R.M.N (2022) : le test complet du Blu-ray

L’endoscopie d’une petite communauté déséquilibrée par l’arrivée de travailleurs immigrés, thème du cinquième grand film de Cristian Mungiu.

Matthias, après l’insulte raciste d’un contremaître, quitte l’emploi qu’il occupait dans un abattoir en Allemagne et rejoint son village natal en Transylvanie où cohabitent, tant bien que mal, Roumains, Hongrois et Allemands et quelques travailleurs immigrés. Il y retrouve Rudi, son fils âgé de 7 ou 8 ans, qui ne parle plus depuis qu’il a été terrorisé par ce qu’il a vu dans la forêt, sans qu’il ait dit quoi, et son père malade. Ainsi que son ex-petite-amie Csilla, l’adjointe de la directrice d’une boulangerie industrielle. L’embauche de trois Srilankais à des postes qui n’avaient attiré aucun villageois fait exploser la xénophobie endémique…

R.M.N. , écrit et réalisé par le cinéaste roumain Cristian Mungiu, nommé en 2022 pour la Palme d’or (attribuée à Sans filtre (Triangle of Sadness) / Triangle of Sadness de Ruben Östlund), n’est que son cinquième long métrage en 20 ans, depuis Occident (2002), également sélectionné à Cannes, comme les trois qui suivront, notamment 4 mois, 3 semaines, 2 jours (4 luni, 3 saptamâni si 2 zile), couronné en 2007 par la Palme d’or et le Prix FIPRESCI. Le titre étrange du dernier film, l’acronyme de Rezonanta Magnetica Nucleara, l’équivalent roumain d’Imagerie par Résonance Magnétique ou I.R.M., symbolise le propos de l’oeuvre, l’observation de la nature invisible d’une communauté.

Chacun à sa place dans ce bas-monde, comme Dieu l’a voulu !

R.M.N., derrière une apparente spécificité régionale, comme les autres films de Cristian Mungiu, a une portée universelle. Les arguments de certains villageois, soutenus par le curé de la communauté hongroise et le médecin, sont ceux, avec les mêmes outrances et irrationnalités, serinés par les populistes, en France ou partout ailleurs.

L’étranger fait peur et, tel un bouc émissaire chargé de tous les péchés du monde, est pointé du doigt comme le responsable des fléaux menaçant le bien-être : le chômage, les épidémies, le terrorisme…

R.M.N. confirme la maîtrise de Cristian Mungiu. De l’écriture du scénario et du montage pour assurer une montée progressive de la tension dramatique. De la mise en scène, des cadrages, et de la réalisation, avec une prédilection pour les plans longs, plans-séquences fluides ou plans fixes, comme celui, crucial, du débat public, d’une durée de seize minutes. Tout s’enchaîne, dans une harmonieuse logique, jusqu’à une fin quelque peu déroutante. La direction des acteurs est irréprochable, malgré de nombreux personnages secondaires interprétés, avec beaucoup de naturel, par des non-professionnels.

Tous les longs métrages de Cristian Mungiu ont été édités en vidéo, à la seule exception d’Occident, une comédie douce-amère de l’immigration des jeunes vers l’Europe de l’ouest.

R.M.N. (127 minutes) et son supplément (26 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le roumain et d’autres langues (hongrois, allemand, anglais, français et singhalais), avec sous-titres imposés (en blanc pour le roumain, en jaune pour le hongrois, les deux langues dominantes, en rose pour les autres langues), et le choix entre deux formats audio : DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0 stéréo.

Une édition DVD est disponible avec le même contenu.

Entretien avec Cristian Mungiu Judith State et Marin Grigore (26’, anglais, sous-titré). Le titre, R.M.N., s’accorde à son désir de « scanner la réalité d’un moment précis », le cinéma étant un « bon outil pour sonder ce qui se passe dans nos têtes ». C’est une observation de la nature humaine, au-delà de la Roumanie, et d’un vieux « réflexe animal de défense » vis-à-vis d’un être différant de la norme, d’un étranger dont l’arrivée peut être ressentie comme une menace pour le groupe. Les deux acteurs principaux évoquent leur démarche d’identification à deux personnages portant des regards divergents sur les étrangers. Le Français du film, choisi en raison de relation séculaire qu’a entretenu la France à l’égard de la Roumanie et du rôle qu’elle a joué dans la reconnaissance de son existence en tant que nation, est là pour représenter l’Europe, une association complexe de peuples aux traditions diverses. Le film ne vise pas à jeter l’opprobre sur un groupe, à le juger sans écouter ses arguments, mais à montrer les réelles difficultés de cohabitation entre communautés, la discrimination étant, à des degrés divers, inhérente à chaque individu. La réalisation d’un long plan-séquence nécessite une préparation. Mais elle ne peut pas être trop longue sans casser l’énergie. Et, prise après prise, la mise en scène se précise. Le réalisateur livre enfin son interprétation du plan final.

L’image numérique (Arri Alexa LF, 1080p, AVC), au ratio 2.39 :1, finement définie, propose une palette assez froide, hivernale. Lumineuse, fermement contrastée, elle garantit la lisibilité de toutes les scènes, quelles que soient les conditions d’éclairage, à l’exception de deux ou trois courts plans un peu bouchés.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 (avec une alternative 2.0 stéréo) assure la clarté des dialogues et passages musicaux intégrés au récit, en équilibre avec l’ambiance soutenue par une bonne dynamique. La répartition du signal sur les cinq canaux procure une discrète, mais cohérente, sensation d’immersion dans l’action.

Crédits images : © Mobra Films