Le Grand embouteillage (1979) : le test complet du DVD

L'Ingorgo - Una storia impossibile

Réalisé par Luigi Comencini
Avec Alberto Sordi, Patrick Dewaere et Marcello Mastroianni

Édité par Tamasa Diffusion

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Le 19/11/2014
Critique

Un énorme bouchon bloque le périphérique de Rome. Du jamais vu ! Immobilisés pendant deux jours et deux nuits dans leurs voitures, les gens se décomposent lentement. Drames intimes, conflits de voisinage, crises d’hystérie et jubilatoires monstruosités… Portrait d’une société au bord de la crise de nerfs.

Imaginez un peu ce casting : Fernando Rey, Annie Girardot, Miou-Miou, Gérard Depardieu, Ugo Tognazzi, Marcello Mastroianni, Stefania Sandrelli, Alberto Sordi et Patrick Dewaere, tous réunis devant la caméra de Luigi Comencini dans Le Grand embouteillage, présenté en compétition au Festival de Cannes en 1979. Le réalisateur mythique de Pain, Amour et Fantaisie, Mariti in città, À cheval sur le tigre, Le Commissaire, La Ragazza, L’Incompris, Casanova, un adolescent à Venise, L’Argent de la vieille et bien d’autres chefs-d’oeuvre livre une réflexion ultime sur la dégradation des rapports entre individus, la bassesse de l’être humain et la haine qui a pourri toutes les couches sociales comme une véritable gangrène.

Dans un décor surréaliste et quasi-apocalyptique d’une portion de périphérique où trône une usine rejetant ses fumées toxiques, des poteaux d’une autoroute dont le chantier a été stoppé, une maison en bord de route digne de celle de Norman Bates, une casse automobile qui sert de pissotière, les automobiles s’immobilisent (presque une anagramme), les centaines, les milliers de conducteurs commencent à souffrir de la chaleur de ce début d’été, des gaz d’échappement inhalés et des cris des gamins dans les bagnoles d’à côté, tandis que les relations se font ou se défont, les insultes pleuvent jusqu’à une explosion de violence qui renverse alors le film en une seule scène et non des moindres, probablement la plus brutale de tout le cinéma de Comencini, qui se déroule sous nos yeux et surtout sur ceux témoins d’un quatuor de vieux mafieux qui préfèrent soit se rincer l’oeil en allumant les phares, soit faire comme si de rien était en les éteignant. Quoi qu’il arrive, personne n’intervient pour aider une jeune femme victime d’un viol collectif.

Alberto Sordi ouvre le film sur le terrain de la comédie et du divertissement populaire qu’il caractérise si génialement. Puis, Le Grand embouteillage mute progressivement en drame ironique où la désillusion du cinéaste transalpin transparaît derrière les échanges des protagonistes au bord de l’implosion où le récit lui-même semble se désintégrer comme un film à sketches mais qui en fait ne l’est pas du tout. Cette méditation amère et désenchantée sur la société - pas seulement italienne d’ailleurs - peut tout d’abord apparaître froide, aussi figée que les voitures sur l’asphalte. C’est sans compter sur le génie de Comencini qui ne nous jette pas une explicite radiographie des rapports sociaux sous les yeux. En vieux briscard et croyant en l’intelligence du spectateur, Comencini fait confiance à son audience pour décrypter ce qu’il y a au-delà. En fait, nous assistons à un véritable film de vampires ou de zombies où chacun est prêt à bouffer l’autre pour survivre.

Corrosif, Le Grand embouteillage l’est assurément. Passionnant ? Peut-être dans les débats qu’il entraîne après visionnage, beaucoup moins pendant à cause d’un rythme souvent poussif et inégal. C’est là toute l’acuité d’un réalisateur arrivé au sommet de son art qui utilise l’art cinématographique comme objet d’analyse puisque le temps du divertissement semble révolu.

Édition - 7 / 10

Le DVD repose dans un superbe slim digipack cartonné qui comprend également un petit livret de 14 pages illustré et signé Jean A. Gili, critique cinématographique et historien du cinéma, spécialisé dans le cinéma italien. En guise d’interactivité nous trouvons une galerie de photos et d’affiches, ainsi qu’une filmographie sélective du réalisateur Luigi Comencini et du comédien Alberto Sordi. Le menu principal fixe et musical fort soigné. Un très bel objet.

Posséder Le Grand embouteillage en DVD était inespéré. Le film de Luigi Comencini renaît donc de ses cendres chez Tamasa dans une copie - présentée dans son format respecté 1.66 - d’une propreté souvent hallucinante. Point d’artefacts de la compression à signaler, aucun fourmillement, les couleurs se tiennent, sont ravivées, le master est propre, immaculé, stable, les noirs plutôt concis - à part dans la maison où Marcello Mastroianni trouve refuge - et les contrastes homogènes.

Le cadre fourmille souvent de détails, le piqué est joliment acéré, le relief et la profondeur de champ permettent d’apprécier l’incroyable décor dans lequel se déroulent les diverses actions, les partis pris du célèbre directeur de la photographie Ennio Guarnieri (Le Jardin des Finzi-Contini, Metello) sont divinement bien restitués. Certains plans rapprochés tirent agréablement leur épingle du jeu avec une qualité technique quasi-irréprochable. Une véritable redécouverte, merci Tamasa !

Le Grand embouteillage contient son lot de cris en tous genres. De ce fait, quelques légères saturations sont inévitables mais le mixage italien demeure consistant et le souffle aux abonnés absents. Comme de coutume, la bande-son a été entièrement retravaillée en post-production, surtout que de nombreux comédiens français sont de la partie, même si Annie Girardot se double elle-même en italien. La version française fait grise mine et manque singulièrement de relief. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Tamasa

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm