Francisca (1981) : le test complet du Blu-ray

La complexité des relations amoureuses et amicales observées par Manoel de Oliveira dans le Portugal du milieu du XIXème siècle.

Dans les années 1850, au Portugal, l’écrivain Camilo Castelo Branco et son ami José Augusto de Pinto de Magalhães tombent amoureux des deux soeurs Owen, les filles d’un colonel. José Augusto est épris de Marie, mais il enlève une nuit Fanny, appelée aussi Francisca, celle dont Camilo était secrètement amoureux…

Francisca, sorti dans nos salles en novembre 1981 et ressorti le 12 juillet 2023, est l’adaptation du roman Fanny Owen publié en 1979 par Agustina Bessa-Luís, inspirée par l’histoire vraie de l’écrivain Camilo Castelo Branco et de son ami José Augusto Pinto de Magalhães. Sélectionné à Cannes par la Quinzaine des réalisateurs et à Venise, placé par les Cahiers du cinéma dans sa liste des dix Meilleurs films de l’année 1981. C’est le sixième long métrage de Manoel de Oliveira (1908-2015), qu’il réalise à 72 ans. Un des 65 films, courts et longs métrages qu’il réalisa au cours d’une carrière longue de 84 années, de 1931 à 2015. Il tourna son dernier long métrage, Gebo et l’ombre, à l’âge de 104 ans !

Francisca, l’histoire d’une passion atermoyée, assouvie, puis étouffée, un drame sur la complexité des relations sentimentales, est le dernier volet de sa tétralogie « des amours frustrées » comprenant Passé et présent (O Passado e o presente, 1972), Benilde ou la vierge mère (Benilde ou a virgem mãe, 1975) et Amour de perdition (Amor de perdição: memórias de uma família, 1978), l’adaptation d’un roman de Camilo Castelo Branco. « On gâche son talent avec les banalités amoureuses » : cette affirmation de Camilo donne la couleur de Francisca.

L’histoire de Francisca sert aussi de prétexte à l’observation de l’époque post-romantique, au milieu du XIXème siècle, en une période ressentie au Portugal comme celle d’un déclin, après que le Brésil eût proclamé son indépendance en 1822. Elle brosse sans complaisance le portrait d’une aristocratie ou d’une bourgeoisie raffinée, mais désabusée, arrogante, blasée, allant à l’opéra pour être vue, « n’attendant rien de la vie », portant un regard condescendant sur les domestiques et les paysans, « des gens rudes, envieux, misérables, fainéants, qui réclament tout le temps ».

Sur un scénario de Manoel de Oliveira, Francisca se déroule dans l’ordre chronologique, en une suite de courts tableaux savamment cadrés en plans fixes, introduits par un texte indiquant la situation des personnages.

S’il n’est pas le film à choisir pour aborder l’oeuvre du cinéaste, Francisca, par la beauté de ses éclairages et de nombreux clairs-obscurs, de ses décors et costumes, envoûte aussi par la poésie de ses dialogues.

Dans le rôle-titre, Teresa Menezes qui ne tint que deux rôles au cinéma, celui de Francisca puis celui de Vénus dans un autre film de Manoel de Oliveira, Non, ou la vaine gloire de commander (‘Non’, ou a vã glória de mandar, 1990). On reverra Diogo Dória, choisi pour interpréter José Augusto, dans sept autres longs métrages du réalisateur. Mário Barroso tient, avec celui de Camilo Castelo Branco, son premier rôle, avant de se faire surtout connaître comme chef-opérateur de 75 téléfilms, séries et longs métrages, notamment de deux films de Manoel de Oliveira, Les Cannibales (Os Canibais, 1988) et Val Abraham (Vale Abraão, 1993) et de l’insolite La Comédie de Dieu (A Comédia de Deus, João César Monteiro, 1995). Il produira une vingtaine de longs métrages de Manoel de Oliveira.

Francisca (167 minutes) et ses suppléments (18 minutes) sont supportés par un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans un Digipack à deux volets.

Le menu propose le film dans sa version originale, en portugais, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Sous-titres anglais disponibles.

Entretiens avec Mário Barroso et Paulo Branco (Épicentre Films, 1923, en français, 16’). Mário Barroso et le producteur Paulo Branco disent comment ils ont rencontré Manoel de Oliveira. La sélection par la Quinzaine des réalisateurs et à la Mostra de Venise a favorisé l’accueil de Francisca par la critique et le public. Il attira 100 000 entrées au Portugal. Mário Barroso se souvient de la longueur des dialogues et de la précision de la mise en scène exigée par le cinéaste.

Bande-annonce (1’34”).

Biofilmographie de Manoel de Oliveira, courte biographie en une dizaine de lignes et filmographie sélective (31 films) avec titres uniquement indiqués en français.

Galerie de photos, une douzaine.

Bandes-annonces de trois autres éditions Épicentre Films : L’Ombre de Goya par Jean-Claude Carrière, un documentaire de José Luis López-Linares (2022), et de deux films de Manoel de Oliveira, Visite ou Mémoires et Confessions (Visita ou memórias e confissões, 1993), et Gebo et l’ombre (2012).

L’image 1080p, AVC, au ratio d’origine 1.66:1, après une restauration 4K par la Cinémathèque portugaise à partir du négatif caméra original 35 mm, très propre, déploie une palette de couleurs chaudes, saturées et fermement contrastées, mettant en valeur la beauté des éclairages, décors et costumes dans les scènes d’intérieur, mais aussi des paysages, particulièrement pittoresques dans une scène avec un rabelo, cette fine barque qui servait au transport du vin sur le Douro. Les noirs, très denses, peuvent occasionnellement avoir tendance à se boucher. Le grain du 35 mm a été soigneusement préservé.

Le son mono d’origine, réencodé au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono, bien nettoyé par une restauration qui n’a épargné qu’un léger souffle, restitue très clairement les dialogues. Une bonne dynamique et une large ouverture de la bande passante donnent une belle ampleur à la partition avant-gardiste de João Paes qui a collaboré une dizaine de fois avec Manoel de Oliveira.

Crédits images : © V.O. Filmes