La Gueule que tu mérites (2004) : le test complet du DVD

A Cara que Mereces

Réalisé par Miguel Gomes
Avec José Airosa, Gracinda Nave et Sara Graça

Édité par Shellac

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Le 07/01/2014
Critique

« Francisco, comporte-toi bien ! Je sais que c’est ton anniversaire, que tu as trente ans maintenant, que c’est le carnaval et que tu t’es déguisé en cow-boy pour ta fête de l’école, que tu es entouré de gosses que tu hais… Mais ce n’est pas une raison pour tirer la gueule. Francisco, répète après moi : « Jusqu’à trente ans, tu as la gueule que Dieu t’a confiée. Après cela, tu as la gueule que tu mérites »« . L’histoire d’un homme qui refuse de grandir : ses interrogations et ses doutes au sein d’un pays qui ne cesse de se moderniser.

L’enfance comme refuge. La Gueule que tu mérites est le premier long métrage du réalisateur portugais Miguel Gomes, étudiant en cinéma devenu critique puis metteur en scène en 1999. D’emblée, le cinéaste instaure une atmosphère de conte surnaturel propre à l’enfance. Comme ce sera également le cas dans Ce cher mois d’août et dans Tabou, La Gueule que tu mérites ravit souvent les sens et l’esprit. Véritable bouffée de fraîcheur dans le cinéma contemporain, inclassable, indéfinissable, énigmatique, les qualificatifs ne manquent pas pour essayer de définir cette première oeuvre. D’ailleurs, mieux vaut en savoir le moins possible sur le film de Miguel Gomes. Un vent de liberté souffle sur ce film, même si tout est loin d’être réussi.

Passage difficile à l’âge adulte. Si la première partie, comédie burlesque teintée de comédie musicale, est foncièrement sympathique et très attachante avec ce jeune type qui déprime à l’idée de passer le cap des 30 ans, le deuxième acte intervenant de manière brutale qui s’apparente à une relecture de Blanche-Neige et les 7 nains - incarnés par des adultes jouant aux gamins comme dans Décalcomanie réalisé par Miguel Gomes en 2002 - est parfois long, gentiment ennuyeux et incompréhensible. La Gueule que tu mérites demande une grande attention de la part du spectateur, qui peut rapidement se trouver larguer par toutes ces scènes soudées entre elles par un lien fragile, reposant en grande partie sur une esthétique recherchée et onirique.

La puissance évocatrice des images de Miguel Gomes pointe déjà le bout de son nez et malgré ses indéniables problèmes de rythme, La Gueule que tu mérites marque les esprits par son caractère baroque, poétique, excentrique et pittoresque.

Présentation - 4,0 / 5

Un très beau slim digipack reprenant le visuel de l’affiche du film renferme un livret (comprenant un entretien avec le réalisateur) et le DVD. Le menu principal est animé et musical, reprenant une des séquences du film. Erreur sur le verso du digipack qui indique que le film dure 2h31 alors que sa durée réelle est de 1h42.

Bonus - 3,5 / 5

En guise de suppléments, l’éditeur nous gratifie de trois courts métrages de Miguel Gomes :

Décalcomanies (2002, N&B, 19’) : Un jeune homme de 20 ans demande à des enfants s’il peut jouer au football avec eux. Ils trouvent cela bizarre et lui demandent quel âge il a. Quand il répond « J’ai dix ans », on se moque de lui. Mais il va trouver un autre groupe d’enfants, différents, tout comme lui. Kalkitos, le titre original de ce court métrage très original qui pose déjà certaines bases de La Gueule que tu mérites, renvoie à une marque de décalcomanies qui étaient vendues au Portugal au cours des années 80. La musique distordue et les dialogues via des cartons renvoyant aux films muets pourront en décontenancer plus d’un, mais le fait est que ce court métrage fourmille d’idées à chaque plan.

Cantiques des créatures (2006, 21’) : Assise, 2005 : un troubadour parcourt les rues de la ville natale de Saint-François d’Assise, jouant la chanson de Frère Soleil, ou Chanson des Créatures, écrite par Saint-François durant l’hiver 1224. Forêt d’Ombrie, 1212 : lors d’un prêche aux oiseaux, Saint-François défaille soudainement. Réanimé par Sainte-Claire, le saint homme semble étrange et absent, et ne se rappelle rien. A la tombée de la nuit, dans la forêt, les animaux de la forêt chantent et prient François. Mais cet amour chanté par les animaux conduit à un sentiment de possession, un désir d’exclusivité aussi connu sous le nom de jalousie. Superbe film.

Rédemption (2013, 26’). Le 21 janvier 1975, dans un village du nord du Portugal, un enfant écrit à ses parents en Angola pour leur dire combien le Portugal est triste. Le 13 juillet 2011, à Milan, un vieil homme se souvient de son premier amour. Le 6 mai 2012, à Paris, un homme dit à sa petite fille qu’il ne sera jamais véritablement un père. Lors d’une cérémonie de mariage le 3 septembre 1977 à Leipzig, la mariée lutte contre un opéra de Wagner qu’elle ne peut se sortir de la tête. Mais où et quand ces quatre pauvres diables ont-ils commencé leur quête de rédemption ?

Patchwork virtuose, collage de génie, ce film met en parallèle quatre interlocuteurs d’origines différentes, portugaise, italienne, française, allemande, dans une époque bien déterminée, chacun réalisant comme une confession via des images « familiales » réalisées en Super 8 couleur et en 16mm noir et blanc. Un traumatisme personnel est à l’origine de chacune de ces confidences épistolaires à travers lesquelles les narrateurs tentent de s’excuser de ne pas pouvoir être capable d’aimer comme il le faudrait. Nous apprenons à la fin qu’elles sont attribuées à des personnalités politiques européennes très célèbres. Miguel Gomes nous emmène dans une spirale étourdissante de sons et d’images.

L’interactivité se clôt sur les credits du disque.

Image - 3,0 / 5

Tourné avec peu de moyens, La Gueule que tu mérites bénéficie d’un transfert suffisamment propre et clair, correspondant à la découverte du film dans les salles. Dans la deuxième partie plus « naturaliste », visiblement filmée avec les éclairages naturels, la colorimétrie se révèle terne, les verts délavés et le manque de définition est aussi aléatoire qu’inhérent aux conditions des prises de vue. Les contrastes sont soit trop appuyés soit trop légers, les visages manquent de précision, tout comme le piqué trop émoussé. Cependant, cet aspect brut renforce l’intimité avec les personnages et respecte les volontés artistiques du réalisateur.

Son - 3,5 / 5

Seule la version originale est disponible et proposée dans une Stéréo percutante et limpide, privilégiant les ambiances naturelles (voir les scènes en forêt) ainsi que la délivrance des dialogues. D’une richesse parfois inattendue, ce mixage instaure de très bonnes conditions acoustiques et permet aux spectateurs de se replonger avec décontraction et délicatesse dans l’ambiance du film. Signalons que le verso du digipack indique erronément une piste Dolby Digital 5.1. Les sous-titres français sont incrustés directement sur l’image.

Crédits images : © Shellac Sud

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm