Une si jolie petite plage (1949) : le test complet du Blu-ray

Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD

Réalisé par Yves Allégret
Avec Madeleine Robinson, Gérard Philipe et Jean Servais

Édité par Pathé

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Le 27/01/2014
Critique

Une plage de la Somme, dans le Nord de la France, sous une pluie froide et incessante. Pierre s’installe dans le seul hôtel ouvert de la petite ville. Les domestiques de l’hôtel sont, comme Pierre, des enfants de l’Assistance Publique. Lui aussi a travaillé il y a des années, comme domestique dans l’établissement.

Gérard Philipe fait ses débuts au cinéma en 1944 dans Les Petites du quai aux fleurs de Marc Allégret. Mais c’est devant la caméra du frère du cinéaste, Yves Allégret, que le comédien va connaître ses plus grands rôles. Si Le Diable au corps de Claude Autant-Lara a révélé Gérard Philipe en 1947, Une si jolie petite plage marque le premier tournant de sa carrière l’année suivante.

Dans ce diamant noir, Gérard Philipe incarne Pierre, un personnage mélancolique, triste, un jeune homme désabusé et peu bavard qui débarque un soir dans une petite bourgade de bord de mer noyée sous la pluie qui s’abat sans discontinuer. Il prend une chambre dans un petit bar-hôtel miteux, le seul ouvert en cette période de l’année, et semble submergé par les souvenirs, surtout lorsqu’il se rend sur la plage déserte, les mains dans les poches, le regard perdu, sifflant un air entêtant. Qui est-il ? Que ou qui cherche t-il ? Pourquoi semble t-il hypnotisé par la voix provenant sans arrêt d’un vieux phonographe posé sur le comptoir ?

Les locataires (admirable Jean Servais et sa voix grinçante) et clients de passage (l’indispensable Julien Carette, moins gai que d’habitude) ne peuvent s’empêcher de trouver curieux le comportement du jeune homme, surtout quand il réagit violemment devant le traitement affligé au garçon de l’Assistance Publique soumis aux ordres de la tenancière, interprétée par l’excellente Jane Maken.

Le cinéaste distribue ses cartes à mesure que le récit se déroule lentement mais sûrement vers un dénouement qui semble inéluctable. Yves Allégret soigne chacun de ses cadres, sublime les décors naturels sublimés par la magnifique photo contrastée signée Henri Alekan (Vacances romaines, Les Ailes du désir, La Belle et la Bête) et plonge les spectateurs dans une atmosphère sombre, désenchantée et redoutablement pessimiste. La pluie froide et battante martèle sans cesse les personnages, comme s’ils étaient à la recherche d’une possible absolution.

Une si jolie petite plage est un choc dans le cinéma français de la fin des années 1940, période où les spectateurs recherchent plutôt à oublier les heures sombres de l’Occupation à travers quelques comédies. Yves Allégret leur tend le revers du miroir, en montrant le malheur qui gangrène l’être humain une fois qu’il s’y est installé. Ce chef d’oeuvre plein d’amertume et de tristesse ouvre alors la voie vers le réalisme noir.

Présentation - 4,5 / 5

Un digibook cartonné au visuel splendide comprend le DVD et le Blu-ray d’Une si jolie petite plage. Le menu principal est animé et musical, la sérigraphie des disques très élégante.

Bonus - 4,0 / 5

Le documentaire rétrospectif intitulé Gérard Philipe : les débuts de l’enfant prodige (20’) croise les propos de Francis Huster (acteur, metteur en scène, réalisateur, scénariste), Alain Ferrari (réalisateur, scénariste, écrivain), Gérard Bonal (écrivain) et Olivier Barrot (journaliste, écrivain, producteur et animateur de télévision). Nos interlocuteurs replacent Une si jolie petite plage dans son contexte cinématographique et historique, évoquent la rencontre Yves Allégret et Gérard Philipe, tout en dressant un portrait détaillé du comédien (1922-1959), ses débuts au cinéma et sur les planches. Si Francis Huster, quelque peu illuminé, n’y va pas par quatre chemins en disant qu’avec ce film, Yves Allégret invente la Nouvelle vague, les autres intervenants demeurent plus modérés dans leurs analyses, même s’ils se révèlent également admirateurs du film et du comédien principal. Les anecdotes de tournage s’enchaînent sur un rythme soutenu, les partis pris esthétiques et les thèmes du film sont analysés, tout comme l’accueil plutôt réservé de la critique, y compris par la presse de gauche.

Nous trouvons ensuite un document datant de 1973, Au cinéma ce soir (26’), durant lequel le réalisateur Yves Allégret, le scénariste Jacques Sigurd et le comédien Jean Servais interviennent à tour de rôle pour parler d’Une si jolie petite plage. La genèse, l’évolution du scénario, les volontés artistiques, les thèmes du film, les personnages, mais surtout le casting sont largement abordés à travers cet excellent module.

Ne manquez pas la scène inédite (2’) qui est en réalité une fin alternative. Durant cet épilogue, Pierre (Gérard Philipe) se rend à la police au petit matin, tandis que les habitants sortent de la messe dominicale. Une fin alternative moins sombre que celle finalement gardée lors du montage final.

Enfin, en plus de la bande-annonce et d’une galerie de photos, l’éditeur joint également une archive anecdotique sur les enfants de l’Assistance Publique invitée à un spectacle de Guignol (1’).

Image - 4,5 / 5

Difficile de faire mieux ! Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’une compression AVC, ce Blu-ray en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture avec une définition qui laisse souvent pantois. La restauration numérique 2K a été confiée aux bons soins du laboratoire de L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna en 2013 et se révèle étincelante. Les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé, sans lissage excessif. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies, cela demeure franchement anecdotique car les très nombreuses séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes plus claires dans le bar ou les rares séquences diurnes (magnifiques), le piqué est aussi tranchant qu’inédit, la stabilité de mise, les fondus enchaînés fluides et les détails étonnent par leur précision, comme la pluie qui s’abat continuellement sur les personnages. Toutefois, en raison des partis pris esthétiques, quelques flous sporadiques font parfois une apparition remarquée, des séquences paraissent plus douces et les arrière-plans peuvent paraître moins précis. Toutefois, on ne peut qu’applaudir devant la beauté de ce master HD !

Son - 4,0 / 5

L’éditeur est aux petits soins avec le film d’Yves Allégret puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, surtout sur les séquences en extérieur bercées par la pluie ininterrompue. Les dialogues sont clairs, dynamiques, même s’ils s’accompagnent d’un très léger souffle.

Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm