Mike De Leon en 8 films - Portrait d'un cinéaste philippin : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Mike De Leon
Avec Tommy Abuel, Charo Santos et Mario Montenegro

Édité par Carlotta Films

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Le 27/06/2023
Critique

Un précieux coffret pour découvrir un cinéaste philippin largement méconnu : ses films sont restés inédits en France.

Mike De Leon - 8 films

Mike De Leon en 8 films propose huit des dix longs métrages d’un cinéaste philippin dont aucun des films n’a été distribué dans nos salles ni édité en vidéo en France. Les cinéphiles curieux connaissent le porte-drapeau de la nouvelle vague du cinéma philippin, découvert tardivement hors de l’archipel, Lino Brocka, surtout pour Manille (Maynila: Sa mga kuko ng liwanag, 1975) et Insiang (1976), redistribués en France et édités vidéo par Carlotta Films en 2017.

Mais rares sont ceux qui connaissent Mike De Leon. Né à Manille en 1947, il s’est essayé à tous les genres d’un cinéma populaire, mais politiquement engagé et stylé. Ce que permet de vérifier le coffret dans lequel ne manquent que deux longs métrages, Prisoner of the Dark (Bilanggo sa dilim, 1986), une adaptation du roman de John Fowles qui avait tant inspiré William Wyler en 1965 pour L’Obsédé (The Collector), et Sister Stella L., réalisé en 1984 et retenu dans la sélection officielle de la Mostra de Venise.

Les Rites de mai (Itim, 1976, 1.85:1, couleur, tagalog et philippin, 107 minutes). Un drame mystérieux et poétique auquel la présence ressentie d’un fantôme donne un parfum de fantastique.

C’était un rêve (Kung mangarap ka’t magising, 1977, 1.66 :1, couleur, philippin, tagalog, anglais, 112’). Cette romance mélodramatique entre jeunes à la sortie de l’adolescence, bien écrite et mise en scène, reçut un bel accueil public et critique dans son pays.

Frisson (Kakabakaba ka ba? , 1980, 1.85:1, couleur, anglais, japonais, philippin, tagalog, 106’). Un cocktail loufoque et inventif d’action et de comédie musicale, apparemment très apprécié aux Philippines où il fut plusieurs fois sélectionné et primé.

Kisapmata (1981, 1.85:1, couleur et noir et blanc, tagalog, 99’). Cet horrible drame, inspiré par une histoire vraie, multiprimé aux Philippines, dénonce la soumission des femmes à l’autorité patriarcale, l’inceste et le poids des conventions héritées du catholicisme. Le premier film de Mike De Leon à être présenté à Cannes, dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs en 1982.

Batch ‘81  (1982, 1.85:1, couleur, philippin, tagalog, anglais, 106’). On se demande, tout au long de cette fable, ce que la fraternité à laquelle ils aspirent apportera à ces étudiants pour qu’ils se soumettent aux violences et humiliations qu’ils doivent subir pendant leur long parcours initiatique. Ce film fut, lui aussi, inclus dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs.

Mike De Leon - 8 films

Le Paradis ne se partage pas (Hindi nahahati ang langit, 1985, 1.85:1, couleur, tagalog, philippin, 129’). Cette romance assez conventionnelle, soigneusement réalisée, est l’adaptation d’une bande dessinée de Nerissa Cabral.

Héros du Tiers-Monde (Bayaning 3rd World, 2000, 1.85:1, noir et blanc, 94’). Un brillant documentaire-fiction sur un ton comique (un modèle de « mockumentary ») autour du mystère enveloppant la vie et la mort de José Rizal, fusillé le 30 décembre 1896, et de l’authenticité d’une lettre de rétractation qu’il aurait écrite la veille de son exécution. Héros de la résistance contre l’occupation espagnole, « il a toujours été à nos côtés, même mort ! »

Citizen Jake (2018, 1.85:1, couleur et noir et blanc, philippin, tagalog, anglais, 137’). « La loi du plus puissant », c’est ce que veut dénoncer un journaliste free-lance, fils d’un sénateur qui entend se faire réélire. Son enquête sur l’assassinat d’une jeune femme va l’amener à découvrir les agissements dont sont capables certains pour défendre leurs privilèges et assurer l’impunité de leurs exactions. Une oeuvre forte, sortie après une éclipse longue de 18 années.

