Réalisé par Bernard Girard
Avec
Alfred Hitchcock, Robert Redford et Jeffrey Hunter
Édité par Elephant Films
Elephant Films a réussi son pari : éditer en France l’ensemble de la série TV (SAGA(hitchcock_presente)) (1955 à 1965) déjà édité aux USA en DVD par Universal. Elle comporte 7 premières saisons d’épisodes de 30 minutes (25 minutes sans les publicités) tournées de 1955 à 1962 = 268 histoires (268 seulement car la quatrième saison ne comportait que 36 histoires au lieu de 39) et 3 saisons d’épisodes de 60 minutes (environ 50 ou 52 minutes sans les publicités) tournées de 1962 à 1965 = 93 histoires donc au total 361 histoires relevant de la série noire policière dont toutes les tonalités (y compris la comédie policière ou la terreur, voire la parabole et même le fantastique) sont exploitées, servies par des cinéastes réputés et d’autres moins connus mais très honorables, servies aussi par un casting comprenant les plus grandes vedettes de la période mais aussi des acteurs moins connus mais pourtant excellents.
Ces 3 dernières saisons de 1962 à 1965 sont nommées Alfred Hitchcock présente : les Inédits (The Alfred Hitchcock Hour) en raison de la durée d’une heure des 93 téléfilms qui la composent (concernant leur appellation américaine), en raison aussi du fait que la très grands majorité de ces histoires était inédite en France jusqu’à présent. L’ensemble est passionnant, historiquement comme esthétiquement.
Voici la critique de l’intégralité des 32 épisodes de cette saison 1.
Ils sont numérotés par l’éditeur dans leur ordre chronologique de présentation télévisée, ce qui donne à l’ensemble une remarquable valeur d’histoire du cinéma. Précisons à nouveau que certains titres (peu nombreux) ne sont pas inédits puisqu’ils sont dotés d’une VF d’époque et d’un titre d’exploitation TV français, ce dernier étant mentionné, lorsqu’il existe, avant le titre original américain. Mais il s’agit, encore une fois, d’une infime minorité de titres. La majorité, à savoir les titres présentés seulement en VOSTF, était bel et bien inédite chez nous. Le n° de la saison précède le n° de l’épisode, suivi de son titre américain (de son titre français entre crochets lorsqu’il fut télédiffusé chez nous), des noms du réalisateur, du scénariste et / ou de l’écrivain adapté, celui des vedettes masculines et féminines, suivis d’une notice historique et critique.
SAISON 1, VOLUME 1 (septembre 1962 à janvier 1963)
1.01 - A Piece of the Action (20 septembre 1962
VOSTF) de Bernard Girard avec Robert Redford, Gig Young,
Martha Hyer, Gene Evans, etc. L’épouse d’un joueur
professionnel lui demande de cesser son activité au moment où
son frère cadet veut prendre sa place. Il décide de l’en
décourager. Scénario de Oliver H.P. Barrett, inspiré par celui
du La Rue de la chance (1930) de John Cromwell d’une
part, aussi par L’Arnaqueur (1961) de Robert Rossen qui
avait dépeint tout récemment le milieu des joueurs
professionnels. Redford avait débuté à la TV en 1960. Il a ici
le second rôle derrière Gig Young ; tous deux sont excellents.
On comprend en outre ici pourquoi l’actrice Martha Hyer avait
fasciné le cinéaste R. W. Fassbinder au point qu’il ait tourné
un film auquel il donna son prénom comme titre. Bernard
Girard, dont la mise en scène est solide, s’est essayé au
cinéma fantastique dans A Name For Evil (1973) avec
Robert Culp et Samantha Eggar. Le casting est composé de
quatre acteurs principaux : deux étaient emblématiques des
années 1950 (Martha Hyer et Gene Evans) et deux le seront des
années 1960-1975 (Robert Redford, Gig Young).
1.02 -
Chez les fous (Don’t Look Behind You) (VF/VOSTF) de
John Brahm, scénario de Barré Lyndon d’après une histoire de
Samuel Rogers, avec Jeffrey Hunter, Vera Miles, Abraham
Sofaer, Dick Sargent, etc. Deux jeunes filles sont assassinées
dans un parc jouxtant un campus universitaire. On suspecte un
professeur de musique et un professeur de chimie. Un
professeur de psychopathologie décide d’utiliser sa fiancée
Daphné comme appât pour découvrir la véritable identité du
tueur. Réalisé par un cinéaste à qui on devait déjà des
classiques du cinéma fantastique américain des années
1940-1950 (The Lodger (Jack l’éventreur) en 1944,
Hangover Square en 1945, the Mad Magician en
1954) et une dizaine d’épisodes de Alfred Hitchock
presents entre 1959 et 1961. Le scénario instaure déjà les
éléments thématiques de séries cinéma telles que
Halloween, Vendredi 13 et Scream que la
critique contemporaine dénomme « slashers ». En réalité, l’air
du temps s’y prêtait puisque la même année, Mario Bava
adaptait au cinéma le genre littéraire du « giallo » grâce à
La Fille qui en savait trop, bientôt suivi par Six
femmes pour l’assassin. Brahm retravaille de l’intérieur
le mythe de Jack l’éventreur, s’intéressant à une étrange
contamination du psychologue par sa propre matière, la
psychopathologie. L’ensemble est fascinant, On a reproché à
cet épisode son manque relatif de suspense : c’est au
contraire un des plus rigoureux et des mieux écrits, sans
parler de l’interprétation, de haute volée et comme toujours
parfaite dans cette série. Du point de vue de l’histoire du
cinéma fantastique, le personnage de Dave, musicien inquiétant
qui fascine les jeunes femmes lorsqu’il joue du piano, a
peut-être bien inspiré le personnage du vampire pianiste dans
Le Baiser du vampire produit l’année suivante en
Angleterre en 1963 par la Hammer Films. Dick Sargent qui
interprète le rôle est excellent. Vera Miles est à nouveau
photographiée par John Russel, comme elle l’avait été dans
Psychose en 1960. Gordon Hessler, lecteur et producteur
exécutif de nombreux épisodes de The Alfred Hitchcock
Hour, passera au cinéma comme réalisateur en 1965 avec
Catacombs, son premier film noir à tendance fantastique
avant ses deux chefs-d’oeuvre Scream and Scream Again
(Lâchez les monstres) (1969) et The Oblong Box (Le
Cercueil vivant) (1970). La voix française de Hitchcock
est doublée avec un ridicule accent anglais qui rend
insupportable ses apparitions dans la VF d’époque. Le reste du
doublage est excellent, avec des voix de première classe, y
compris Vera Miles doublée par la voix française de Marilyn
Monroe, reconnaissable entre mille et qui lui convenait si
bien.
