Le Génie du Mal

Le Génie du Mal (1959) : le test complet du DVD

Compulsion

Réalisé par Richard Fleischer
Avec Orson Welles, Dean Stockwell et Diane Varsi

Édité par Rimini Editions

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Le 07/10/2014
Critique

Chicago 1924. Deux jeunes étudiants, Judd Steiner et Arthur Straus, commettent un crime inexplicable, motivé par la conviction de leur supériorité intellectuelle et sociale sur le monde et entraînés par l’étrange relation qui les unit. Ils sont persuadés d’avoir commis le crime parfait, mais un détail les trahit. Risquant la peine de mort, ils sont défendus par un célèbre avocat, Jonathan Wilk.

Fils du pionnier de l’animation Max Fleischer (producteur de Popeye et de Betty Boop), Richard Fleischer tente d’abord de devenir comédien mais se retrouve rapidement dans la salle de montage pour s’occuper des films d’actualités pour la RKO. Après quelques courts-métrages remarqués en tant que réalisateur, Richard Fleischer se voit confier quelques séries B. C’est le cas d’Assassin sans visage, remarquable film noir d’une heure montre en main tourné en seulement dix jours en 1949. Jalon de l’histoire du film criminel, l’oeuvre de Richard Fleischer repose sur une mise en scène virtuose et stylisée et demeure l’un des premiers films à traiter de manière réaliste de la figure du serial killer.

Sous contrat avec la RKO, Richard O. Fleischer, signe plus tard Bodyguard, un petit polar à l’intrigue banale et même sans surprise, qu’il parvient à élever grâce à une mise en scène inspirée et dynamique, une direction d’acteurs parfaite (parfait Lawrence Tierney et dernière apparition de l’adorable Priscilla Lane) et même quelques touches d’humour qui font mouche. Bodyguard fait partie des premiers longs-métrages du réalisateur, qui en profite ici pour se faire la main en expérimentant sur le cadre, le rythme et le montage. Série B vive et dynamique, particulièrement intéressante sur le plan visuel et faisant fi d’un budget somme toute restreint, bourrée d’idées (la scène finale dans l’abattoir) et de trouvailles sympathiques (un gros plan sur un oeil), Bodyguard, ce quatrième long-métrage de Richard Fleischer, se voit encore aujourd’hui comme une belle curiosité annonçant par bribes, les plus grands films du cinéaste.

Tous ces petits longs métrages vont permettre à Richard Fleischer de révéler son savoir-faire. Sa spécialité ? Les polars secs et nerveux à l’instar du Pigeon d’argile grâce auquel le cinéaste transcende une fois de plus un postulat de départ classique pour s’amuser avec les outils techniques mis à sa disposition. Dès 1952 avec L’Enigme du Chicago Express, le réalisateur est reconnu dans le monde entier comme étant un nouveau maître du cinéma. Cette ascension fulgurante lui ouvrira les portes des grands studios Hollywoodiens où il démontrera son immense talent et son goût pour un éclectisme peu commun : Vingt Mille lieues sous les mers (1954), La Fille sur la balançoire (1955), Les Inconnus dans la ville (1955), Les Vikings (1958). Nous voilà arrivés en 1959 avec Le Génie du mal, également connu sous son titre original, Compulsion.

Ayant envisagé dans sa jeunesse des études pour devenir psychiatre, Richard Fleischer s’est toujours intéressé aux obsessions de ses personnages, d’un côté ou de l’autre de la justice. Dans Le Génie du mal, adapté du roman Crime (1956) de l’écrivain et journaliste Meyer Levin (1905-1981), le cinéaste s’inspire de l’affaire Leopold et Loeb, que Levin avait par ailleurs couvert pour le compte du Daily News en 1924 alors qu’il fréquentait la même Université que les deux criminels. Nathan Leopold (1904-1971) et Richard Loeb (1905-1936) étaient deux riches et brillants étudiants en droit de l’Université de Chicago, fascinés par la théorie du surhumain de Friedrich Nietzsche. Se sentant intellectuellement au-dessus du commun des mortels et donc des lois, les deux étudiants ont décidé de tuer un adolescent de 14 ans pour le seul plaisir de réaliser un crime parfait et d’éliminer un être inférieur, donc « inutile ». Les cinéphiles auront noté quelques ressemblances avec La Corde d’Alfred Hitchcock, réalisé dix années auparavant, adapté de la pièce de Patrick Hamilton inspirée par le même fait divers. Mais ici, contrairement au film d’Hitchcock qui s’ouvre sur le crime, celui du Génie du mal reste hors-champ, car ce qui intéresse Fleischer est ailleurs.

Dans la première partie du Génie du mal, Richard Fleischer observe ses personnages avec une patience et l’oeil aiguisé d’un entomologiste. Bien avant De sang-froid de Truman Capote (publié en 1966) et adapté au cinéma par Richard Brooks l’année suivante, Fleischer réalise une étude sociologique, une analyse clinique du comportement criminel, un de ses sujets de prédilection (L’Etrangleur de Boston par exemple) et se penche sur le rapport dominant-dominé à travers le portrait de ses deux personnages principaux. Judd Steiner (Dean Stockwell, qui avait créé ce rôle sur scène) est en état de dépendance affective et vraisemblablement amoureux de l’autre, Arthur A. Straus (Bradford Dillman) qui se sert de cette faiblesse pour l’entraîner vers l’irréparable. Malgré la « perfection » de ce crime mais trahis par un détail, ils finissent par se retrouver sur le banc des accusés. Leur défense est confiée à un ténor du barreau, Jonathan Wilk, farouchement opposé à la peine de mort et payé à prix d’or par la famille des accusés. Dans Le Génie du mal il est interprété par Orson Welles.

