Vendredi 13 (1940) : le test complet du Blu-ray

Black Friday

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Arthur Lubin
Avec Boris Karloff, Bela Lugosi et Stanley Ridges

Édité par Elephant Films

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Le 10/09/2020
Critique

Savoureux mélange de film fantastique et de film noir policier avec Karloff et Lugosi, au scénario signé Kurt Siodmak.

Vendredi 13

USA 1940. Le neurochirurgien Sovac, juste avant d’être exécuté sur la chaise électrique, confie ses mémoires manuscrits à un journaliste dans l’espoir qu’ils puissent servir à la science. Comment en est-il arrivé là ? Quelques mois plus tôt, un vendredi 13, il avait sauvé de la mort son ami Kingsley, professeur de lettres anglaises, victime collatérale d’une rixe criminelle survenue dans la petite ville universitaire de Newcastle, en lui greffant le cerveau de Cannon, dangereux chef de gang. Le corps de Kingsley devient progressivement possédé par l’esprit de Cannon qui veut récupérer un trésor et se venger de ses anciens complices. Sovac favorise ce projet en l’invitant à passer quelques jours à New York, dans l’ancien hôtel où vivait le criminel.

Vendredi 13 (Black Friday, USA 1940) de Arthur Lubin réunit pour la cinquième fois, dans une production fantastique Universal, les acteurs Bela Lugosi et Boris Karloff. Ils avaient déjà joué ensemble dans Le Chat noir (USA 1934) d’Edgar G. Ulmer, Le Corbeau (USA 1935) de Louis Friedlander, Le Rayon invisible (USA 1936) de Lambert Hillyer, Le Fils de Frankenstein (USA 1939) de Rowland V. Lee.

Le casting ne confère en 1940 qu’un troisième rôle de gangster à Lugosi tandis que Karloff, excellent d’un bout à l’autre en savant fou ― il en incarne un autre, très différent mais tout aussi remarquable, la même année dans Le Singe tueur (The Ape, USA 1940) de William Nigh ― et tout du long d’une inquiétante sobriété, tient la vedette. Lugosi devait jouer le rôle du médecin que Curt Siodmak avait spécifiquement écrit à son attention et Karloff devait jouer le double-rôle professeur de lettres / gangster mais Karloff le jugea inadapté à son style. Par ailleurs, on rapporte que Karloff, assez soucieux des critiques élogieuses reçues par Lugosi dans Le Fils de Frankenstein, n’acceptait plus de jouer en sa compagnie qu’à condition de tenir la vedette : ce qui expliquerait alors les rôles mineurs de Lugosi lors de leurs quelques autres rencontres cinématographiques, de 1940 à 1945. Toujours est-il que la production, incapable d’imaginer Lugosi en professeur de littérature anglaise en raison de son accent hongrois, lui confia un « troisième » rôle, celui du second chef de gang ― dont il s’acquitte évidemment très bien ― alors que le professeur possédé par l’esprit du premier chef de gang (vous me suivez ?) était interprété par Stanley Ridges. Peu connu chez nous mais bon acteur, Ridges devenait de facto le second rôle aux dépens de Lugosi. Ce déséquilibre Karloff / Lugosi consommé, la pente descendante de la carrière de Lugosi était accentuée d’un cran. Lugosi prendra cependant sa revanche dès l’année suivante, en tenant un remarquable double-rôle en vedette dans la production Monogram du Le Fantôme invisible (USA 1941) de Joseph H. Lewis.

Vendredi 13

Ces contingences n’empêchent pas ce Vendredi 13 d’être intéressant. Écrit par Kurt (Curt) Siodmak et Eric Taylor, on y retrouve le thème principal de Kurt Siodmak, à savoir celui du dédoublement de personnalité, dédoublement ici intelligemment doublé d’un structurel dédoublement du genre : policier / fantastique. La construction temporelle du script de Siodmak, s’ouvrant par une saisissante séquence d’exécution enclenchant intelligemment une structure en « flash-back », est, en outre assez sophistiquée. Trois ans plus tard, Kurt Siodmak reprendra d’ailleurs l’idée du mélange des genres pour l’excellent Le Fils de Dracula (USA 1943) réalisé par son frère Robert Siodmak. De tels alliages existaient déjà antérieurement : qu’on se souvienne de la production Warner Le Mort qui marche (USA 1936 au titre original américain The Walking Dead strictement identique à celui de la récente série TV mais sans aucun rapport scénaristique) de Michael Curtiz, (avec Karloff en vedette) qui alliait film noir policier, fantastique et science-fiction ! Ils ne cesseront pas durant toute la décennie 1940-1950 : voir par exemple L’Evadé de l’enfer (Angel on my Shoulder, USA 1946) d’Archie Mayo.