1.03 - Night of the Owl (1962 VOSTF) de A.
Crosland Jr. scénario de Richard Fielder d’après une histoire
de Andrew Garve, avec Brian Keith, Patricia Breslin, Mike
Kellin, Philip Coolidge, etc. Un truand exerce un chantage
envers les parents adoptifs d’une jeune fille à laquelle il
est apparenté. Le réalisateur a signé 16 épisodes de la série
antérieure Alfred Hitchcock présente. Scénario original
maintenant une tension constante, fondé sur le thème tragique
de la révélation des origines. Patricia Breslin et Brian Keith
remarquables tous les deux, Mike Kellin diabolique et très
inquiétant en dégénéré névrosé. Mise en scène en revanche
assez standardisée mais maintenant néanmoins bien le
suspense.
1.04 - J’ai tout vu (I Saw the Whole
Thing) (VF+VOSTF) 1962 de A. Hitchcock, scénario de Henry
Slesar d’après une histoire de Henry Cecil, avec John
Forsythe, Ken Smith, Evans Evans, etc. Un accident de voiture
meurtrier, causé par un écrivain de romans policiers, donne
matière à un procès au cours duquel l’accusé décide de réfuter
lui-même chaque témoin : il a une bonne raison pour agir
ainsi. L’unique épisode de The Alfred Hitchcock Hour
réalisé par le maître lui-même, intéressé par un scénario
adapté d’une histoire originale de Henry Cecil (l’auteur de
Le Crampon, éditions Gallimard, collection série
noire-NRF, traduction française Paris 1968) dont la structure
est celle du classique japonais Rashomon d’Akira
Kurosawa, à savoir une histoire racontée par plusieurs témoins
dont les récits modifient à chaque fois le sens de l’action et
faisant rebondir le suspense. Le « final twist » (retournement
final) est une très belle idée. John Forsythe sera en 1966
l’un des protagonistes américains du Topaz (L’Etau)
d’Alfred Hitchcock.
1.05 - Le Traquenard (Captive
Audience) (VF+VOSTF) de Alf Kjellin, scénario de William
Link et Richard Levinson d’après un roman de John Bingham,
avec Angie Dickinson, James Mason, Arnold Moss, Ed Nelson,
etc. Un écrivain adresse à son éditeur d’étranges
enregistrements lui expliquant l’intrigue de son prochain
roman autobiographique… à moins qu’il ne s’agisse de la
confession d’un crime sur le point de se produire ? Scénario
alambiqué et invraisemblable, à peine sauvé par le plan final
qui fait basculer l’ensemble dans la folie. Le casting est en
revanche savoureux : une star confirmée des années 1940-1950
(James Mason qui surjoue ici d’une manière assez inhabituelle)
opposé à une starlette montante (Angie Dickinson) à l’érotisme
toujours aussi ravageur. Un tel casting signale d’emblée
l’impact publicitaire de la série auprès du grand public de
l’époque. Quelques effets spéciaux photographiques bien
réalisés alternent avec des plans au classicisme hollywoodien
raffiné.
1.06 - Final Vow (VOSTF) de Norman Lloyd,
scénario de Henry Slesar d’après son histoire, avec Carol
Lynley, Clu Galager, Don Hanmer, Carmen Phillips, etc. Deux
bonnes soeurs se font dérober dans une gare de chemin de fer,
une statuette religieuse qu’un gangster repenti voulait offrir
à une troisième soeur à l’agonie. L’une d’elles décide de la
récupérer… coûte que coûte ! Les thèmes alliés de la foi
catholique et de la culpabilité face au mal étaient déjà le
coeur du scénario d’un des films cinéma d’Hitchcock les plus
célèbres : I Confess (La Loi du silence) (1953). On
les retrouve évidemment ici mais l’épisode vaut surtout par
l’interprétation de Carol Linley et celle de Clu Galager. La
surprise partie populaire et son érotisme agressif valent
aussi le détour. La chute, avec son effet de circularité, est
intelligente et bien exploitée. Lloyd était un des producteurs
exécutifs de la série, ici passé à la réalisation.
1.07 -
Annabelle (Annabel) (VF+VOSTF) de Paul Henreid,
scénario Robert Bloch d’après un roman de Patricia Highsmith,
avec Dean Stockwell, Susan Oliver, Kathleen Nolan, Gary
Cockrell, etc. Un jeune chimiste est amoureux fou -
l’expression étant à prendre aux deux sens du terme - d’une
femme mariée. Le chaînon intermédiaire, pour le spectateur
français cinéphile, entre le roman de Patricia Highsmith
This Sweet Sickness paru en 1960 (traduit en français
en 1966 sous le titre Ce mal étrange) et sa remarquable
adaptation cinéma Dites-lui que je l’aime (Fr. 1977) de
Claude Miller, film noir français qui avait été un succès
critique mais un échec commercial. Dans ce moyen métrage de
Henreid comme dans le long métrage de Miller, l’adaptation
prend certaines libertés avec le matériel littéraire
d’origine. Robert Bloch en a ici tiré une sorte de conte
macabre acide alors que le scénario de Miller sera un drame
psychologique fouillé, pathétique puis tragique. L’acteur et
cinéaste Paul Henreid dont la bio-filmographie viennoise puis
hollywoodienne est loin de se limiter à un second rôle dans
Casablanca (1942), avait notamment contribué au film
noir américain avec son extraordinaire interprétation
psychanalytique et faustienne à la fois, en vedette dans Le
Balafré (Hollow Triumph, 1945) de Steve Sekely. Bien que
cet épisode appartienne à la série TV The Alfred Hitchcok
Hour, le mot Hour est curieusement absent du
générique d’ouverture. Enfin, notons que Henreid avait déjà
réalisé plusieurs épisodes, à partir de 1957, de la précédente
série TV Alfred Hitchcock presents.
1.08 -
HouseGuest (VOSTF) de A. Crosland Jr., scénario de H.
Slesar et M. Brandell d’après un roman original de A. Garve,
avec MacDonald Carey, Adele Mara, Robert Sterling, etc. Un
homme sauve de la noyade le petit garçon d’un couple dirigeant
une école privée californienne. Le sauveteur, devenu invité
d’honneur, se présente comme un ancien aviateur de l’US
Airforce mais il s’avère être en réalité un diabolique
maître-chanteur. Scénario cauchemardesque, un peu
invraisemblable mais traité à un rythme haletant qui ne laisse
pas au spectateur le temps de se poser de questions. Bonne
mise en scène, fine et dynamique à la fois, direction photo
honorable prenant le temps de soigner certains plans. De
l’ensemble des acteurs, tous bons, se détache McDonald Carey,
excellent d’un bout à l’autre.
1.09 - The Black
Curtain (VOSTF) de Sidney Pollack, scénario de J. Murcott
d’après une histoire de Cornell Woolrich, avec Richard
Basehart, Lola Albright, Harold J. Stone, etc. Un homme
agressé par deux voyous dans une rue nocturne de New York
s’avère amnésique. Il a oublié trois années de sa vie,
obscurcies par un « rideau noir » mental. Déchirer ce rideau
pourrait cependant lui être fatal. Pollack, pas encore l’un
des réalisateurs les plus en vue des années 1970, a également
réalisé l’épisode 1.22 de cette première saison : sa mise en
scène est ici aérée, riche, ample, aisée, directe, dynamique.
Cornell Woolrich (alias « William Irish ») est l’un des plus
grands écrivains de série noire américaine du vingtième
siècle, il a également touché au fantastique et à la
criminalité psychopathologique (par exemple son roman
L’Homme léopard adapté par Jacques Tourneur en 1943).
Le scénario est, hélas, invraisemblable, convenue et
emberlificotée : on ne croit que très peu aux personnages en
dépit des acteurs, tous excellents y compris James Farentino
dans un petit rôle de jeune voyou. Lola Albright est
relativement méconnaissable car mal habillée et mal
coiffée.
1.10 - L’Autre homme (Day of Reckoning)
(VF+VOSTF) de Jerry Hopper, scénario de W. Link et R. Levinson
d’après une histoire de John Garden, avec Barry Sullivan,
Louis Hayward, Claude Akins, Dee Hartford, etc. Un homme
jaloux, persuadé que son épouse a une liaison, la tue durant
une croisière privée. L’enquête le lave de tout soupçon mais
il décide pourtant d’avouer afin de soulager sa conscience :
c’est alors que ses véritables ennuis commencent. Intéressant
et original scénario, bien écrit et tenant compte des
spécificités du droit américain d’une manière rigoureuse, bien
joué (Barry Sullivan est, comme d’habitude, remarquable), bien
mis en scène, très bien photographié par John Russel,
notamment les plans nocturnes épurés du début. VF d’époque
soignée mais il faut augmenter nettement son niveau sonore
pour l’entendre distinctement, par rapport à celui de la piste
originale VOSTF. Hopper avait réalisé dans les années 1950 des
séries B pour le cinéma (films noirs, westerns, espionnage,
aventures) avant de travailler pour la télévision à laquelle
il consacra ensuite toute sa carrière, signant de multiples
épisodes de séries américaines des années 1960 à 1975 (Les
Incorruptibles, Le Fugitif, Voyage au fond des mers, Le
Virginien, La Famille Adams, etc.). Du fait du succès
vidéo des séries TV chez nous, la seconde partie de sa
carrière devient progressivement plus accessible que la
première partie qui pourrait pourtant réserver des surprises
intéressantes (on pense à son Naked Alibi (Alibi
meurtrier) de 1954 avec Gloria Grahame, Sterling Hayden,
Gene Barrry… rien que le casting donne envie de le
découvrir).
1.11 - Ride the Nightmare (VOSTF) de
Bernard Girard, scénario de Richard Matheson d’après sa propre
histoire (et non pas de R. Link et W. Levinson d’après
Matheson, comme indiqué par erreur ans le dossier de presse),
avec Gena Rowlands, Hugh O’Brian, John Anderson, Jay Lanin,
etc. Un ancien gangster reçoit un appel téléphonique lui
assurant que faute d’argent, il sera assassiné le soir-même.
Sa jolie femme, qui ignore tout de son passé, le conjure
d’appeler la police mais elle comprend vite que cela ne
servirait pas à grand chose. Remarquable premier quart de
l’épisode, photographié dans un magnifique clair-obscur
contrasté digne des classiques du film noir américain, très
bien joué par Gena Rowlands. Ensuite, les trois quarts
suivants sont convenus et décevants sur tous les plans,
surtout de la part d’un script signé Matheson. La présentation
de Hitchcock - sans aucun rapport avec l’épisode et son
histoire - est curieusement prémonitoire de l’état actuel du
marché immobilier parisien.
1.12 - Hangover (VOSTF)
de Bernard Girard, scénario de Lou Rambeau d’après des
histoires de J.D. McDonald et C. Runyon, avec Tony Randall,
Jane Mansfield, June Levant, Robert P. Lieb, Myron Healey,
etc. Un publicitaire alcoolique découvre au petit matin une
chaleureuse barmaid dans son salon, en train de prendre son
petit-déjeuner. Il se souvient juste qu’il s’était disputé le
matin précédent avec son épouse qui le menaçait de le quitter.
Que s’est-il passé entre-temps ? Son cerveau abruti
reconstitue progressivement, à mesure qu’il rencontre des
témoins de sa journée antérieure, une chronologie qui s’avère
meurtrière. Structure par retours en arrière, certes classique
mais remarquablement écrite et réalisée. Excellente
interprétation générale notamment de l’acteur Tony Randall. Le
bonus suprême étant la présence de Jane Mansfield en barmaid
sexy jouant (très bien) un personnage de fille sincère,
primesautière mais réaliste qui aurait pu être écrit pour la
Shirley McLaine de La Garçonnière ou la Kim Novak de
Embrasse-moi, idiot !.
1.13 - Bonfire
(VOSTF) de Joseph Pevney,scénario de W. D. Gordon et A. Hayes
d’après une histoire de V.S. Pritchett, avec Peter Falk, Dina
Merrill, Patricia Collinge, Paul von Schreiber, etc. Une jeune
femme emménage dans la maison de sa tante qui a été tuée par
un prédicateur criminel : elle pourrait devenir sa seconde
victime. Peter Falk (avant qu’il devienne célèbre dans le rôle
de l’inspecteur Columbo à la TV américaine puis mondiale)
tient un rôle inspiré - qu’il surjoue et dans lequel il est
très étonnant - par celui que jouait Robert Mitchum en 1955
dans La Nuit du chasseur. Le fait qu’il se nomme
« Robert Evans » est certainement une « private joke » (une
plaisanterie à usage interne) à l’encontre du véritable Robert
Evans qui présentait L’Homme aux mille visages (1957)
de Pevney et qui devait devenir, une fois mis un terme à sa
carrière d’acteur, producteur à la Paramount, y compris sur
Le Parrain de Francis Ford Coppola.
1.14 - The
Tender Poisoner (VOSTF décembre 1962) de Leonard J. Horn,
scénario de Lucas Heller d’après un roman de John Bingham,
avec Howard Duff, Jan Sterling, Phillip Reed, Dan Dailey, etc.
Un homme marié décide d’empoisonner son épouse, pensant
qu’elle ne supportera pas sa nouvelle liaison mais il commet
l’erreur de présenter sa maîtresse à son meilleur ami. Un
épisode en forme de comédie dramatique acide, durant lequel
aucun des protagoniste ne parvient à envisager la réalité
telle qu’elle est vraiment, sauf le héros passif puis
franchement négatif joué par Duff. Rebondissement final
inattendu, dramatiquement puissant mais assez invraisemblable.
Duff (époux d’Ida Lupino et ancien amant d’Ava Gardner) avait
été l’un des prisonniers filmés par Jules Dassin dans Les
Démons de la liberté (1948), son premier grand rôle
hollywoodien : il est ici, comme toujours, excellent acteur.
Le réalisateur L. J. Horn qui avait débuté en réalisant un
épisode de la série Alfred Hitchcock presents, fut
ensuite un prolifique cinéastes de séries TV (Le
Fugitif, Voyage au fond des mers, Mission :
impossible, Mannix, L’Homme de fer, etc.)
des années 1960 à 1975.
1.15 - The Thirty-First of
February (VOSTF 4 janvier 1963) de A. Kjellin, scénario de
Richard Matheson (sous le pseudonyme de « Logan Swanson »)
d’après une histoire originale de Julian Symons, avec David
Wayne, William Conrad, Elizabeth Allen, etc. Un publicitaire
veuf - doté d’antécédents psychotiques - dont la femme est
reconnue morte accidentellement à la suite d’une chute dans
l’escalier de leur cave, est progressivement persécuté par un
anonyme qui l’accuse d’avoir maquillé un meurtre en accident.
Qu’en est-il vraiment ? Diabolique scénario - qui maintient le
suspense intact jusqu’à la fin - écrit par Richard Matheson,
adapté d’un roman de Julyan Simons. Dernier épisode de l’année
1962 de cette première saison. Casting intéressant : David
Wayne (sans lien de parenté avec John Wayne) avait repris le
rôle de Peter Lorre dans le remake du M de Fritz Lang,
réalisé par Joseph Losey en 1951 : il est excellent en névrosé
amené progressivement à la folie totale. William Conrad était
l’un des deux tueurs au visages de brutes qui ouvraient le
classique film noir policier The Killers (Les Tueurs)
(1946) de Robert Siodmak, avant d’incarner l’inspecteur Cannon
dans la série TV homonyme entre 1970 et 1975. La belle brune
Elizabeth Allen a surtout travaillé pour la TV entre les
années 1960 et 1980 ; au cinéma, elle est bientôt au générique
de deux classiques signés John Ford : La Taverne de
L’Irlandais (1963) et Les Cheyennes (1964). Mise en
scène de Kjellin dynamique, classique, mais capable d’effets
spectaculaires témoignant d’une inspiration assez baroque,
flirtant avec le cinéma fantastique à l’occasion : le
dédoublement en surimpression du visage d’Elisabeth Allen
confondu par le fou avec celui de son épouse, est une idée
simple mais ici techniquement très bien réalisée.
1.16 -
What Really Happened (VOSTF) de Jack Smight, scénario
de H. Sleasar d’après une histoire de Mary Belloc Lowndes avec
Anne Francis, Ruth Roman, etc. Une gouvernante, menacée d’être
renvoyée à cause de la mauvaise conduite de son petit garçon,
empoisonne son employeur mais c’est l’épouse de ce dernier qui
est accusée du meurtre. Hitchcock avait déjà adapté en 1926
son The Lodger (Les Cheveux d’or) à partir d’un roman
de M.B. Lowndes mais il reprend aussi, durant les séquences du
procès, la structure en souvenirs contradictoires déjà bien
utilisée dans l’épisode 1.04 I Saw The Whole Thing (J’ai
tout vu). L’actrice Ruth Roman avait joué en vedette dans
Strangers on a train (L’Inconnu du Nord Express) (1950)
le rôle de la fiancée du joueur de tennis compromis par un
psychopathe. Treize ans plus tard, elle vaut encore le détour.
Quant à Anne Francis, elle est alors au sommet de sa beauté.
L’opposition de ces deux belles reines au casting suffit
largement à justifier la vision de cet épisode, outre son
excellent scénario reposant autant sur le suspense que sur la
psychologie criminelle. Le cinéaste Jack Smight servit le film
noir et le film fantastique dans les années 1965 à 1970 mais
d’une manière inégale : il a, en revanche, signé d’excellents
épisodes de cette série TV dont celui-là. La direction de la
photo de William Margulies correspond, lorsqu’on lui laisse le
temps de régler les éclairages sans inonder le plan d’une
lumière uniforme (esthétique TV de base) à l’esthétique cinéma
du film noir américain classique : Ruth Roman montant un
escalier en clair-obscur inquiétant, le travelling sur le
visage angoissé d’Anne Francis rompant brusquement une
profondeur de champ soigneusement organisée, etc.
SAISON 1, VOLUME 2 (janvier 1963 à mai 1963)
1.17- Brouillard (Forecast : Low Clouds and Coastal
Fog) (18 janvier 1963 VF+VOSTF) de Charles F. Haas,
scénario Lee Herwin avec Inger Stevens, Dan O’Herlihy, Richard
Jaeckel, etc. Par une nuit de brouillard envahissant la plage
où se dresse sa belle demeure face à la mer, l’épouse d’un
homme absent ce soir-là (car en voyage d’affaires) craint
d’ouvrir sa porte à un inconnu demandant du secours. Les
conséquences seront dramatiques. Le scénario est très
hitchcockien. Casting passionnant : Inger Stevens sera la star
tragique de certains des meilleurs films de Don Siegel
(Police sur la ville) et Ted Post (Pendez-les haut
et court) à la fin des années 1960, Dan O’Herlihy jouera
le sorcier dément de Halloween 3 Le sang du sorcier,
Richard Jaeckel est l’un des acteurs fétiches de Robert
Aldrich. L’acteur noir Greg Morris (qui tient un petit rôle de
médecin dans lequel il est très bon) sera un des membres de
l’équipe de la série TV Mission : impossible. La mise
en scène est signée par un inconnu, dénuée de style mais
fonctionnelle, efficace lorsqu’il le faut.
