Une histoire de fou (2015) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Robert Guédiguian
Avec Simon Abkarian, Ariane Ascaride et Grégoire Leprince-Ringuet

Édité par Diaphana

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Le 31/05/2016
Critique

Une histoire de fou

Berlin 1921, Talaat Pacha, principal responsable du génocide Arménien est exécuté dans la rue par Soghomon Thelirian dont la famille a été entièrement exterminée. Lors de son procès, il témoigne du premier génocide du 20ème siècle tant et si bien que le jury populaire l’acquitte. Soixante ans plus tard, Aram, jeune marseillais d’origine arménienne, fait sauter à Paris la voiture de l’ambassadeur de Turquie. Un jeune cycliste qui passait là par hasard, Gilles Tessier, est gravement blessé.

Aram, en fuite, rejoint l’armée de libération de l’Arménie à Beyrouth, foyer de la révolution internationale dans les années 80. Avec ses camarades, jeunes arméniens du monde entier, il pense qu’il faut recourir à la lutte armée pour que le génocide soit reconnu et que la terre de leurs grands-parents leur soit rendue.

Gilles, qui a perdu l’usage de ses jambes dans l’attentat, voit sa vie brisée. Il ne savait même pas que l’Arménie existait lorsqu’Anouch, la mère d’Aram, fait irruption dans sa chambre d’hôpital : elle vient demander pardon au nom du peuple arménien et lui avoue que c’est son propre fils qui a posé la bombe.

Pendant que Gilles cherche à comprendre à Paris, Anouch devient folle de douleur à Marseille et Aram entre en dissidence à Beyrouth… jusqu’au jour où il accepte de rencontrer sa victime pour en faire son porte parole.

« Pendant très longtemps mes préoccupations ont été - comme on disait à l’époque - « internationalistes ». J’étais communiste, internationaliste, et les questions d’identité m’apparaissaient tout à fait secondaires. Importantes mais secondaires. Ce n’est qu’à partir des années 90 que la thématique de l’identité est devenue extrêmement prégnante. Elle est même passée au premier plan, au point de devenir aujourd’hui le coeur du débat politique en France. Du coup, alors que la gauche ne s’occupait à l’origine pas du tout de cette question, il devenait important que des gens de gauche la prennent à bras le corps. Ce que j’ai fait, à partir de ma propre identité.
Je me sentais obligé, au joli sens très français du terme « Je suis votre obligé ». Car je suis en quelque sorte l’obligé de tous les Arméniens du monde, puisque je m’appelle Guédiguian et que je suis, que je le veuille ou non, ambassadeur de l’Arménie et de cette cause. Avec ce film, j’honore ma responsabilité. J’aurais été Palestinien ou Kurde, j’aurais travaillé la question palestinienne ou kurde. Je suis d’origine arménienne, j’ai travaillé la question arménienne. » Robert Guédiguian

Une histoire de fou

On estime entre 1,1 et 1,3 millions le nombre de victimes du génocide, sur une population d’à peine 2 millions d’Arméniens en Turquie à la fin du XIXe siècle. Dès novembre 1915, la France, par la voix d’Aristide Briand, président du Conseil, s’engage « à ne pas oublier les souffrances atroces des Arméniens ». Après la capitulation de l’Empire Ottoman en 1918 puis la fuite des dirigeants Jeunes Turcs, ceux-ci sont condamnés par contumace en 1919 à Constantinople. Le procès est l’occasion, outre une reconnaissance de l’ampleur des massacres, de mettre au jour l’existence de l‘« Organisation spéciale », créée en 1914 par le comité central du Comité Union et Progrès et les ministères turcs de l’Intérieur et de la Justice, et dont l’extermination des convois de déportés arméniens constituait la principale mission.