Le cinéaste Arthur Lubin n’a certes pas le talent parfois baroque et inspiré de Curtiz ni même la verve brillante de Mayo mais c’est un honorable artisan qui livre avec ce Vendredi 13 le premier titre de sa filmographie fantastique sélective. Qu’on examine le remarquable et dynamique découpage de la scène d’ouverture : en quelques plans, savamment alternés de brefs travellings, on est immergé dans un film noir impressionnant sans savoir qu’il va bientôt virer au fantastique. La mise en scène est efficace et intelligente. Peut-être Arthur Lubin donne-t-il ici d’emblée le meilleur de lui-même dans ce genre, tout compte fait ? Par la suite, en effet, ni son Le Fantôme de l’opéra (USA 1943, version inférieure à celles de 1925 et 1962) ni son Voleur de Bagdad (USA-Ital. 1960, version inférieure à celles de 1924 et de 1939) ne laissent de souvenirs impérissables. Bien sûr, on doit reprocher à Lubin d’avoir accepté de reléguer Lugosi dans un troisième rôle; on peut également lui reprocher d’avoir relégué l’actrice Anne Gwynne dans un rôle subalterne derrière l’assez pâlotte Anne Nagel : ces absurdités de casting sont foncièrement inexcusables. Pourtant, Vendredi 13 mérite vraiment d’être (re)découvert, à commencer par ceux ― et ils sont nombreux ! ― qui veulent visionner la totalité de la filmographie fantastique classique de Karloff et la totalité de celle de Lugosi.

Vendredi 13

Présentation - 4,0 / 5

1 Combo Blu-ray + DVD, jaquette réversible (jaquette 2020 d’un côté, affiche 1940 de l’autre), édité par Eléphant Films le 18 août 2020. Image N&B Full HD (sur Blu-ray) au format 1.37 compatible 16/9, 1920 x 1080p AVC (sur Blu-ray). Son VOSTF en DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) ou Dolby Digital 2.0 (sur DVD). Durée du film 70 min. environ (sur Blu-ray) ou 67 min. environ (sur DVD). Livret 16 pages : les photos du film par Alain Petit. Suppléments : présentation par Nicolas Stanzick, galerie photos, bandes-annonces.

Livret de photos présentées par Alain Petit. (20 pages, couleurs + N&B) Intéressant florilège pictural rassemblant des affiches, des photos de tournage, des photos de plateau, une ou deux lobby cards colorisées. Les photos sont, pour leur part, parfois N&B, parfois monochromes teintées. Petit brosse en moins de deux pages et très clairement la genèse du titre, sa production, son tournage et sa distribution. Selon lui c’est Karloff qui voulut modifier le casting et le studio Universal accepta, aux dépens de Lugosi qui s’inclina contraint et forcé. Les documents font parfois un peu double-emploi avec ceux présentés par Stanzick en vidéo mais abondance de biens (même dédoublés) ne nuit jamais.

Vendredi 13

Bonus - 4,0 / 5

Présentation du film par Nicolas Stanzick (2020, N&B + couleurs, durée 15 min. environ) : situation du titre dans l’histoire du cinéma fantastique, dans celle de la Universal, dans la carrière du cinéaste Arthur Lubin et dans celle des deux stars Bela Lugosi et Boris Karloff. Excellente analyse thématique (l’idée que le dédoublement vampirise non seulement les personnages mais encore la structure même du film) et esthétique (le moment bien repéré où la mise en scène de Lubin fait basculer Karloff du genre fantastique au genre policier), s’appuyant régulièrement sur les données les plus assurées de l’histoire du cinéma. Élocution claire et pas trop rapide : agréable à écouter. Nombreuses illustrations d’époque : une bonne trentaine d’affiches couleurs bien sélectionnées, des photos N&B de plateau, de tournage, de presse. L’ensemble est bien monté et bien filmé par Erwan Le Gac.