1.18 - A
Tangled Web (VOSTF) de A. Kjellin, scénario de James
Bridges, avec Robert Redford, Zohra Lampert, Barry Morse. Un
fils de famille violent et névrosé, devenu voleur par goût du
risque bien qu’il soit déjà riche, épouse sa domestique sans
lui révéler qui il est vraiment. Elle finit par l’apprendre et
il accepte de changer de vie mais son complice, amoureux de sa
femme, s’arrange pour qu’il commette un meurtre. Redford est
tout à fait étonnant en criminel conscient de l’être : il est
en vedette cette fois-ci alors qu’il n’était qu’en second rôle
dans l’épisode 1.01. De l’actrice Zohra Lampert (dans le rôle
improbable d’une domestique française) émane une douceur
naturelle, un érotisme authentique. Barry Morse compose un
personnage proche de celui de Iago dans La Tragédie
d’Othello de William Shakespeare. Scénario (tragique lui
aussi, d’un bout à l’autre, mais relativement invraisemblable)
écrit par James Bridges, le futur auteur des scripts de
L’Homme de la sierra et Le Cerveau d’acier, par
la suite de scripts moins originaux mais au service de plus
grosses machines hollywoodiennes, qu’il dirigera parfois comme
cinéaste. Un des meilleurs épisodes signés à la mise en scène
par Kjellin. La présentation de Hitchcock, montré prisonnier
de deux tribus de Lilliputiens qui décident de le couper en
deux au moyen d’un pendule s’abaissant graduellement, fait
pauvrement mais drôlement et ouvertement référence à deux
films fantastiques : Les Voyages de Gulliver (USA 1960)
de Jack Sher (trucages de Ray Harryhausen) et La Chambre
des tortures (Pit and the Pendulum) (USA 1961) de Roger
Corman. La photo de Redford illustrant la sérigraphie du DVD
sur lequel figure cet épisode correspond, soit dit en passant,
à l’épisode 1.01 et non pas à cet épisode 1.18.
1.19 -
To Catch a Butterfly (VOSTF) de David Lowell Rich avec
Bradford Dillman, Diana Hyland, Edward Asner, June Dayton,
etc. Un enfant criminel persécute le jeune couple qui vient de
s’installer à côté de chez ses parents au point de mettre leur
vie en danger. Suspense sans faille, résolu par la révélation
d’une relation névrotique. Conclusion psychanalytique
humaniste qui fait sourire aujourd’hui. David Lowell Rich
signe ici une mise en scène dynamique et sa violence graphique
est parfois impressionnante. Il réalisera un étrange film noir
flirtant avec le fantastique en 1968 : Les Griffes de la
peur (Eye of the Cat). Le thème des enfants dangereux ou
inquiétants est classique dans la littérature et le cinéma
fantastiques, plus original et moins exploité dans le film
noir policier, d’où l’intérêt particulier de cet épisode, du
point de vue de l’histoire du cinéma et de la télévision.
Dillman et Asner sont tous deux excellents. Présentation de
Hitchcock totalement débile et sans intérêt, sans aucun
rapport avec l’épisode présenté. Générique en état technique
un peu inférieur, comme souvent, au restant de
l’épisode.
1.20 - The Paragon (VOSTF) de Jack
Smight, scénario de Alfred Hayes d’après un roman de Rebecca
West avec Joan Fontaine, Gary Merrill, Susan Gordon, Virginia
Vincent, Linda Leighton, etc. L’épouse d’un avocat, donneuse
permanente de leçons à sa famille et à ses domestiques, fait
un cauchemar prémonitoire… mais de quoi ? Peut-être du lieu
et du moment de son assassinat. Intéressante structure, bien
construite et bien écrite, bien rythmée même si assez bavarde.
Joan Fontaine compose ici un personnage bien plus original que
ceux que Hitchcock lui confiait vingt ans plus tôt dans
Rebecca et Soupçons. Comme dans ce dernier
titre, le suspense tourne à un moment autour d’une boisson
empoisonnée. Trois ans plus tard, Joan Fontaine tournera en
vedette le curieux, rare et intéressant Hammer film
fantastique anglais, Les Sorcières (Pacte avec le
diable) de Cyril Frankel. Quant à l’acteur Gary Merrill, il
est remarquable d’un bout à l’autre.
1.21 - I’ll Be
Judge - I’ll Be Jury (VOSTF) de James Sheldon, scénario de
Lukas Heller d’après une histoire originale de Elisabeth Levy,
avec Peter Graves, Albert Salmi, Ed Nelson, Sarah Marshall,
etc. Un couple américain passant sa lune de miel au Mexique
est victime d’un psychopathe déjà soupçonné par la police
locale d’un meurtre antérieur. Le mari, désireux de venger son
épouse étranglée, accepte de collaborer avec la police.
Scénario et mise en scène louchant vers l’absurde et le
surréalisme mais l’ensemble, ennuyeux en dépit de
rebondissements inattendus, s’avère en fin de compte
artificiel et invraisemblable. Avec en vedette Peter Graves
(Mission : impossible) opposé à Albert Salmi dans le
rôle d’un tueur inquiétant qui n’aurait pas dépareillé dans un
film noir tel que La Soif du mal (1957) d’Orson
Welles.
1.22 - Diagnosis: Danger (VOSTF) de Sidney
Pollack, scénario de Roland Kibbee avec Charles McGraw,
Michael Parks, etc. Le bacille mortel de l’anthrax est
introduit en Amérique du Nord par un objet venu du Mexique et
qui passe de mains en mains : une course contre la montre
s’engage pour le retrouver, en identifiant les morts et en
soignant les survivants qui furent en contact avec lui. Le
scénariste Roland Kibbee - nom souvent lu au générique de bien
des épisodes de bien des séries TV de la période 1960 à 1975 -
ne s’est pas trop fatigué pour l’idée de base de cet épisode
qui devait être le pilote d’une nouvelle série qui ne s’est
jamais faite. Il reprend, en l’adaptant intelligemment, l’idée
du classique du film noir américain Panique dans la rue
(1950) d’Elia Kazan. L’acteur Charles McGraw fut un habitué
des films noirs durant les années 1945-1955. Michael Parks est
ici médecin : il sera étudiant en médecine dans la saison
suivante. Gus Trikonis, futur réalisateur du film fantastique
de série B The Evil (Le Couloir de la mort) (1978) est
assez bon acteur en jeune voyou violent. Second épisode de la
saison réalisé par Sidney Pollack qui délivre une mise en
scène assez ample et nerveuse, émaillée de quelques effets de
style. Le plan de l’attaque éclairée en ombres chinoises d’un
homme par d’autres dans une ruelle nocturne, est directement
inspiré par celui qui ouvrait, deux ans plus tôt, le film noir
policier Underworld U.S.A (Les Bas-fonds de New York)
(1961) de Samuel Fuller.
1.23 - The Lonely Hours
(VOSTF) de Jack Smight, scénario de William Gordon d’après une
histoire de Celia Fremlin, avec Nancy Kelly, Gena Rowlands,
Joyce Van Patten, Juanita Moore, etc. Une névrosée (préparant
une thèse d’histoire de la philosophie antique sur le penseur
grec présocratique Thalès de Millet) s’introduit comme
locataire chez une mère de famille (dont le mari est absent
pour de longues périodes) afin de lui dérober son dernier-né
qu’elle considère secrètement comme étant son propre bébé.
