La Fièvre monte à El Pao (1959) : le test complet du Blu-ray

Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Luis Buñuel
Avec Gérard Philipe, María Félix et Jean Servais

Édité par Pathé

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Le 20/01/2014
Critique

Sous une dictature d’Amérique Centrale, le gouverneur d’une île où sont envoyés des prisonniers politiques et de droit-communs est assassiné en plein discours. Ramón Vázquez, son secrétaire, aux idées libérales, le remplace temporairement. La dictature qui souhaite punir le crime de façon exemplaire envoie sur place une équipe spéciale dirigée par Alejandro Gual. Celui-ci fut un prétendant éconduit d’Inés Rojas, la femme du gouverneur, aujourd’hui devenue maîtresse de son secrétaire.

La Fièvre monte à El Pao est le film posthume de Gérard Philipe, décédé avant la sortie du film en 1959 à l’âge prématuré de 37 ans. Alors que la Nouvelle Vague commence à déferler dans les salles obscures, Gérard Philipe vient d’incarner le vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses 1960, sous la direction de Roger Vadim. Parallèlement, il triomphe au théâtre dans Le Cid mis en scène par Jean Vilar et On ne badine pas avec l’amour sous la direction de René Clair. Engagé politiquement et membre actif du Parti communiste français, Gérard Philipe demande à son « camarade » Luis Buñuel, rencontré en 1953 sur le tournage des Orgueilleux d’Yves Allégret de réaliser La Fièvre monte à El Pao. Cette oeuvre de commande est un réquisitoire, une critique d’un certain idéalisme : un homme est en proie à des contradictions internes qu’il n’arrive pas à résoudre.

Jusqu’où peut-on aller pour imposer ses convictions politiques ? Peut-on rester fidèle à ses convictions quand on détient le pouvoir ? Ce qui a attiré Luis Buñuel dans le scénario de La Fièvre monte à El Pao c’est le combat politique mené par le personnage interprété par Gérard Philipe, impérial du début à la fin. Le cinéaste a toujours eu une prédilection pour mettre en avant les contradictions de l’être humain. Placer les protagonistes au coeur d’un pays (imaginaire) d’Amérique latine, menée par un gouverneur impitoyable, dont la discipline de fer entraîne la rébellion et la révolution, permet au cinéaste de critiquer ouvertement toutes les formes de totalitarisme à travers le monde, tout en offrant au public ce qu’il est en droit d’attendre, une romance sensuelle, renforcée par la présence très sexuelle de María Félix. Tourné au Mexique, La Fièvre monte à El Pao comporte une dimension documentaire digne de celle déjà présente dans Les Orgueilleux et plonge les spectateurs dans une atmosphère étouffante, stressante et fébrile, appuyée par la partition entêtante de Paul Misraki.

Si le metteur en scène s’avoue peu satisfait du résultat final - il est vrai que la réalisation manque parfois d’audace - et que la critique fait la fine bouche, La Fièvre monte à El Pao demeure un superbe moment de cinéma engagé, humain, grâce auquel Gérard Philipe, d’une impressionnante sobriété et à la diction sèche, trouve un de ses plus grands rôles, son dernier grand rôle.

Présentation - 3,5 / 5

Le test a été réalisé sur check-disc. Le menu principal est très beau, animé et musical.

Bonus - 4,0 / 5

Comme pour les suppléments des éditions Blu-ray d’Une si jolie petite plage et des Orgueilleux, nous retrouvons les mêmes quatre intervenants, Francis Huster (acteur, metteur en scène, réalisateur, scénariste), Alain Ferrari (réalisateur, scénariste, écrivain), Gérard Bonal (écrivain) et Olivier Barrot (journaliste, écrivain, producteur et animateur de télévision), mais également Sotha (cofondatrice du Café de la Gare, réalisatrice, directrice d’acteurs, auteur dramatique, scénariste et comédienne). Chacun intervient cette fois sur la dernière partie de la carrière de Gérard Philipe (28’) au cinéma ainsi que sur les planches (au TNP de Jean Vilar), sur son combat politique et sur son héritage. Parallèlement, l’oeuvre de Luis Buñuel - et film posthume de Gérard Philipe, décédé d’un cancer du foie foudroyant avant la sortie de La Fièvre monte à El Pao - est évidemment abordée, les intervenants croisant habilement le fond avec la forme, tout en revenant sur l’avènement de la Nouvelle vague qui déclare ouvertement - surtout François Truffaut - détester Gérard Philipe. Si l’emphatique Francis Huster a toujours l’air aussi déconnecté et parti dans des délires que ne renierait pas JCVD, les propos se complètent intelligemment et en apprennent longuement sur le travail entre Luis Buñuel et Gérard Philipe. Le comédien apparaît via quelques images d’archives de 1958.

Nous avons ensuite rendez-vous à l’Espace Dali avec Charles Tesson, critique et historien du cinéma, qui nous replace La Fièvre monte à El Pao dans la carrière de Luis Buñuel (20’), tout en analysant les thèmes de ce film de commande, les conditions de tournage et la collaboration du cinéaste avec Gérard Philipe. L’immense scénariste Jean-Claude Carrière et les non moins illustres comédiens Fernando Rey et Michel Piccoli interviennent également via quelques images d’archives, où ils s’expriment sur leurs diverses collaborations avec le réalisateur espagnol. Enfin, Charles Tesson évoque l’influence de Dali sur le travail de Luis Buñuel.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du film.

Image - 4,5 / 5

La restauration numérique 2K a été réalisée par les laboratoires Eclair en 2013. Le nouveau master HD de La Fièvre monte à El Pao au format 1.37 respecté se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Luis Buñuel, la photo signée par le grand Gabriel Figueroa (De l’or pour les braves, La Nuit de l’iguane) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé, même si l’image paraît quand même plus lisse que les masters HD des Orgueilleux et Une si jolie petite plage. Les fondus enchaînés sont également fluides et n’occasionnent pas de décrochages.

Son - 4,0 / 5

La partie sonore a été restaurée numériquement par L.E. Diapason. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets, même si les voix des comédiens mexicains doublés en français en postsynchronisation, apparaissent en léger décalage avec le mouvement des lèvres. La composition de Paul Misraki est joliment délivrée et participe à la tension du film de Luis Buñuel.

L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm