Blu-ray Pure Audio : à la recherche du son perdu
Le « vrai son » à très haute fidélité est-il de retour ? Les industriels et 3 majors du disque se sont fédérés pour introduire en France une galette bleue au confort d’écoute exceptionnel…
Le Blu-ray a un atout caché que seul une part minuscule des foyers a pu bénéficier : une qualité sonore exceptionnelle. Ca semble exagéré, mais pourtant le son est un peu le cousin éloigné que personne n’invite aux fêtes de famille. On vend des Blu-ray et des écrans plats pour la pureté de l’image, et ensuite on refourgue des barres de son et des codages 3D virtuels.
Après 15 ans de MP3 et de portabilité du fichier aux dépens de la qualité, des générations entières ont oublié ou ignoré la notion de Haute fidélité du son. Mais les évolutions technologiques et la démocratisation du haut débit ont arrêté cette chute sans fin. Le 1er segment du matériel audio en France, les casques (80% de PDM en France), vire vers le haut de gamme et vers des modèles qui révèlent les artefacts des fichiers audio « lossy ». Et l’ensemble du marché a connu en 2013 en France une progression de 5,2%, plus du double de la moyenne européenne.
La famille du Blu-ray veut voir dans ces signaux un retour vers l’audio de qualité. Forts d’un parc installé de 4 millions de platines en France (8 millions en incluant les consoles), et de l’excellente santé des achats physiques sur les albums (93%), contre 96% des supports dématérialisés pour les singles, éditeurs et fabricants de matériel estiment qu’il est temps que « le son reproduit redevienne fidèle à l’original ».
Quelques jours avant la 11e édition de La Semaine du Son (du 27 janvier au 9 février), le Simavelec, Dolby et Blu-ray Partners (les principaux éditeurs), se sont fédérés autour du nouveau format de la galette bleue, le Blu-ray Pure Audio, lancé l’année dernière par Universal Music, rejointe dernièrement par Warner et Sony Music.
Nous avons vu, ou plutôt écouté, le disque. Le standard chapeauté par Universal sous l’acronime HFPA (pour High Fidelity Pure Audio) consiste d’une galette encodée avec 3 formats audio : le PCM à 24 bits/96 KHz (certains titres monteront jusqu’à 192 KHz) avec un rendu dynamique théorique de 144 dB, une piste en codec lossless, par exemple le DTS-HD Master Audio ou le Dolby TrueHD, et enfin le PCM 16/44 du CD Audio. En d’autres mots, rétrocompatibilité garantie avec les platines existantes, et accès direct au PCM 24/96 et aux formats HD pour les possesseurs d’un ampli AV assez récent. Les disques seront également fournis avec un code de téléchargement en digital, aux formats FLAC ou MP3.
Et ça tombe bien, car la coexistence des 3 pistes nous permet de faire des comparaisons directes du rendu sonore ! Nous avons pu comparer notamment Les marquises de Jacques Brel, Is This Love de Bob Marley, un extrait de La Traviata ou Soul Bossa Nova de Quincy Jones. Toutes proportions faites, l’écart entre le PCM 24/96 et la qualité CD est comparable à l’écart perceptible entre un CD et un MP3/AAC à 128 KHz. Les défauts de vieillesse du CD Audio, qui fête ses 30 ans de vie, sont facilement identifiables : un rendu dynamique monocorde, des voix humaines tronquées des harmoniques graves, des timbres aplatis à l’arrière-plan. Ce n’est pas étonnant si plusieurs ont fui le CD pour revenir au vinyle (note aux lecteurs : je suis l’un d’entre eux…).
Ces atouts de restitution seraient nuls si le master employé par le label était le même du CD. Universal et les autres majors du disque affirment que seules les sources de type « studio master » seront éligibles pour une réédition en Blu-ray Pure Audio. En codec lossless, seul le format 2.0 est offert, sauf si l’artiste ou ses représentants acceptent un remixage multicanaux. C’est le cas pour A Night at the Opera, l’album emblématique des Queen, dont nous avons pu écouter un Bohemian Rhapsody en 5.1 très immersif et spectaculaire…
Le Blu-ray Pure Audio a ses chances de véhiculer le son à très haute fidélité vers les oreilles des consommateurs, ou il est destiné à faire la fin du SACD ? Les labels auront un rôle clé pour étoffer des catalogues encore confidentiels (Universal proposera un total de 100 références au printemps prochain, dont environ la moitié en variété française). Mais fabricants et revendeurs auront aussi leur part de responsabilité, pour « rééduquer » des oreilles formatées par le standard MP3/AAC depuis très longtemps.