Suspense sans faille, bien interprété mais qui intéressera
sans doute davantage le public féminin que masculin. Encore
que Gena Rowlands soit constamment agréable à regarder et le
sache, de toute évidence, très bien. Casting exclusivement
féminin car le scénario tient en hors-champ / hors-caméra
toutes les figures masculines, sauf le bébé dont les gros
plans du visage ahuri, finissent par être un peu lassants. Une
gageure scénaristique tenue certes efficacement mais quel but
visait-elle ? Un effet de curiosité ou d’originalité formelle
? Sans doute les deux à la fois. A noter le regard étonné
échangé entre Gena Rowlands et son amie lorsque la névrosée
leur énonce son sujet de thèse de doctorat. A noter aussi une
assez curieuse policière matriarcale et psychologue, aux
cheveux courts et à l’uniforme strict, qui rétablit in
extremis l’ordre et la sécurité du monde (féminin).
1.24 -
The Star Juror (VOSTF) de Herschel Daugherty, scénario
de James Bridges d’après le roman français de Francis Didelot,
avec Dean Jaeger, Cathie Merchant, Jennifer West, Betty Field,
etc. Dans le Sud des USA, un pharmacien commet une tentative
de viol qui finit par un meurtre. L’amant de la victime est
accusé à sa place. Nommé juré au procès, le pharmacien fait
tout ce qu’il peut pour le faire innocenter. L’accusé est en
effet disculpé mais une étrange relation se noue entre cet
homme et le pharmacien, de plus en plus torturé par sa
conscience. Elle engendre un second meurtre ! Cet épisode
illustre bien les relations entre l’histoire du cinéma et la
télévision d’une part, l’importance des dates dans l’histoire
du cinéma mondial d’autre part. Le cinéaste français Georges
Lautner venait d’adapter au cinéma l’année précédente (en
1962, donc) le roman de Francis Didelot Le Septième
juré (édition originale en 1958). Le film de Lautner
sortira aux USA en 1964 seulement mais James Bridges écrit le
scénario de cet épisode en 1963, adaptant l’idée originale de
l’auteur français, crédité au générique. Bridges avait-il lu
le livre de 1958 ou vu le film de 1962 à Paris durant un
voyage ? Ou bien une relation américaine parisienne à lui
l’avait-il lu ou vu puis lui en avait-il parlé sans même qu’il
eût à se déplacer ? Toujours est-il que cet épisode oscille
entre comédie parodique et film noir dramatique : certains
personnages sont des caricatures (l’épouse du pharmacien) ou
des silhouettes bien davantage comiques que dramatiques
(Alice, la « rebelle » qui tombe amoureuse de l’accusé). Même
la scène du meurtre en ouverture oscille curieusement entre
les genres : elle a un petit côté Nouvelle vague française.
Daugherty n’est cependant ni le Hitchcock de Mais qui a tué
Harry ?, ni le Chabrol de Les Bonnes femmes. Sa mise en
scène illustre sagement l’histoire et ses oscillations
génériques sans jamais pouvoir l’unifier par un style.
L’acteur Dean Jaeger (qui reprend - probablement sans le
savoir puisque, encore une fois, nous sommes en 1963 - le rôle
tenu par Bernard Blier dans le film de Lautner) est
remarquable en raison de l’économie dramatique de son jeu qui
atteint ici une dimension authentiquement tragique. Mais
l’ensemble vaut aujourd’hui surtout pour les prestations de
Cathie Merchant (La Malédiction d’Arkham (The Haunted
Palace) en 1963) et de Jennifer West. Le plan de l’accusé
dans la barque, demi-nu, en chapeau de cowboy et lunettes
noirs, évoque fugitivement les photos érotiques homosexuelles
vendues sous le manteau à cette époque. La plaisanterie
ouvertement salace d’Alice, en pleine rue, à l’encontre de
dames s’estimant plus honorables qu’elle, vaut également le
détour historique et sociologique. A noter enfin la
présentation d’Hitchcock, certainement inspirée par le sketch
Le Chat noir du film L’Empire de la terreur (Tales
of terror) (1962) de Roger Corman, appartenant à la
« série Edgar Poe ». Ici encore c’est le cinéma qui nourrit la
TV en idées, presque en temps réel.
1.25 - The Long
Silence (VOSTF) de Robert Douglas, scénario de Charles
Beaumont et William Gordon d’après une histoire de Hilda
Lawrence avec Phyllis Thaxter, Michael Rennie, Natalie
Trundie, etc. Un vol suivi d’un meurtre est maquillé par le
riche M. Manson afin de faire croire à un suicide mais son
épouse s’en rend compte et devient un témoin gênant. Le
scénariste Charles Beaumont a collaboré à la série Edgar Poe
de Roger Corman. Phyllis Thaxter est excellente en paralysée
hystérique menacée. L’acteur Michael Rennie tient un rôle de
méchant très inhabituel mais dans lequel il est étonnant : il
est bien connu des cinéphiles, y compris pour la section
fantastique et science-fiction de sa filmographie. On
retrouvera dix ans plus tard la belle actrice Natalie Trundie
dans La Conquête de la planète des singes de Jack Lee
Thompson. Photo N&B digne d’un film noir classique : un des
meilleurs épisodes de la saison.
1.26 - Oscar (An Out
for Oscar) (VF+VOSTF) de Bernard Girard, scénario de David
Goodis d’après une histoire originale de David Kane, avec
Henry Silva, Linda Christian, John Marley, Larry Storch, David
White, Alan Napier etc. Un employé de banque qui a épousé une
prostituée qu’il croyait être simple serveuse, se voit
proposer par son proxénète de devenir complice du vol de sa
propre banque. Il trouvera le moyen de résoudre ce double
problème simultanément, à la satisfaction de son patron.
Humour noir invraisemblable mais souvent drôle. On a un peu
oublié qui furent les acteurs Alan Napier (série TV
Batman), David White (série TV Ma sorcière
bien-aimée), Larry Storch (série TV F Troop) mais
ils étaient alors très populaires. Le cinéphile français se
souvient, en revanche, mieux d’Henry Silva qui avait été la
vedette de L’Insolent (Fr. 1972) de Jean-Claude Roy
mais joua aussi très bien pour les cinéastes Henry King, John
Frankenheimer, Burt Reynolds. Linda Christian avait joué, dix
ans plus tôt, le rôle de la princesse dans Les Esclaves de
Babylone de William Castle (1953).
1.27 - Death and
the Joyful Woman (VOSTF) de John Brahm, scénario de James
Bridges d’après une histoire originale d’Edith Pargeter, avec
Laura Devon, Gilbert Roland, Laraine Day, Don Galloway, etc.