Une histoire de fou est le 19e long métrage de Robert Guédiguian. Ce film est né de la rencontre entre le cinéaste et l’écrivain José Antonio Gurriarán, auteur du livre autobiographique La Bombe. Dans ce récit, Gurriarán raconte son histoire, celle d’un jeune journaliste et envoyé spécial en Espagne, victime en décembre 1980 d’une bombe placée à Madrid par les militants de l’Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie. Gurriarán en réchappe de peu mais reste à moitié paralysé à vie. Robert Guédiguian qui souhaitait réaliser un film pour le centenaire du génocide arménien, ne trouvait pas l’approche nécessaire. Cette rencontre est alors déterminante. Le cinéaste va alors se pencher sur cent ans d’histoire, en partant de l’exécution de Talaat Pacha, principal responsable du génocide Arménien, dans une rue de Berlin en 1921. Ce magnifique prologue de 25 minutes, filmé en N&B, tout en allemand dans le texte et porté par un remarquable Robinson Stévenin, apparaît comme étant une des plus fortes et une des plus belles séquences de toute la filmographie de Guédiguian.

Deux générations plus tard, la couleur arrive, et nous nous retrouvons à Marseille dans la communauté arménienne de la ville, au sein d’une famille d’épiciers, Hovannès le père, Anouch la mère, Aram le fils. Peu après, Gilles, le personnage incarné par Grégoire Leprince-Ringuet qui s’inspire alors de José Antonio Gurriarán, apparaît. Il est une victime collatérale de la bombe, placée par Aram, visant l’ambassadeur de Turquie à Paris. Si ce dernier meurt sur le coup, Gilles perd l’usage de ses jambes. Aram assiste à la scène, puis part à Beyrouth où il rejoint un groupe armé engagé à faire reconnaître le génocide arménien par des attentats contre les intérêts turcs du monde entier. Gilles, qui n’a jamais entendu parler de l’Arménie, voit arriver Anouch à son chevet à l’hôpital. Elle vient lui demander pardon au nom de son pays.

Une histoire de fou

« Il a réchappé de cet attentat à moitié paralysé. Et alors qu’il ne savait absolument rien de la question arménienne, et pour s’en sortir, il va vouloir comprendre. Il se met à travailler sur le génocide et sa négation, il lit, il se renseigne, il se documente… Et au bout de ce processus, convaincu que la cause arménienne est juste, il décide de rencontrer les responsables de l’attentat. Après beaucoup d’échecs, parce que ses différents interlocuteurs ont peur, bien sûr, qu’il soit manipulé par les services secrets turcs ou par Interpol… il reçoit un coup de fil : rendez-vous à Beyrouth tel jour à telle heure. Il s’y rend avec un photographe et passe une journée entière à discuter avec deux dirigeants de l’ASALA, qui vont ensuite l’emmener dans un camp de la Bekaa où il rencontrera ceux qui ont posé la bombe… » Robert Guédiguian

D’origine arménienne, Robert Guédiguian était le réalisateur prédestiné à traiter ce sujet, même s’il lui aura fallu attendre le bon sujet et la maturité. C’est un nouveau combat, notamment pour que la Turquie reconnaisse ce génocide : « Tous les génocides, et celui-ci en fait partie, ont les mêmes caractéristiques : il faut bien déporter les gens, donc les regrouper, les exiler, les mettre dans des camps de concentration, trouver des manières pour les tuer… Mais les génocides ont tous, également, une unicité. Celle du génocide arménien, c’est sa négation. Une négation d’Etat, la Turquie, avec toutes les armes d’un État en termes économiques, médiatiques, diplomatiques, commerciaux, juridiques. Un État qui mobilise des moyens énormes pour faire campagne depuis cent ans pour nier le génocide partout et de manière directe, organisée et financée ». Le cinéaste fait appel à certains de ses comédiens fétiches et use de la fiction plutôt que du documentaire.

Ariane Ascaride, Grégoire Leprince-Ringuet, Simon Abkarian, Robinson Stévenin et Lola Naymark, donnent la réplique aux nouveaux venus Syrus Shahidi, Razane Jammal, Rodney El Haddad, tous remarquables. Les destins s’entrecroisent à travers la grande Histoire, la famille est cette fois encore au centre du récit, tout comme les racines culturelles. Tourné entre Marseille, Beyrouth et l’Arménie, Une histoire de fou est malgré sa durée (2h15) un film engagé, une fresque passionnante, formidablement interprétée, difficile, qui sait rester chaleureuse malgré la violence qui anime les personnages. Mais c’est celle d’aimer et de pardonner qui prédomine.