Dans la distribution, révélée par Les Rites de mai, on retrouve Charo Santos-Concio dans Kisapmata, Frisson et Le Paradis ne se partage pas, trois films dans lesquels joue un autre acteur populaire aux Philippines, Christopher De Leon, sans lien de parenté avec le réalisateur.

Tous les films proposés par cette édition ont été restaurés, essentiellement à partir des négatifs originaux (sauf Citizen Jake, tourné en numérique), par L’Immagine Ritrovata, sous la supervision du réalisateur. Du beau travail quand on nous dit qu’ils étaient en piteux état, endommagés par la moisissure et le syndrome du vinaigre !

Mike De Leon - 8 films

Présentation - 4,5 / 5

Mike De Leon en 8 films contient huit longs métrages d’une durée cumulée de 889 minutes et 242 minutes de suppléments répartis sur cinq Blu-ray BD-50 logés dans un digipack à trois volets, glissé dans un épais cartonnage.

Le menu propose les films dans leur langue originale, un mélange de tagalog, philippin et anglais, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0 ou 2.0 mono et 5.1 pour Citizen Jake.

À l’intérieur de l’étui, un livret de 80 pages écrit par Charles Tesson. Il s’ouvre sur Une brève histoire du cinéma philippin : le premier film La Vida de Rizal, réalisé en 1912 par un Américain, H. Brown, le premier parlant, The Witch (Ang Aswang, 1930), encore par un Américain, George P. Musser, la parenthèse de l’occupation japonaise, l’âge d’or des années 50, le déclin de 1960 à 1975, avant un second âge d’or. Suivent, Mike De Leon, sa vie en cinéma et la maison familiale, un résumé de la vie du réalisateur avec le rôle important qu’y tient la maison familiale, et un premier carnet de photos sur une dizaine de pages. Le chapitre 3 est consacré à une analyse, sur 16 pages, des huit films du coffret et le chapitre 4, Les pères de la nation, fait allusion à la figure du père dans le cinéma de Mike De Leon et à deux figures politiques, José Rizal et Ferdinand Marcos. Le livret se referme, après un second carnet de photos, sur une bibliographie, les synopsis et les fiches artistiques et techniques des films.

Mike De Leon - 8 films

Bonus - 3,5 / 5

Sur le disque 1 :

Making of Les Rites de mai (20’). Le film est le développement d’un court métrage expérimental. Le tournage a été effectué dans un temps compté et avec des moyens rudimentaires, ce que confirment les prises sur le plateau.

Portrait de l’artiste en Philippin (Nick Joaquino’s A Portrait of the Artist as Filipino, 1965, 1.33:1, noir et blanc, anglais, sous-titré, 111’, soigneusement restauré par L’Immagine Ritrovata à partir du négatif original sous la supervision de Mike De Leon). Adaptation, produite par Manuel De Leon, le père du cinéaste, de la pièce de Nick Joaquin, la plus importante oeuvre de théâtre philippin en langue anglaise. Le conflit, symbolisé par un tableau, entre deux soeurs, leur père, un peintre désargenté, et un locataire enjôleur dans le centre historique de Manille, en octobre 1941, avant que n’éclate la deuxième guerre mondiale. Un film qui compta aux Philippines, sélectionné pour six prix locaux en 1966 et une inspiration pour Mike De Leon.