Le riche propriétaire d’un grand domaine viticole californien,
règne en tyran sur sa famille et ses proches. Il est tué par
sa secrétaire mais un domestique, témoin gênant du meurtre,
doit aussi être supprimé. Scénario reposant sur l’idée
shakespearienne du parricide et de la folie. Gilbert Roland
joue d’ailleurs ici d’une manière réellement shakespearienne.
La belle Laura Devon en héritière amoureuse d’un domestique,
mérite par ailleurs le détour. Sur John Brahm, lire supra ma
remarque dans la notice de l’épisode 1.02. Sur James Bridges,
lire ma remarque dans la notice de l’épisode 1.18.
1.28 -
Last Seen Wearing Blue Jeans (VOSTF) de A. Crosland
Jr., scénario de Lou Rambeau d’après une histoire de Amber
Dean, avec Michael Wilding, Anna Lee, James Anderson, Randy
Boone, Katherine Crawford. etc. Une famille anglaise voyage de
New York à Los Angeles pour découvrir l’Amérique d’Est vers
l’Ouest mais, arrivée de nuit en Arizona, la fatigue est
source d’erreur et leur fille se retrouve dans une voiture (à
l’aspect similaire à la leur) d’un gang trafiquant des
voitures à la frontière mexicaine. Elle est bientôt unique
témoin d’un meurtre et unique témoin qu’il faut supprimer !
Suspense sans faille, en forme de cauchemar bien mené du début
à la fin qui plaide pour une fraternité anglo-américaine
certes un peu sirupeuse mais bien réconfortante après tant de
noirceur criminelle. Anna Lee avait joué pour Fritz Lang
(Les Bourreaux meurent aussi) et pour la série Val
Lewton (Bedlam de Mark Robson) ainsi que pour John Ford
(Le Massacre de Fort Apache, L’Homme qui tua Liberty
Valance). Michael Wilding avait tourné pour Hitchcock au
cinéma (Le Grand alibi, Les Amants du Capricorne). Anna
Lee et Michael Wilding sont anglais d’origine mais Katherine
Crawford qui joue leur fille, est en revanche américaine.
Second épisode de la saison se déroulant (en partie) au
Mexique après I’ll Be Judge, I’ll Be Jury. La frontière
mexicaine fut un sujet classique de western avant de devenir
un sujet classique du film noir policier américain.
1.29 -
The Dark Pool (VOSTF) de Jack Smight, scénario de
William D. Gordon d’après une histoire de Alec Coppel, avec
Madlyn Rhue, Lois Nettleton, Anthony George„ David White.
L’enfant d’une Américaine mariée à un riche fonctionnaire
mexicain, se noie dans la piscine à la suite d’une inattention
causée par son alcoolisme. L’enquête la reconnaît innocente
mais une belle brune surgit alors, prétendant être la mère
biologique de l’enfant. C’est le début d’un diabolique
chantage. Bon épisode qui vaut par l’opposition entre deux
actrices. Des deux, c’est surtout Madlyn Rhue (1935-2003) qui
l’emporte, à la fois belle et très inquiétante tandis que Lois
Nettleton joue bien les alcooliques repenties mais risquant de
replonger dans l’enfer de la dépendance. Le physique de Madlyn
Rhue lui valut de jouer assez souvent les femmes latines ou
orientales. Elle fut un des piliers de la télévision
américaine des années 1960. La scène où elle drogue à l’alcool
sa victime est réalisée d’une manière spectaculaire. L’un des
rares scénarios de la série faisant intervenir non pas un
meurtre mais un accident comme ressort de l’intrigue : le
suspense n’y perd rien. Un des meilleurs épisodes signés par
Jack Smight.
1.30 - Dear Uncle George (VOSTF) de
Joseph M. Newman, scénario de James Bridge, R. Levinson et W.
Link, avec Gene Barry, John Larkin, Patricia Donahue, etc. Un
journaliste célèbre rédigeant des conseils sentimentaux et
matrimoniaux reçoit un jour une lettre dénonçant l’infidélité
de sa propre épouse. Il la tue, tout en se forgeant un alibi
qu’il pense solide. Joseph M. Newman a signé de bons westerns
(Fort Massacre, Le Shérif aux mains rouges, Tonnerre
apache) de série B à la fin des années 1950 et au début
des années 1960, ainsi que le classique Universal de la SF
Les Survivants de l’infini, co-réalisé par Jack Arnold
et Virgil Vogel. Il a réalisé d’excellents épisodes de cette
série : celui-ci en est un. Suspense sans faille, chute
intelligente bien qu’un peu attendue néanmoins. Excellente
interprétation, Gene Barry en tête.
1.31 - Run for
Doom (VOSTF) de Bernard Girard, scénario de James Bridges
d’après une histoire de Henry Kane, avec John Gavin, Diana
Dors, Tom Skerritt, Scott Brady. Un jeune médecin de bonne
famille tombe amoureux fou d’une dévoyée sous l’emprise d’un
louche patron de cabaret. Elle l’aime aussi mais ses vieux
démons (appât du gain, incapacité d’être fidèle à un homme) la
reprennent, provoquant sa mort. Casting démentiel : l’actrice
anglaise Diana Dors (1931-1984), ici dans le rôle d’une
dévoyée mi-chanteuse de cabaret mi-veuve noire, était l’une
des starlettes les plus érotiques des années 1960. Elle avait
été surnommée « la Marilyn anglaise » à cause de sa
ressemblance avec l’actrice américaine Marilyn Monroe mais il
faut savoir que l’inverse fut non moins vrai puisque les
critiques anglais des années 1950 estimaient que Marilyn
Monroe pouvait être définie comme une « Diana américaine ».
Elle s’avère remarquable de présence, excellente actrice. Il
semble bien qu’elle chante elle-même durant les scènes de
cabaret, ce qui rend cet épisode doublement incontournable.
Elle joua également dans un épisode réputé (écrit par Robert
Bloch) de la série antérieure Alfred Hitchcock
presents. Scott Brady joue bien les hommes mûrs, désabusés
mais encore puissants et secrètement amoureux. John Gavin, en
revanche, compose un personnage de médecin a priori sans
surprise, attendu mais le joue très bien, notamment à la fin
où il est assez étonnant. Sans oublier l’apparition brève mais
filmographiquement savoureuse de Tom Skerritt, bien avant
qu’il soit l’officier supérieur du vaisseau de Alien ou
le « vigilante » du violent Philadelphia Security.
Chute finale d’une particulière crudité et cruauté. Un des
meilleurs épisodes de cette saison.
1.32 - Death of a
Cop (24 mai 1963 VOSTF) de Joseph M. Newman, scénario de
Leigh Brackett d’après une histoire de Douglas Warner, avec
John Marley, Richard Jaeckel, Victor Jory, Peter Brown, Paul
Hartman, Paul Genge, etc. Un policier dont le fils a été tué
par des gangsters, décide de venger celui-ci coûte que coûte.