Disons le tout de go, sa plaidoirie reprenant mot pour mot - ou du moins une partie puisqu’elle aurait duré près de douze heures - celle véritablement proclamée lors du procès de Leopold et Loeb, est une des plus magistrales de toute l’histoire du cinéma. Véritablement transporté par son personnage et son texte, le comédien - que Richard Fleischer était souvent obligé de freiner dans son enthousiasme - laisse pantois d’admiration durant son monologue quand il s’adresse au juge et jurés. Le comédien, ainsi que Dean Stockwell et Bradford Dillman (parfaits de cynisme et d’orgueil démesuré) se partageront le Prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1959.

Sur un rythme vif, avec un sens inouï du cadre, un montage au cordeau, une photo N&B magnifique signée William C. Mellor (Géant), et la partition jazzy de Lionel Newman, Le Génie du mal est un autre fascinant chef d’oeuvre à épingler au palmarès d’un des plus grands réalisateurs de tous les temps.

Présentation - 4,0 / 5

Le visuel de la jaquette est très attractif et élégant. Il en est d’ailleurs de même pour tout l’habillage de cette édition DVD. Le menu principal est animé sur la partition de Lionel Newman. Le boîtier Amaray est glissé dans un surétui cartonné.

Bonus - 4,0 / 5

Rimini propose un lot conséquent de suppléments particulièrement soignés :

La présentation du film par Richard Fleischer (4’) proposée en avant-programme est en réalité un extrait d’une interview donnée par le mythique cinéaste en mars 1996. Il déclare se sentir très fier de certains de ses films comme Vingt mille lieues sous les mers, Les Vikings, et bien évidemment Le Génie du mal. En évoquant ce film, Richard Fleischer explique la fascination des spectateurs pour les méchants, qui sont toujours les plus intéressants dans les histoires. Le réalisateur se souvient ensuite de sa collaboration avec Orson Welles (Le Génie du mal, Drame dans un miroir) et comment il devait faire preuve d’ingéniosité pour éviter que le comédien en fasse trop devant la caméra.

L’historien du cinéma Christophe Champclaux nous propose ensuite une rapide biofilmo de Richard Fleischer (9’) en passant en revue quelques-uns de ses chefs d’oeuvre emblématiques. Cette fois encore, nous retrouvons un extrait de l’entretien de Richard Fleischer, par ailleurs mené par Christophe Champclaux.

François Guérif, éditeur et critique de cinéma, directeur de la collection Rivages/Noir, propose ensuite un retour sur le roman de Meyer Levin (16’). Né en 1905 et mort en 1981, le romancier et journaliste Meyer Levin reste évidemment célèbre pour avoir couvert l’affaire Leopold et Loeb quand il travaillait pour le Daily News. De cette affaire, il en a tiré un roman publié en 1956 sous le titre Crime, qui sera ensuite adapté au cinéma par Richard Fleischer avec Le Génie du mal.

Le plus gros de cette interactivité demeure le segment intitulé Un crime & deux maîtres (49’). Place cette fois à l’historienne du cinéma Linda Tahir et à l’analyste criminel Jean Mériau, qui reviennent avec clarté sur toutes les étapes de l’affaire Leopold et Loeb survenue en 1924, puis sur les deux films inspirés par ce fait divers, La Corde d’Alfred Hitchcock en 1948 et Le Génie du mal de Richard Fleischer en 1959. A travers divers extraits, photos et archives diverses, les approches différentes des deux maîtres sont mises en parallèle, le livre de Meyer Levin est largement évoqué. Ce documentaire souvent passionnant explore ensuite la production du Génie du mal, le casting du film, la collaboration Richard Fleischer-Richard D. Zanuck…

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et le teaser.

Image - 4,5 / 5

Difficile de faire mieux ! Fort d’un master au format Scope respecté et d’une compression solide comme un roc, ce DVD en met souvent plein les yeux dès l’introduction avec une définition qui laisse souvent pantois. La restauration numérique HD se révèle étincelante. Les contrastes sont d’une densité impressionnante, les noirs profonds, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé, sans lissage excessif. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies, cela demeure franchement anecdotique car les très nombreuses séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes plus claires, le piqué est aussi tranchant qu’inédit, la stabilité de mise, les fondus enchaînés fluides, les détails étonnent par leur précision et la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Richard Fleischer. On ne peut qu’applaudir devant la beauté de la copie !

Son - 4,0 / 5

Le choix d’une version française et anglaise Dolby Digital 5.1 peut d’abord étonner. Et puis finalement, on se rend compte que l’éditeur a voulu respecter les partis-pris originaux tout en offrant un confort d’écoute fort appréciable avec quelques effets latéraux plaisants, même s’ils manquent évidemment de naturel. La musique est vivement spatialisée et quelques petites basses accompagnent le sublime thème principal. Si quelques effets arrière ont visiblement été rajoutés pour créer quelques ambiances « naturelles » (les séquences de nuit surtout), les frontales sont en revanche dynamiques et les dialogues saisissants sur la centrale. La version française DD 5.1 est un peu plus grinçante et mise un peu trop sur le report des voix, parfois au détriment des ambiances annexes. Dans les deux cas, point de souffle constaté. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm