Armand Assante tenait le rôle principal en 1982.

Nous trouvons également une fin dite controversée d’une durée de quarante secondes. Comme l’indique un panneau en introduction, pendant 42 ans, En quatrième vitesse a été majoritairement diffusé avec une fin plus courte que celle prévue dans le montage original. La fin originale voulue par Robert Aldrich et son scénariste a été redécouverte en 1997, restaurée et réintégrée au film par la MGM. A ce jour, nul ne sait avec certitude si la fin coupée a été tronquée après une mauvaise manipulation de la pellicule, ou s’il s’agissait d’un acte de censure volontaire suite aux critiques virulentes reprochant au film son immoralité, scellant ainsi le destin de Mike Hammer. La principale différence de cette fin est que THE END apparaît sur la maison qui explose, en laissant planer le doute sur le sort réservé à Mike Hammer et son assistante Velda.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits du disque.

Image - 4,5 / 5

Le nouveau master HD (codec AVC) au format respecté 1.66 d’En quatrième vitesse se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de stabilité, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Robert Aldrich, la photo signée par le grand Ernest Laszlo (Le Voyage fantastique, Le Grand couteau) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seuls petits accrocs constatés : des petits décrochages sur les fondus enchaînés, de très légers fourmillements et sensibles rayures ici et là, et une séquence finale sensiblement altérée lors de l’explosion finale.

Son - 4,0 / 5

Comme pour l’image, le son a subi également un dépoussiérage de premier ordre. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage anglais DTS-HD Master Audio 1.0, pas même un souffle parasite ou un craquement. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, toujours bien distincts, les ambiances présentes. En revanche, la piste française, disposant du même encodage HD, fait grincer les tympans et se focalise essentiellement sur les échanges au détriment des effets sonores.

Crédits images : © MGM Studios

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Franck Brissard
Le 22 novembre 2013
Pas de commentaire.
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sandrine
Le 17 septembre 2004
De son titre original "Kiss me deadly", ce film est une référence tant au niveau de son déroulement, extraordinairement "moderne", que de la qualité de la photo et de la place décalée, que peuvent y tenir les rôles féminins pour l'époque.Même si le dénouement tragique, est dû comme bien souvent à la curiosité féminine... ;)
Un parfum d'anarchie, de violence et de rébellion flotte dès le générique, et on ne peut s'empêcher de penser que Godard ou Tarentino y ait trouvé quelque inspiration.
En bref, un fabuleux moment de cinéma, ainsi qu'une très belle leçon technique.
Merci tout simplement

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