Adieu au langage (2014) : le test complet du Blu-ray 3D

Blu-ray 3D compatible 2D

Réalisé par Jean-Luc Godard
Avec Héloïse Godet, Kamel Abdelli et Richard Chevallier

Édité par Wild Side Video

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Le 09/01/2015
Critique

« Le propos est simple. Une femme mariée et un homme libre se rencontrent. Ils s’aiment, se disputent, les coups pleuvent. Un chien erre entre ville et campagne. Les saisons passent. L’homme et la femme se retrouvent. Le chien se trouve entre eux. L’autre est dans l’un. L’un est dans l’autre. Et ce sont les trois personnes. L’ancien mari fait tout exploser. Un deuxième film commence. Le même que le premier. Et pourtant pas. De l’espèce humaine on passe à la métaphore. Ca finira par des aboiements. Et des cris de bébé. »

Le voilà le dernier long métrage expérimental tourné en 3D par celui que certains appellent Dieu, JLG pour les intimes, Jean-Luc pour les bobos, Godard pour les cinéphiles, Jean-Luc Godard pour les critiques. Quatre ans après l’hermétique Film Socialisme, Adieu au langage est un nouvel OVNI dans la carrière prolifique, inclassable, hors-normes du cinéaste d’A bout de souffle. Il semble que Godard se soit fixé comme règles… de ne pas en avoir. Il en résulte une oeuvre passionnante, subjuguante, inimitable sur la forme, fascinante dans sa liberté de ton (ce n’est rien de le dire), mais également profondément chiante, assommante, emmerdante, ennuyeuse, épuisante et fatigante sur le fond. Godard s’en fout. Il le dit lui-même, le scénario n’apparaît qu’à la fin du tournage et du montage. Autant dire qu’on cherche encore ce qu’il a voulu nous dire à travers cette histoire d’un homme et d’une femme qui paaaaarlent pour ne rien dire, tandis qu’un pauvre clébard fait le lien et devient le personnage principal.

« Il existe beaucoup de langues, mais plus beaucoup de langage » selon Godard, qui prône ici une expression par l’image et le son éclatés, espérant - ou peut-être n’espère-t-il rien au fond puisqu’il s’en fout - que les spectateurs les plus illuminés y verront de quoi alimenter un débat entre la poire et le fromage. Les dialogues, comme le langage donc, sont vidés de leur sens, se chevauchent, un peu à l’instar du débat au comptoir de Made in USA. Ici le message est l’absence de message. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Luc Godard s’amuse encore visiblement à expérimenter l’image et le son. Une bizarrerie. Mais c’est tout ce qui importe au fond, ou plutôt dans la forme donc, on ne sait plus comment dire, le langage se perd…

Présentation - 3,5 / 5

Le test a été sur un check-disc. Le visuel semble reprendre celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Bonus - 4,0 / 5

Nous vous conseillons de démarrer cette interactivité par l’entretien avec Jean-Luc Godard (44’) réalisé pour le site internet Canon Professional Network, spécialisé dans les informations et les formations destinées aux photographes professionnels, aux vidéastes et aux amateurs passionnés. Mené en français, cet échange nous est proposé sous-titré en anglais. Plutôt amusé par l’exercice, JLG passe du coq à l’âne pour notre plus grand bonheur, sûrement moins pour la journaliste, fait un parallèle entre un SMS et un SOS, évoque ce qui l’a poussé à réaliser Adieu au langage, croise la forme (la 3D, « ça n’a aucun intérêt et c’est pour ça que c’est intéressant ») et le fond (« un homme, une femme, un chien, ça fait 1h10, c’est bien […] le scénario vient après le tournage et le montage ») et ce que représente aujourd’hui le Festival de Cannes. Quelques photos de tournage et extraits de films de JLG (Notre musique, Opération béton) viennent illustrer l’ensemble.

Wild Side joint le moyen-métrage de Jean-Luc Godard, Allemagne année 90 neuf zéro (60’), réalisé en 1991, très proche d’Adieu au langage dans sa structure éclatée, tant visuelle que phonique, où la Symphonie n°7 de Beethoven souligne d’ailleurs quelques séquences ici aussi. Après la chute du mur de Berlin, le vieil agent Lemmy Caution décide de retourner à l’Ouest. Il va croiser en route l’héroïne de Werther, Don Quichotte, le chien qui allait à l’enterrement de Mozart, un marin russe qui fait la même chose que lui mais en direction contraire.

25 ans après Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution, JLG retrouve Eddie Constantine dans son rôle fétiche, pour un portrait de l’Allemagne post-chute du mur de Berlin. Le titre fait d’ailleurs ouvertement référence au chef d’oeuvre de Roberto Rossellini. Lemmy Caution semble complètement paumé dans cette nouvelle Allemagne et souhaite retrouver le chemin de « l’Occident ». Certes, on ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe, le spectateur suit les pérégrinations de l’ancien agent, devenu obsolète, un fantôme qui erre dans des décors post-apocalyptiques, demandant son chemin à quelques rencontres pittoresques. Des images d’archives viennent « parasiter » cette fiction - ou réalité c’est selon le point de vue - politique, de grands auteurs sont cités, l’image se transforme en collage, le spectre du nazisme rôde sur cette Allemagne réunifiée. Les dialogues en allemand ne sont pas traduits, histoire de perdre un peu plus l’audience, comme son personnage principal. Cela dure une heure, mais on a parfois l’impression que ça dure le double. Allemagne année 90 neuf zéro agit comme une séance d’hypnose, on regarde le film, souvent hébété, toujours paumé, parfois la bave aux lèvres et les yeux révulsés, on se réveille à la fin, sans vraiment se souvenir de ce qui s’est passé.

S’ensuit le court-métrage Souvenir d’utopie (6’), réalisé par Anne-Marie Miéville. Compagne, mais surtout cinéaste, réalisatrice, productrice, scénariste, actrice et écrivaine, Anne-Marie Miéville signe un film déstabilisant - principalement composé de plans fixes - à travers lequel elle se penche sur quelques-uns de ses thèmes de prédilection, l’amour, le temps, le sens des choses, la répétition, la relecture.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

Image - 5,0 / 5

Seule la version 2D a été testée. Adieu au langage assemble un lot d’images filmées avec des caméras HD de sources diverses : Canon 23.98, Fuji 24, Mini Sony 29.97, Flip Flop 30, Go Pro 15, Lumix 15. Si certaines images sont volontairement désaturées et pixellisées, l’éditeur livre une copie sensationnelle du film de Jean-Luc Godard. Les noirs sont denses, les couleurs sont lumineuses (rouge incandescent, bleu cristallin), la palette colorimétrique est magnifique. Cette édition HD au format 1080p offre des contrastes ciselés et exemplaires en tout point si l’on pardonne les séquences en basse lumière plus altérées et granuleuses, mais cela dépend encore une fois des conditions de tournage ou de l’élément sélectionné pour effectuer la prise de vue. Le piqué est évidemment aléatoire.

Son - 5,0 / 5

Le mixage DTS-HD Master 5.1 restitue parfaitement les partis pris de Godard sur le son. Dès la première séquence, les latérales et les frontales s’en donnent à coeur joie dans un jeu de ping-pong acoustique d’une limpidité jamais prise en défaut. Cela passe d’une oreille à l’autre avant de revenir sur les enceintes avant, pour se focaliser sur la centrale, avant de repartir faire un tour. C’est étourdissant et c’est très bon, surtout avec la Marche Slave de Tchaïkovski et la Symphonie n°7 de Beethoven qui reviennent sans cesse.

Wild Side fournit également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Wild Side Vidéo

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm