Rencontre avec Dominik Moll
31ème Festival de Deauville. 6 septembre. 11h15. Le téléphone sonne. Sophie du Public Système nous invite à rencontrer Dominik Moll. Ce sera le 7 septembre à 15h15. Occasion unique, moment intense, interview vérité…
Ce sera un « pool » nous dit-on. En clair, nous ne serons pas seuls. D’autres journalistes
seront de la partie. Une seule condition : il faudra sécher la conférence de presse
réunissant Kirsten Dunst et Cameron Crowe occupés à promouvoir « Elizabethtown ». Sans
hésiter, nous nous précipitons pour interviewer celui qui, en 2 films
(Harry - Un ami qui vous veut du bien et Lemming), s’est imposé comme
l’un de maîtres français du suspense. A notre arrivée, une surprise de taille nous attend.
Nous sommes seuls… face à lui… en tête à tête… Vanessa Nicaise et François Chollier
pour Dvdfr…
Dvdfr : Quelle a été votre première réaction lorsqu’on vous a proposé de faire partie du jury ?
Dominik Moll : Ca m’a fait plaisir. C’est la première fois que je viens au Festival du Film
Américain de Deauville. C’est l’occasion pour moi d’assouvir ma curiosité et de voir de nombreux
films. D’ailleurs, je suis ravi d’être ici, dans cette ambiance sereine, loin des paillettes.
Ici, on sent bien que le cinéma est au centre des préoccupations.
Dvdfr : Quel est votre sentiment général sur la programmation ?
Dominik Moll : La programmation est d’un très bon niveau. Parmi tous les films que j’ai pu voir,
il y en a 5 en compétition et 4 hors compétition se détachent du lot d’ores et déjà.
Dvdfr : Vous sentez-vous proche de ce cinéma indépendant ?
Dominik Moll : Oui parce qu’il donne vie à des films originaux bien plus surprenants que ceux
que l’on peut voir en avant-première. Je prends plus de plaisir à regarder un film en compétition
que le film de Ron Howard par exemple, même si le Ron Howard (De l’Ombre à la Lumière) est très
bien fait.
Dvdfr : Quelles sont vos influences majeures aux Etats-Unis ?
Dominik Moll : J’aime beaucoup l’univers de Tim Burton dont on va voir d’ailleurs ici le dernier
film (Les Noces Macabres). J’aime également beaucoup le cinéma de Scorcese. J’ai beaucoup aimé
Aviator. J’aime également beaucoup les Frères Coen, Stanley Kubrick, Clint Eastwood, Francis
Ford Coppola dont j’apprécie particulièrement l’élégance dans la mise en scène.
Dvdfr : Tous ces réalisateurs ont-ils été sources d’inspirations ?
Dominik Moll : Oui bien sûr ils m’ont naturellement influencé.
Dvdfr : Vous n’avez jamais eu vous même ce rêve américain ?
Dominik Moll : Hollywood est très friand de nouveaux talents. On le voit avec Amenabar, Salles
ou encore Mathieu Kassovitz. Après la sortie de Harry - Un ami qui vous veut du bien, j’ai eu
pas mal de propositions de la part des américains pour tourner aux Etats-Unis. J’ai reçu énormément
de scénarii mais les projets ne m’ont pas enthousiasmé. Les intrigues étaient trop formatées. Les
scénarii ressemblaient trop à des resucées et j’aurais eu beaucoup de mal à m’y retrouver.
Dvdfr : Vous avez besoin de garder le contrôle de vos projets ?
Dominik Moll : Disons que même si l’idée de travailler aux Etats-Unis est très tentante, je ne me
vois pas faire un film de commande comme le Gothika de Matthieu Kassovitz. Quand on fait ce genre
de chose, on sait à quoi s’attendre. On sait qu’on n’aura pas la main sur le projet et que le
producteur décidera de tout. C’est une manière de travailler mais ça n’est pas la mienne. J’aime
trop la liberté. Pour moi, il est important de dialoguer d’égal à égal avec mon producteur, avec
mes équipes et d’utiliser la richesse des points de vus. C’est ce qui fait la force et la diversité
du cinéma français.
Dvdfr : Par conséquent, vous n’avez pas d’ambitions américaines ?
Dominik Moll : Pas en ces termes mais je travaille actuellement à l’écriture d’un scénario qui
devrait combiner deux nouvelles de TC Boyle, un auteur américain à l’univers loufoque, au ton
décalé qui met en scène des personnages de losers dans des situations oscillant entre comédie
et tragédie. Si le projet voit le jour, il faudra trouver un coproducteur aux Etats-Unis afin
de tourner aux Etats-Unis.
Dvdfr : Une occasion pour vous de changer d’équipe et de type de production ?
Dominik Moll : Absolument pas. La production restera française avec une collaboration américaine
car on ne peut pas tourner en Amérique sans l’aide des américains ou alors il faut tourner son
petit truc dans son coin. Mais une bonne partie de l’équipe restera française et ce sera toujours
produit par Diaphana car je suis très heureux de la collaboration avec Michel Saint-Jean. Nous
dialoguons beaucoup, nous échangeons considérablement et je ne vois aucune raison pour changer
de société de production.
Dvdfr : Conserverez-vous l’esprit pionnier qui caractérise votre cinéma ?
Dominik Moll : En toute modestie, je ne pense pas être un pionnier de quoi que ce soit. Je fais
les films qui m’intéressent, c’est tout.
Dvdfr : Pourtant, avec Harry - Un ami qui vous veut du bien, vous êtes l’un des premiers
réalisateur français à vous ré-aventurer avec succès dans le thriller. Un genre qui avait été
abandonné aux anglo-saxons.
Dominik Moll : Je ne me le suis pas posé en ces termes. D’ailleurs j’ai beaucoup de mal à définir
le genre de Harry - Un ami qui vous veut du bien. Oui, c’est un thriller mais pas seulement. Je
me suis avant tout attaché à l’histoire, aux personnages et puis le film s’est construit tel qu’il
est.
Dvdfr : S’il y avait un genre que vous aimeriez explorer, quel serait-il ?
Dominik Moll : J’aimerais beaucoup m’essayer à la science-fiction ou au western plutôt qu’aux
films en costume.
Dvdfr : Et le documentaire ?
Dominik Moll : Aussi. Ca n’est pas pour tout de suite car le documentaire demande du temps et de
l’argent, ce qui n’est pas simple à mettre en place, mais j’ai déjà quelques idées sur le sujet.
Dvdfr : Peut-on savoir lesquels ?
Dominik Moll : Oui. Bien que ce ne soit pas encore très précis, j’aimerais réaliser quelque chose
sur Darwin et sa théorie de l’évolution ou bien aborder des sujets plus politiques. Mais il faudra
que je trouve quelqu’un pour poser les questions car je ferai un bien piètre journaliste. Je
n’aurai pas l’éloquence nécessaire pour poser les bonnes questions. Rencontrer cette personne
m’incitera sans doute à sauter le pas.
Dvdfr : Pensez-vous que le numérique facilitera également les choses ?
Dominik Moll : Honnêtement, je ne pense pas. Tourner en numérique ne bouleversera pas la façon
de faire du cinéma. Pour moi, le numérique reste un instrument et non une fin en soi. Ca n’est
pas parce que je tourne en numérique que je tournerai différemment. Pour ma part, j’accorde un
soin particulier à la préparation. C’est à ce moment-là que le film se dessine. Par conséquent,
je fais de nombreux choix bien en amont du tournage quitte ensuite à les adapter mais je laisse
le moment venu très peu de place à l’improvisation. Ensuite, que le film se tourne en numérique
ou pas ne fait pas grande différence.
Dvdfr : Etes-vous un DVD maniaque ?
Dominik Moll : J’aime bien le support même si je ne suis pas un collectionneur acharné. Encore
que je ne sois pas fanatique du côté industriel de la chose. Les bonus par exemple. Je ne suis
pas sûr que cela serve le film. Qu’on sache dans les moindres détails comment telle ou telle
scène a été réalisée n’est pas franchement nécessaire. Et puis le côté sortie/ressortie finit
par devenir agaçant. Aujourd’hui, on ne peut plus trouver la version cinéma d’Apocalypse Now.
On ne trouve plus que la version Redux. Je trouve ça dommage car je préférai le montage précédent.
Nous avons encore des milliers de questions mais on nous demande de finir. Le Festival de
Deauville aura été l’occasion d’un entretien vérité avec ce grand cinéaste français à la vision
unique. A suivre…