D'amour et de sang (1978) : le test complet du Blu-ray

En 1920, alors que le fascisme s’empare de l’Italie, la mafia sicilienne est dévorée par des luttes intestines qui éclaboussent de sang les rues d’Italie jusqu’à celles de New-York. Dans ce climat délétère, Titiana perd son mari, brutalement assassiné par la pègre. Alors que Spallone, de retour d’un exil de 10 ans, succombe aux charmes de la jeune veuve, Nick, un petit truand décidé à venger le meurtre de son cousin, revient au pays et s’éprend également de Tatiana. La rivalité entre les deux hommes grandit, et empoisonne la vie du trio, alors que la guerre approche…

Première femme nommée en 1974 pour un Oscar pour Pasqualino, la cinéaste italienne d’origine suisse Arcangela Felice Assunta Wertmüller von Elgg Spanol von Braueich, plus communément appelée Lina Wertmüller (née en 1926), demeure une des réalisatrices les plus atypiques du cinéma transalpin. Assistante de Federico Fellini sur 8 1/2, venue du documentaire et du théâtre, elle devient célèbre en 1972 avec son long métrage Mimi métallo blessé dans son honneur, interprété par son comédien fétiche Giancarlo Giannini. Parmi ses films les plus célèbres citons Film d’amour et d’anarchie (1973), Chacun à son poste et rien ne va (1974) et D’amour et de sang (1978) raccourci francisé du titre original plus explicite Fatto di sangue fra due uomini per causa di una vedova (si sospettano moventi politici).

Ce drame violent et sensuel vaut avant tout pour ses trois stars, absolument sublimes, Sophia Loren, Marcello Mastroianni et bien sûr Giancarlo Giannini. Métamorphosés, vieillis, enlaidis pour l’occasion, les trois comédiens sont exceptionnels et portent cette oeuvre fiévreuse, se déroulant sous le soleil ardent de la Sicile, à Trapani, où la violence commence à bouillir, prête à exploser. Les fascistes n’attendent que le feu vert pour passer à l’action, tandis que Spallone (Mastroianni), avocat socialiste, va devoir affronter les Chemises noires, le Camicie nere, les adhérents aux milices du régime fasciste de Benito Mussolini, et tombe rapidement amoureux de Titina (Loren). Veuve, vivant à l’écart du village, elle rêve de venger la mort de son mari, assassiné (car syndicaliste qui avait pris part à la grève des pêcheurs) par le leader du groupe fasciste en devenir, drame qui lui a fait perdre son enfant. Nick (Giannini), le cousin de son défunt mari, qui a fait fortune aux Etats-Unis - il conduit une voiture clinquante, il porte le noeud papillon et un chapeau, tout en fumant le cigare - souhaite également le venger, mais succombe rapidement au charme de Titina, qui désire rester libre d’aimer et de s’offrir à l’homme qu’elle veut au moment où elle le désire.

Le déchaînement des sentiments n’a alors d’égal que celui du fléau fasciste dans un monde au bord de l’implosion, D’amour et de sang, mélange singulier de mélodrame et de quasi-western, demeure méconnu dans la filmographie de Lina Wertmüller, et si la mise en scène demeure marquée par quelques lourdeurs et envolées emphatiques, ce film intense mérite amplement d’être redécouvert !

D’amour et de sang est édité dans un superbe combo par Elephant Films, avec un joli fourreau cartonné et un boîtier plastique transparent contenant le Blu-ray et le DVD (sérigraphie très soignée) du film. Le visuel de la jaquette, estampillée Cinema MasterClass, est vraiment très élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

En plus d’un lot de bandes-annonces, d’une galerie de photos, de liens internet et des credits, nous trouvons une présentation de D’amour et de sang par Jean-Pierre Dionnet (10’). Producteur, scénariste, journaliste, éditeur de bande dessinée et animateur de télévision, notre interlocuteur ne se donne pas beaucoup de peine cette fois et se contente de donner quelques-uns des titres les plus célèbres de la carrière des comédiens principaux et de la réalisatrice Lina Wertmüller. Nous espérons que Dionnet se montrera un peu plus critique à l’avenir, plutôt que d’énumérer les noms de l’équipe technique, chose qu’il a de plus en plus tendance à faire sur les éditions Blu-ray et DVD édités chez Elephant Films.

Il semble que le master proposé ici date de l’époque où le respect des partis pris esthétiques originaux passait après le dépoussiérage et surtout le lissage du grain, à croire que proposer une copie immaculée, surtout pour un film du patrimoine, était primordial et donc indispensable pour le redistribuer sur le marché de la vidéo. C’est ce qu’on se dit en voyant le master HD de D’amour et de sang. La copie provient de l’ayant droit anglais ITV avec qui Elephant est en partenariat. Le montage présenté ici dure 92 minutes alors que le montage italien original dure plus de 2h, 126 minutes très exactement. Il faudra donc se contenter de cette version dite internationale. Du point de vue qualité, l’image est très propre, malgré quelques points subliminaux et rayures diverses, le piqué est agréable sur les très nombreux gros plans des comédiens, ce qui nous permet d’apprécier le sombre maquillage de Sophia Loren. La stabilité est de mise, cette fois encore à part de légers fourmillements, mais nous attendions un peu plus de détails et des contrastes plus denses. Les séquences sombres posent un peu problème avec une définition plus aléatoire, tout comme une bonne vingtaine de minutes qui semble plus altérée. Mais la quasi-absence du grain original risquent de faire grincer pas mal de dents. Mais on ne peut pas tout avoir et le master HD demeure néanmoins plaisant la plupart du temps.

Qui dit version internationale, dit version anglaise. Mais le plus déconcertant est l’absence de la piste italienne originale ! D’amour et de sang n’est proposé qu’en anglais et en français DTS HD Master Audio Dual Mono 2.0. A titre de comparaison, cette dernière s’en tire mieux avec des dialogues plus ardents, des effets annexes mieux marqués et une clarté indéniable, en dépit de certains échanges qui s’accompagnent de résonances. Mais il semble que le film ait été tourné en anglais (source IMDB) donc nous ne ferons pas la fine bouche. Toutefois, la langue anglaise nous apparaît parfois un peu sourde, et les ambiances sont parfois couvertes par les voix des comédiens. Dans les deux cas, point de souffle à signaler.

Crédits images : © Elephant Films