Scénario signé par L. Brackett qui avait signé les scripts du
Grand sommeil et du Rio Bravo de Howard Hawks.
Ce n’est pas forcément une référence dans la mesure où Hawks
avait avoué n’avoir jamais rien compris à l’action du Grand
sommeil. Ici, la ligne dramatique est bien plus simple
mais aussi plus violente graphiquement, suivant en cela
l’évolution du film noir américain. Elle peut sembler parfois
fantasmatique, voire cauchemardesque et on n’arrive d’ailleurs
pas vraiment à y croire : dommage car la mise en scène de
Newman est d’une solidité et d’une fluidité remarquables.
Richard Jaeckel et John Marley crèvent l’écran, comme
d’habitude, mais le scénario confère à Jaeckel un rôle (une
redoutable brute meurtrière) plus important qu’à Marley (un
inspecteur de police). Paul Genge joue ici un lieutenant de
police : il sera, cinq ans plus tard, le très inquiétant tueur
au riot-gun du Bullitt ! (1968) de Peter Yates.
1 coffret DVD Pal zone 2 Elephant, édité le 05 octobre 2015. Durée totale : 1616 minutes ou 26H 56 comprenant 10 DVD contenant les 32 premiers épisodes tournés de 1962 à 1963. Image 1.37 N&B, son VOSTF et VF d’époque mono. Suppléments : présentation de la série et des épisodes par Jean-François Rauger, livret illustré, bandes annonces.
Outre un livret illustré commode (mais parfois incomplet) et une galerie photos N&B, Jean-François Rauger a assuré la caution cinéphilique de l’entreprise en présentant la série d’une part, la saison d’autre part (entre 10 et 20 minutes selon les cas) et en permettant que 4 chapitres de son livre, L’Oeil domestique, Alfred Hitchcock et la télévision (éditions Rouge profond, l’éditeur qui édite une intégrale revue et augmentée de la revue Midi-Minuit Fantastique) soient utilisés par les livrets illustrés qui présentent (très succinctement) chaque épisode. On y apprend, par exemple, que Shamley productions, société fondée en 1955 aux USA par Hitchcock pour la production de cette série, reprend le nom d’un village du Sud de Londres où son épouse et lui avaient acheté une maison de campagne en 1928.
Lancée sur la chaîne de TV américaine CBS le dimanche 2 octobre 1955 à 21H30 sous le titre Alfred Hitchcock présente, accompagnée de la célèbre petite mélodie Marche funèbre d’une marionnette composée en 1872 par Charles Gounod, cette série TV dura 7 saisons de 39 histoires (268 histoires au total car la quatrième saison ne comportait que 36 histoires au lieu de 39) constituant chacune un moyen métrage autonome durant environ 25 ou 26 minutes, en général tourné en 3 jours. En 1957, une saison concurrente nommée Suspicion fut lancée par la chaîne NBC : Shamley production et Hitchcock en produisirent également les épisodes, Hitchcock en tourna même un lui-même mais ils étaient présentés par l’acteur Dennis O’Keefe. Quant à la série CBS originale, elle changea de nom en 1962 et devint The Alfred Hitchcock Hour parce que la durée des épisodes augmenta, passant à environ 50 ou 52 minutes (selon les différentes durées vidéo PAL ou NTSC, selon aussi qu’il s’agit de DVD ou de Blu-ray). Ils furent en général tournés en 6 jours. Cette nouvelle série comporta 3 saisons successives. Selon qu’on calcule en partant de 1955 ou en partant de 1962, on peut les numéroter 8, 9, 10 ou bien 1, 2, 3. La série de ces 3 saisons The Alfred Hitchcock Hour fut connue en France sous le titre générique de… Suspicion qu’il ne faut surtout pas confondre avec la série NBC. Ce sont ces 3 dernières saisons 1962 à 1965 qui constituent l’intégrale de ce coffret The Alfred Hitchcock Hour ((saison 1 = 32 histoires) + (saison 2 = 32 histoires) + (saison 3 = 29 histoires) = donc, au total, 93 histoires).
Comme c’était son habitude depuis 1955, Alfred Hitchcock présentait et commentait in fine ces histoires. Ces présentations et commentaires qu’il n’avait pas le temps de rédiger lui-même, étaient écrits par un certain James B. Allardice. Ils constituent aujourd’hui, à mon avis, le point souvent faible de la série : je ne partage donc pas l’avis élogieux de Jean-François Rauger en ce qui les concerne, à de rares exceptions près que je signale dans les notices critiques. Hitchcok signa lui-même la mise en scène d’une vingtaine d’histoires (notamment la toute première de la première saison en 1955 : Revenge) entre 1955 et 1962 inclus. La majorité de ses contributions personnelles dure donc 26 minutes mais certaines durent aussi 52 minutes : elles avaient été éditées en coffret par Universal mais malheureusement pas classées dans l’ordre historique chronologique de production. Elephant restitue chacun de ces épisodes à sa place chronologique correcte au sein de l’intégralité enfin rééditée.
On se souvient que Psycho (Psychose) (USA 1960) d’Alfred Hitchcock avait été tourné dans des conditions assez proches de celles d’un moyen métrage de cette série, au point qu’on peut le considérer aujourd’hui rétrospectivement comme une sorte de porte-étendard. Le cinéphile francophone qui admire Psychose ne pouvait que souhaiter découvrir la totalité de sa série matricielle. Son examen révèle qu’elle entretient des liens parfois encore plus étroits qu’on pouvait le penser avec ce chef-d’oeuvre.
L’ensemble est au format original 1.37 N&B compatible 4/3 : les copies sont parfaitement nettoyées, les numérisations soignées, seules d’éventuelles poussières négatives ou positives subsistent sur un ou deux plans (cas de l’excellent épisode 3.22, par exemple). Le bruit vidéo se manifeste parfois aussi sur des marches d’escaliers ou des stores mais il est, en règle générale, assez bien contrôlé bien qu’il ne s’agisse que de DVD standards. Une suggestion : à présent que l’intégralité de la série est disponible en DVD standard, il faudrait songer à préparer une édition Blu-ray Full HD et même à une édition Blu-ray UHD 4K.
Le son est du mono 2.0 parfaitement nettoyé lui aussi, qu’il s’agisse des VOSTF ou des VF. Quelques erreurs ou coquilles, parfois des fautes de syntaxe ou un vocabulaire argotique récent substitué à l’argot original américain de l’époque, peuvent être relevés dans les STF mais, sur une telle quantité de disque, c’est presque inévitable : l’ensemble est cependant assez bien traduit, en règle générale. Les VF, lorsqu’elles existent, sont soignées pour l’époque, aux normes cinéma et souvent très savoureuses.
Crédits images : © Eléphant Films