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AGENTS SECRETS : au cinéma

Par François Chollier | Publié le
AGENTS SECRETS : au cinéma

Vincent Cassel et Monica Bellucci deviennent espions pour le compte de Frédéric Schoendoerffer. Une immersion totale dans l’univers de la tromperie et du mensonge dont vous ne ressortirez pas indemnes.

La mission des deux agents secrets français est programmée pour le 31 mars. Le lieu : les salles de cinéma. Histoire un poil de corser, ils seront confrontés à l’un des ennemis les plus dangereux qui soient : leur propre conscience.

DVDFR lève le voile sur quelques uns des terribles secrets qui hantent le film…

Affiches du film

Algeciras, au sud de l’Espagne. Un homme mystérieux – Eugène (Charles Berling) – est assassiné par des tueurs à gages. Sur son cadavre, la DGSE récupère une puce contenant des informations précieuses sur un réseau clandestin de trafic d’armes et de diamants en Afrique.

Une mission se met en place. Son objectif : démanteler la filière et neutraliser le coeur du trafic, un homme d’affaires influent installé en Suisse, Lipovsky (Serge Avedikian). Le capitaine Georges Brisseau (Vincent Cassel) et sa coéquipière Lisa (Monica Bellucci), deux agents secrets, sont envoyés au Maroc, accompagnés de deux nageurs de combat, Raymond (Sergio Peris Mencheta) et Loïc (Ludovic Schoendoerffer), pour faire sauter le « Anita Hans », le navire affrété par Lipovsky.

Le Colonel Grasset (André Dussolier), Directeur de la DGSE, leur affecte un ange gardien assez particulier : Tony (Eric Savin). La mission se déroule sans problèmes, mais au retour, Lisa se fait arrêter à la frontière suisse et Raymond se fait assassiner à Paris…

Agents Secrets, deux mots qui claquent comme une malédiction. Celle de l’ombre ! Celle de l’invisibilité ! Deux mots qui font rêver aussi ! Comme une incantation magique qui vous transporte instantanément dans un autre univers. Celui de la manipulation, du faux-semblant, du mensonge et de… l’invincibilité. James Bond a été parmi les pionniers. La franchise inspire dès 1962, avec James Bond 007 contre Dr. No, une vision envoûtante quasi idyllique de la profession. La vocation d’être agent secret devint subitement celle d’être Bond. Indémodable, indétrônable, indéboulonnable et pourtant…le héros des romans de Ian Fleming est originellement assailli par la peur, le doute que lui ont soufflés d’indicibles démons mais qu’importe !!! Le cinéma, ou pour être plus exact Hollywood, en a fait un demi-Dieu. Un modèle, une référence auquel beaucoup d’hommes aspirent et que beaucoup de femmes désirent. Une sorte d’égérie romantique qui dispute à Cartland (prénom Barbara) ses ambitions fleurs bleues sur fond d’intrigues aventureuses et chevalresques. Voilà le monde des agents secrets tel qu’on voudrait qu’il fût. Un monde dans lequel on se rit de la peur, un monde dans lequel la mort est un divertissement !!!

Agents Secrets propose autre chose. Une alternative, une sorte d’alter-film-d’espions qui sonne comme une bouffée d’air frais et revisite un genre que l’on croyait à jamais classé. L’exercice n’est tout de même pas sans risque car il outrepasse ce désir solidement ancré en chaque spectateur de vouloir rêver à la seule évocation des mots Agents Secrets. Une voix sourde, obsédante, qui frappe l’inconscient, encore, toujours et lui remémore les prouesses cinématographiques du plus célèbre d’entre les espions. Schoendoerffer l’a bien compris. Schoendoerffer le sait. Et c’est vigoureusement harnaché à une réalisation ultra soignée, réfléchie au millimètre près, qu’il réalise son numéro d’équilibriste. Tombera ? Tombera pas ? Chaque plan, chaque séquence, chaque noeuds mineurs et majeurs vibrent de cette saisissante incertitude d’assister à un exercice stylistiquement périlleux. Périlleux par le propos, périlleux par la forme. Au fil de l’image, le spectateur désapprend… un déconditionnement brutal, aussi brutal que l’onde de choc entre notre univers (fait de répétitions, de quotidien) et celui des espions.