Bandes-annonces de films fantastiques édités par Eléphant : on doit les diviser en deux sections, les films-annonces d’époque et ceux montés par Eléphant aujourd’hui.

A la première catégorie, appartiennent celles de Double assassinat dans la rue Morgue (Murders in the Rue Morgue, USA 1931) de Robert Florey en VOSTF, L’Île du docteur Moreau (Island of Lost Souls, USA 1932) de Erle C. Kenton en VOSTF, Vendredi 13, Night Monster (USA 1942) de Ford Beebe en VOSTF, L’Homme aux mille visages (USA 1957) de Joseph Pevney en VF d’époque et format 2.35 Scope N&B. Ce sont des documents d’histoire du cinéma. État argentique et vidéo très inégal.

A la seconde catégorie, appartiennent celles de Le Chat noir, Le Corbeau et de Le Château de la terreur (The Strange Door, USA 1951) de Joseph Pevney. Elles ne sont pas les films-annonces originaux argentiques mais de simples montages vidéo réalisés par Eléphant, raison pour laquelle leur état technique est impeccable puisqu’elles ont été montées à partir des master Full HD actuels.

Galerie affiches et photos : une dizaine d’images : deux ou trois lobby-cards colorisées, quelques photos N&B numérotées de plateau et de tournage mais aucun jeu complet (je rappelle qu’un jeu complet de lobby card comporte, par exemple, 8 photos aux USA). Excellente définition des photos N&B.

Bonne édition spéciale. Si on souhaite monter d’un cran et visionner une véritable édition collector ― si et seulement si on est anglophone ― il faut, pour l’instant, se tourner vers l’édition Blu-ray américaine Shout Factory sortie en juin 2019.

Vendredi 13

Image - 4,0 / 5

Format 1.37 N&B compatible 16/9, Full HD sur Blu-ray. Copie argentique en très bon état : probablement celle restaurée et numérisée à partir du nouveau scan 2K effectué aux USA pour l’édition Shout Factory sortie en 2019. Image vidéo globalement bonne, sauf un ou deux plans en état moyen. Il faut dire qu’aux USA, ce titre est un classique vidéo régulièrement réédité en single comme en coffret puisqu’il appartient au catalogue historique fantastique de la Universal. L’ensemble est techniquement bon et devient dorénavant l’édition française de référence en Full HD.

Son - 4,0 / 5

VOSTF mono DTS-HD Dual Mono 2.0 (sur Blu-ray) et Dolby Digital Dual Mono (sur DVD) bien reportés : dialogues, musique et effets sonores sont nets et dynamiques. Même cas de figure pour Vendredi 13 que pour Le Corbeau : aucune VF d’époque proposée (bien que le film soit sorti en France, très probablement assorti d’une VF, comme la majorité ― mais, il est vrai, pas la totalité ― des films étrangers sortis en 1930-1945). Si Universal l’a égarée, on ne peut blâmer Eléphant de ne pas la retrouver mais on aimerait en avoir le coeur net. Il est, d’autre part, clair que Lugosi se savoure en VO et Karloff aussi : bien que la diction de ce dernier soit plus discrète, elle est ici très efficace. STF corrects sauf à la 14ème minute (minutage du Blu-ray) où il faut lire non pas « Tu as eu ton content (sic) de repos et de silence » mais : Tu as eu ton comptant (ou ton compte) de repos et de silence.

Crédits images : © Eléphant Films

Configuration de test
  • Téléviseur 4K LG Oled C7T 65" Dolby Vision
  • Panasonic BD60
  • Ampli Sony
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francis moury
Le 11 septembre 2020
Savoureux mélange de film fantastique et de film noir policier avec Karloff et Lugosi, au scénario signé Kurt Siodmak.

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Vendredi 13
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