Sur le disque 2 :

Making of C’était un rêve (23’, 16 mm, 1.33:1, couleur, anglais sous-titré, restauré). Impressions des acteurs sur leurs personnages et leur direction par le réalisateur, du directeur artistique sur le choix des couleurs, du compositeur. Des scènes de tournage montrent un caméraman accroché à la portière d’une coccinelle Volkswagen en marche sur des chemins de terre !

Signos (2008, 38’, 1.33:1, couleur, philippin et tagalog, sous-titré), documentaire en Super 8 réalisé par huit artistes, réalisateurs et journalistes en réaction à l’assassinat de Ninoy Aquino, un opposant au dictateur Ferdinand Marcos, coproduit, monté par Mike De Leon.

Kangkungan (2019, 5’, 1.78:1, couleur, philippin). Clip politique contre Rodrigo Duterte sous la présidence duquel furent assassinés des consommateurs présumés de drogue dans les quartiers pauvres.

Never Again (2016, 2’, 1.78:1, couleur, philippin). Clip politique contre Ferdinand Marcos Jr., candidat à la succession de son père.

Sur le disque 3 :

Making of Kakabakaba ka ba? (14’). Un aperçu, sur le mode humoristique, du tournage d’une « comédie sérieuse » opposant des yakuzas, des sicaires de triades à des musiciens pop et à des nonnes, vraies et fausses !

Sur le disque 5 :

Aliwan Paradise (1993, 29’, 1.85 1, double sous-titrage en anglais et français). Cette comédie noire, partie du film à sketches Southern Winds, dénonce l’obsession des Philippins pour toutes formes de divertissement qui tentent de faire oublier la pauvreté. Ressortie en court métrage séparé en 2022.

Mike De Leon - 8 films

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio d’origine de 1.85:1 (1.66:1 pour C’était un rêve), est, dans l’ensemble, d’une étonnante qualité, confirmant l’expertise de L’Immagine Ritrovata. Débarrassée des marques de dégradation de la pellicule, stable, lumineuse, agréablement contrastée, elle affiche des couleurs ravivées, réétalonnées sous le contrôle du réalisateur et, souvent, du chef-opérateur. La texture du 35 mm a été respectée avec un affinage du grain, parfois discret, par exemple pour Kisapmata, parfois plus poussé, par exemple pour Frisson. L’image de Citizen Jake, capturée par caméra numérique, affiche une définition plus poussée.

Mike De Leon - 8 films

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 ou 2.0 mono (5.1 pour Citizen Jake), très propre, avec un souffle à peine perceptible, un peu plus présent dans certaines séquences de Héros du Tiers-Monde, assure un bon équilibre entre dialogues, ambiance et accompagnement musical. Les dialogues sont clairs, avec un timbre un peu caverneux dans Le Paradis ne se partage pas.

Crédits images : ITIM (LES RITES DE MAI) © 1976 CINEMA ARTISTS PHILIPPINES. Tous droits réservés.
C’ÉTAIT UN RÊVE © 1977 ABS-CBN CORPORATION. Tous droits réservés.
KAKABAKABA KA BA? (FRISSON) © 1980 ABS-CBN CORPORATION. Tous droits réservés.
KISAPMATA © 1981 UNION BANK OF THE PHILIPPINES. Tous droits réservés.
BATCH ‘81 © 1982 MVP PICTURES. Tous droits réservés.
LE PARADIS NE SE PARTAGE PAS © 1985 ABS-CBN CORPORATION. Tous droits réservés.
HÉROS DU TIERS-MONDE © 1999 CINEMA ARTISTS PHILIPPINES. Tous droits réservés.
CITIZEN JAKE © 2018 CINEMA ARTISTS PHILIPPINES. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 27 juin 2023
Un plateau alléchant proposé par Carlotta Films pour susciter l'envie de découvrir, avec un éventail bariolé de huit films restaurés et un bon lot de bonus, Mike De Leon, un cinéaste philippin trop longtemps resté dans l’ombre de Lino Brocka.

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