Une histoire de fou

Présentation - 4,0 / 5

Glissée dans un boîtier classique de couleur noire, la jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Bonus - 3,5 / 5

Une bombe de trop, documentaire de Audrey Valtille sur José Antonio Gurriarán et la genèse d’Une histoire de fou (53’) : En 1980, José Antonio Gurriarán, journaliste espagnol, a 42 ans, une femme et trois enfants. Alec Yenikomshian, lui, est arménien. En 1980, à 25 ans, il a déjà rejoint l’ASALA (Armée Secrète Arménienne pour la Libération de l’Arménie) pour défendre la cause de son peuple. En 1980 donc, et par hasard, José Antonio Gurriarán est victime d’un attentat à la bombe dont le second est partiellement responsable. Il en réchappe de peu. Depuis longtemps, Robert Guédiguian pensait à un film sur la tragédie arménienne ; l’horreur d’un génocide perpétré en 1915 par la Turquie et l’effroi devant sa détermination à le nier, jusqu’à aujourd’hui, un siècle après les faits. C’est en découvrant l’histoire de José Antonio Gurriarán que la possibilité d’une fiction lui est apparue. Car non seulement José Antonio Gurriarán a voulu rencontrer les responsables de sa bombe pour comprendre, mais il est devenu également le principal défenseur de la reconnaissance du génocide arménien en Espagne : il y avait donc là toute la force émotionnelle générée par cet individu hors du commun, qui a su dépasser le tragique de son propre sort pour entrevoir la détresse d’un peuple et embrasser un combat dont il a été victime et qui n’était pas le sien. C’est Une histoire de fou, comme le résume le titre choisi par Robert Guédiguian, pour qui l’art ne peut s’envisager sans un regard politique. Au gré de sa fiction, la réalité reprend corps avec la présence dans ce documentaire de José Antonio Gurriarán et Alec Yenikomshian. À eux deux et 35 ans après les faits, ils résument encore toute la charge historique de la question arménienne… et la transcendent. Un superbe complément au film en compagnie de José Antonio Gurriarán, de Robert Guédiguian et de ses comédiens.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

Une histoire de fou

Image - 4,0 / 5

Le Blu-ray d’Une histoire de fou est au format 1080i. L’éditeur prend soin du film de Robert Guédiguian et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques du chef opérateur Pierre Milon (Les Neiges du Kilimandjaro, Foxfire, confessions d’un gang de filles) sont respectés et la colorimétrie habilement restituée, du N&B de la première partie, aux teintes entre chaud et froid des années 70-80. La clarté est de mise, tout comme des contrastes fermes et des noirs denses, un joli piqué et des détails appréciables sur l’ensemble des séquences en extérieur et du cadre en général, y compris sur les gros plans des comédiens. Notons de sensibles pertes de la définition et des plans un peu flous, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master HD élégant, propre et clair.

Une histoire de fou

Son - 4,5 / 5

Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 est immédiatement immersif. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la musique d’Alexandre Desplat est spatialisée de bout en bout. La piste Stéréo, de fort bon acabit, devrait largement convenir à ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Une histoire de fou

Crédits images : © Agat Films & Cie, France 3 Cinéma, Alvy Productions

Configuration de test
  • Téléviseur 16/9 Sony LCD Bravia KDL-32W5710
  • Sony BDP-5350
  • Ampli Pioneer VSX-520
  • Kit enceintes/caisson Mosscade (configuration 5.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 81 cm
Note du disque
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Franck Brissard
Le 31 mai 2016
Ariane Ascaride, Grégoire Leprince-Ringuet, Simon Abkarian, Robinson Stévenin et Lola Naymark, donnent la réplique aux nouveaux venus Syrus Shahidi, Razane Jammal, Rodney El Haddad, tous remarquables. Les destins s’entrecroisent à travers la grande Histoire, la famille est cette fois encore au centre du récit, tout comme les racines culturelles. Tourné entre Marseille, Beyrouth et l’Arménie, Une histoire de fou est malgré sa durée (2h15) un film engagé, une fresque passionnante, formidablement interprétée, difficile, qui sait rester chaleureuse malgré la violence qui anime les personnages. Mais c’est celle d’aimer et de pardonner qui prédomine.

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