POSITIF prend le pouls de la vidéo en France
La célèbre revue de cinéma Positif, née près de 20 ans avant que la cassette VHS ne pointe le bout de son nez, propose dans son n° 634 de décembre 2013 un dossier de 25 pages, rédigé sous la coordination de Philippe Rouyer, entièrement dédié à nos galettes préférées.
Les perspectives du DVD et du Blu-ray
Ce dossier s’ouvre sur les perspectives des deux supports physiques de la vidéo, le DVD qui fête ce mois-ci ses 18 ans et son jeune frère le Blu-ray, lancé en Europe en 2006 après qu’il ait porté l’estocade à son rival le HD-DVD. Quatre éditeurs français ont répondu à l’invitation de Philippe Rouyer. Manuel Chiche (Wild Side), Benoît Dalle (Potemkine), Vincent Paul-Boncour (Carlotta) et Stéphane Roux (Gaumont) brossent un tableau pas bien réjouissant de leur avenir. Les éditeurs établis depuis longtemps subissent, en effet, une chute continuelle du marché, de 10 à 15% par an depuis quatre ans qui rend précieuse l’aide du CNC. Il accorde une subvention à l’année pour chaque société en fonction de son programme, des aides individuelles sur quelques titres, une aide à la restauration des films français, une majoration pour l’édition Blu-ray et, enfin, une aide pour le sous-titrage pour malentendants et une autre pour l’audio-description.
Pour les nouveautés, la VOD l’emporte sur les DVD : les ventes sur trois semaines de la comédie Mohamed Dubois (Wild Side) se sont établies à 3 800 DVD contre 80 000 achats en VOD ! L’UltraViolet prend son essor aux USA et pourrait se développer ailleurs.
La part des Blu-ray reste faible de 10% à 40% des ventes (uniquement pour les blockbusters). Elle est plus importante pour les films de patrimoine. Wild Side songe à stimuler leur vente en lançant des DVD à 10 €, sans suppléments. À l’opposé, les beaux objets restent recherchés, bien que leur production risque fort d’être déficitaire. Le cru 2013 est présenté dans les dernières pages du dossier.
Faire un making of, c’est raconter une histoire
Laurent Vachaud interroge Laurent Bouzereau, parti aux USA en 1980 hanter le milieu du cinéma. Il fit ses premières armes avec le commentaire audio du LaserDisc de Carrie, puis de 1941, Les Dents de la mer, E.T., l’Extra-Terrestre, Scarface, Psychose, Les Oiseaux, Rencontres du troisième type… L’arrivée du DVD va booster son activité. Il dit ne pas ressentir les effets de la crise du DVD et refuse de travailler au rabais.
Pour chaque documentaire, il rédige une maquette (une sorte de scénario), structure l’exposé (pré-production, production, post-production) et prépare chaque interview pour qu’elle reflète sa vision de départ.
Pour un making of, il cherche, à partir d’images qu’il a tournées sur le plateau ou qui lui ont été fournies, à raconter une histoire pour impliquer le spectateur. Il assiste autant qu’il peut au tournage, de 10 à 25 jours, avec son cameraman et produit lui-même ses films dont le montage peut s’étaler sur 5 à 8 semaines.
Le commentaire audio dans les DVD par Gilles Ciment
Trois questions à se poser : Qui parle ? Quand ? Comment ?
Qui ? Les commentaires les plus prisés sont ceux des réalisateurs, les plus aptes à parler de leur film, avant ceux des interprètes, les mieux placés pour parler de la direction d’acteurs. Puis viennent les scénaristes, directeurs de la photographie, monteurs, responsables des effets spéciaux… Ce peut être aussi, notamment pour les films de patrimoine, des critiques, des exégètes extérieurs (comme Olivier Curchod sur La Règle du jeu de Jean Renoir).
Quand ? La tonalité du commentaire du réalisateur peut changer suivant qu’il l’a enregistré alors qu’il était encore dans les affres de la sortie en salles du film ou quand les jeux étaient faits et qu’il pensait déjà à son prochain film.
Comment ? Les commentaires, purement techniques, sur les moyens utilisés ou les conditions atmosphériques du tournage sont vite lassants, sauf sur les films à gros budget dont le tournage a été particulièrement compliqué.
Le commentaire, plaqué sur l’image, prend le dessus sur l’histoire racontée, avec laquelle il est en porte-à-faux. Le Blu-ray, dans une certaine mesure, corrige cette contradiction en permettant, avec la technologie PiP, de voir et d’entendre le commentateur en même temps que le film.
Des coffrets pour les fêtes de fin d’année
Cinq coffrets exceptionnels, récemment sortis, sont analysés : Gun Crazy (Wild Side) par Christian Viviani, La Porte du paradis (Carlotta), par Pierre Eisenreich (également testé par DVDFr), Fanny et Alexandre (Gaumont) par Fabien Baumann. Alain Masson se penche sur Chris Marker remémoré par le coffret de 10 DVD édité par Arte Éditions et les 3 DVD à l’unité + livrets édités par Tamasa. Pour finir, l’impressionnant coffret Éric Rohmer : L’intégrale coédité par Potemkine et agnès b. (lire ici la critique de DVDFr) pour lequel Philippe Rouyer ne cache pas son admiration.
La restauration des films
Yann Tobin s’entretient avec Gian Luca Farinelli, directeur de la Cinémathèque de Bologne qui abrite sous son aile un laboratoire de pointe, « L’immagine ritrovata », spécialisé dans la conservation et la restauration de films du monde entier : grands classiques et raretés, films perdus et retrouvés, parfois en partenariat avec des laboratoires d’autres pays, de France comme ce fut le cas pour Les Enfants du Paradis.
Le numérique prend une grande place dans la restauration dont il a réduit le coût, mais il est indispensable de préserver aussi le 35 mm qui « a une lumière, une texture qu’il faut faire connaître aux futures générations ! »
L’occasion est saisie pour un coup de projecteur sur l’Italie où l’industrie du DVD souffre particulièrement, le pays détenant le record européen du piratage. Les films classiques, là-bas aussi, sont relativement épargnés. Pour résister à l’offre en ligne, la Cinémathèque de Bologne va tenter de favoriser la présentation régulière en salles de films de patrimoine (une nouveauté au-delà des Alpes) simultanément à leur sortie en DVD.