L'Inconnu du lac (2013) : le test complet du DVD

L’été. Un lieu de drague pour hommes, caché au bord d’un lac. Franck tombe amoureux de Michel. Un homme beau, puissant et mortellement dangereux. Franck le sait, mais il veut vivre cette passion.

Présenté au Festival de Cannes 2013, dans le cadre de la section Un Certain Regard, L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie est reparti avec le Prix de la mise en scène et la Queer Palm, le prix LGBT du Festival de Cannes. Polar sexuel, érotique et sensuel, magnifiquement photographié en lumière naturelle avec des crépuscules à tomber, l’oeuvre du réalisateur du Roi de l’évasion est centrée sur la passion et le désir de Franck (Pierre Deladonchamps), un jeune trentenaire, pour un homme ténébreux et mystérieux prénommé Henri (Christophe Paou) dont il tombe amoureux. Il ne sait rien sur lui, sauf qu’il le soupçonne d’être l’assassin de son ancien amant. Malgré les avertissements d’Henri (Patrick d’Assumçao, excellent), un type divorcé qui en pince pour Franck, ce dernier semble prêt à se sacrifier par amour pour l’inconnu éponyme.

Dans son quatrième film, Alain Guiraudie instaure un cadre superbe, use des répétitions comme un ballet de plénitude parfaitement rôdé -le même lieu, le parking, le sentier, l’arrivée au lac, les habitués qui se reconnaissent et s’observent - pour mieux marquer une rupture brutale après le meurtre. Du drame romantico-érotique épuré, sans musique ni effets de montage superflu et non sans humour, le réalisateur passe progressivement d’une narration dépouillée au thriller sociologique estival, toujours avec subtilité et une tension sexuelle permanente, au moyen de scènes très crues, non simulées, jamais ostentatoires ni provocatrices. Certes, Alain Guiraudie traite de la communauté homosexuelle, mais le cinéaste va bien évidemment au-delà de la simple question d’identité sexuelle.

L’Inconnu du lac est avant tout une métaphore universelle du désir, ses dangers comme de son assurance, sur l’ambiguïté de l’être humain et sur sa solitude qu’il parvient à oublier momentanément dans les bras de l’être aimé, le temps d’un regard, e temps d’une caresse, le temps d’un orgasme. Et après ? On retourne à sa voiture, seul. Demain, sera un autre jour tout en étant identique au précédent.

Epicentre Films joue gros avec cette sortie de L’Inconnu du lac, probablement le titre phare de l’année 2013 pour l’éditeur qui pour l’occasion livre un sublime digipack carton trois volets accueillant les deux galettes, glissé dans un surétui carton reprenant le superbe visuel de l’affiche du film créé par Tom de Pékin. Signalons que le scénario original du film (88 pages) est également disponible dans cette magnifique édition, élégante et colorée, à l’instar de la sérigraphie des deux DVD. Les menus principaux sont animés sur une séquence du film.

Le premier DVD comprend une galerie de photos, la filmographie du réalisateur et la bande-annonce.

Une fois n’est pas coutume, l’estampillage « Edition Collector » n’est pas volé ! La deuxième galette réserve un lot conséquent de suppléments.

On commence par un entretien indispensable du réalisateur Alain Guiraudie (24’) mené par le réalisateur portugais João Pedro Rodrigues (La Dernière Fois que j’ai vu Macao, O Fantasma), à l’occasion de la sortie du film. Le cinéaste évoque la structure du scénario, les partis pris esthétiques et narratifs, le montage, la scène centrale de la noyade, la psychologie des personnages, les scènes de sexe. Comme beaucoup d’éléments du film sont ici dévoilés, nous vous conseillons évidemment de visionner cet entretien après le film.

Nous passons ensuite au premier court-métrage de et avec Alain Guiraudie intitulé Les Héros sont immortels (14’). Réalisé en 1990, ce petit film se déroule sur la place de l’église d’un village aveyronnais, la nuit. Deux jeunes hommes, Basile et Igor, attendent un troisième personnage qui ne vient pas. Même chose la nuit suivante. Encore pareil la troisième nuit. Le directeur artistique de L’Inconnu du lac, Roy Genty, replace le film dans son contexte lors d’une courte mais concise introduction de deux minutes. Les Héros sont immortels demeure une amusante curiosité et dévoile quelques thèmes et partis pris qui seront repris par le réalisateur à travers ses futurs longs métrages, dont L’Inconnu du lac.

S’ensuivent quelques scènes coupées (4’), ni mixées, ni étalonnées, qui n’ont pas réellement d’intérêt balancées comme cela. Une explication quant à leur éviction n’aurait pas été de trop.

L’un des segments les plus intéressants de cette belle interactivité demeure celui consacré à la création de l’affiche du film (6’) par Tom de Pékin, qui a fait couler pas mal d’encre lors de la sortie de L’Inconnu du lac. Nous ne reviendrons évidemment pas sur la polémique que l’affiche a engendrée - certaines mairies ont même interdit l’affichage du film - ce n’est pas notre rôle et de plus nous ne voulons pas relancer un débat qui n’avait pas lieu d’être. Roy Genty, aperçu dans l’un des modules précédents, revient sur la création de cette fameuse affiche et détaille les différentes étapes artistiques qui ont conduit au résultat final.

Outre une galerie de photos de tournage, l’éditeur joint également un documentaire centré sur la présentation de L’Inconnu du lac au Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard (16’). La productrice Sylvie Pialat, les comédiens et le réalisateur reviennent plus en détails sur la genèse et le tournage du film. Quelques images dévoilent la présentation triomphale de L’Inconnu du lac devant 2000 spectateurs.

Et n’oublions pas le scénario original glissé dans le surétui !

Epicentre Films livre un superbe master SD de L’Inconnu du lac qui restitue les magnifiques volontés artistiques de l’excellente chef opératrice (Angèle et Tony, En ville, Le Bal des actrices). Les ambiances au bord de l’eau sont habilement retranscrites, les éclairages chiadés, la colorimétrie riche et estivale avec une part belle faite à la surface scintillante du lac, aux crépuscules et à la végétation environnante. La définition reste solide, même sur les séquences nocturnes, le cadre large n’est pas avare en détails, le transfert est élégant, les noirs denses et le piqué fort agréable.

En plus d’une piste Stéréo ardente et largement suffisante pour ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière, nous trouvons un mixage Dolby Digital 5.1 riche et dynamique sur les enceintes frontales, qui peine cependant à instaurer une spatialisation convaincante, surtout que L’Inconnu du lac se déroule uniquement en extérieur, sans aucun accompagnement musical. Les dialogues sont solidement plantés sur la centrale, l’ouverture des enceintes avant laisse pantois. Il est donc dommage que les ambiances naturelles manquent de mordant, d’autant plus que le vent et les clapotis profitent de l’excellente balance gauche-droite. Malgré tout, l’immersion acoustique est très convaincante. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Epicentre Films