Les agents

La trouille ! Voilà le sentiment dominant. Vous en voulez un deuxième ? L’émerveillement. La contradiction du rôle d’espion est là. Schoendoerffer dépeint l’ensemble magistralement. Un monde fait de peur, d’angoisse mais aussi de fièreté et d’excitation. C’est bon de se sentir au-dessus du reste de l’humanité… mais ça a un prix : celui du danger ! La peur au ventre, le front buriné par la sueur, les mains moites mais la tête haute et le regard profond. Séquences après séquences, le quatuor d’espions enchaînent les gestes : méticuleux, chirurgicaux, ils accomplissent la mission. Montage cut, pas de fioritures, rythme soutenu. Nos espions tricotent les fils d’un complot. Aveuglement absurde, sens du devoir, du secret, de la raison d’Etat. Et pourtant le complot les dépasse. Alors ils doutent ; de tout, de la mission, du service, de l’utilité, du sens, de la patrie… jusqu’à douter d’eux-mêmes. Qui est le manipulateur et qui est le manipulé ? Instant crucial… minute de vérité lors de laquelle Schoendoerffer transforme l’essai pour définitivement s’emparer du spectateur et ne plus le lâcher. Adroit manipulateur, il se révèle génial narrateur doué d’une implaccable logique et d’un désir constant de perfection.

Au fil d’une réalisation à vous couper le souffle, « Agents Secrets » dévoile une intrigue très soigneusement préméditée. Aucun rapport avec le verni rocambolesque d’un James Bond, le film reste chevillé au corps de l’humain, reniflant à chaque plan, à chaque situation la moindre trace de sentiments. N’y voyez là aucun voyeurisme apparent. Mais un souci consciencieux de réalisme et d’identification. A quelques millimètres de nous, des espions se débattent, se déchirent, tansent les mailles de ce filet trop étroit qui les enserre et les étouffe. Ce faisant, ils transpirent de ces sentiments qu’ils enfouissent mal avec l’acharnement que leur dicte la mission. Sous les masques, les identités, les déguisements, ils transpirent… les uns après les autres, gagnés par cette incontinence émotionnelle, pour finir par se laisser envahir jusqu’à s’embourber, se perdre, se confondre et se trahir. La mission dérape ! Place au drame de ces vies volées, absurdes et pesantes ! Mais un drame nerveux, exacerbé, intense. Le couple Cassel / Bellucci canalise à la perfection cette intensité autour de leurs personnalités radicalement oppposées (la féminité / la masculinité, la douceur / la brutalité, la froideur / le feu intérieur) et donnent à « Agents Secrets » des accents lyriques. Ce quelque chose de tragique qui hante le cinéma de Schoendoerffer. Mais attention ! Dans le bon sens du terme !!! Ni déprime, ni idées noires ! Pensez plutôt au choix, source vive de la tragédie antique !

Frédéric Schoendoerffer

5 ans après son premier long-métrage, Schoendoerffer récidive. Même approche, même état d’esprit, même atmosphère oppressante. La détermination de ceux qui considèrent la narration autrement qu’un simple divertissement. La maîtrise de ceux qui frappent les esprits à coups d’émotions visuelles, inspirées et intenses. Schoendoerffer triomphe à décatégoriser le genre. Il réinvente le film d’espions. Evénement ou référence, vous choisirez l’un ou l’autre terme, tous deux appropriés à qualifier cette haletante et spectaculaire immersion dans l’univers savoureusement mystérieux de ces nouveaux « Agents Secrets ».

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