Réalisé par George A. Romero
Avec
David Emge, Ken Foree et Scott H. Reininger
Édité par Opening
Les morts ressuscitent, et se nourrissent de chair vivante.
Notre société est à la limite de la rupture, et 3 hommes et
une femme décident de s’enfuir à bord d’un hélicoptère et se
réfugient dans un centre commercial. Tout serait (presque)
parfait sans l’arrivée impromptue d’une bande de pillards…
10 ans après, George Romero décide de nous refaire « La nuit
des morts-vivants » avec davantage de moyens. Exit la bicoque
où se réfugient les futures victimes des morts vivants
cannibales, cette fois le réalisateur décide de voir grand.
« Zombie » est un film multi-genres, qui offre de multiples
niveaux de lecture. Film d’action, western moderne, film
d’horreur, critique sociale virulente : suivant son humeur,
chaque vision offre de nouvelles perspectives.
C’est cette dernière option qu’ont dû privilégier les censeurs
français, qui ont interdit le film pendant 5 longues années,
pour - je cite - « incitation au pillage ».
Il faut bien reconnaître que la séquence d’expulsion de
portoricains n’offre pas une vision lénifiante de l’autorité
nationale (en résumé, ça flingue à tout va, les discussions
étant reportées à une date ultérieure…) ni de la situation
sociale (on commence à parler à l’époque de « fracture
sociale ») qui amène l’entassement d’exclus dans des ghettos
insalubres qu’il faut ensuite déloger par la force.
La première apparition des zombies est à l’image du film : on
a rapidement du mal à vraiment discerner les bons des
méchants. Soit, il n’est pas de bon ton de tuer (et de
dévorer) les vivants, mais les zombies font ça par nécessité,
eux.
Il est difficile (impossible ?) de sortir indemne de la
séquence des HLM. Les repères ont disparu, la violence
graphique et hyperréaliste est extrême (surtout pour
l’époque : on est en 1978), les vivants tuent les morts, les
morts tuent les vivants, les vivants tuent les vivants (ou se
suicident).
La suite est à l’avenant : décidant de fuir une société à la
limite de la rupture, trois hommes et une femme décident de
fuir les villes en hélicoptère (mieux vaut privilégier
l’autonomie à un traitement de masse), et vont se réfugier
dans un centre commercial. Ils vont en faire un lieu clos
privilégié et tranquille (à condition de rester dans la partie
retranchée à l’abri des centaines de morts-vivants qui errent
dans les boutiques…), jusqu’à l’irruption d’une bande de
Hell’s Angels, qui vont remettre un peu de désordre dans tout
ça.
Les pilleurs font leur boulot : ils pillent, sans retenue, les
morts vivants ajoutant à l’amusement général (faut reconnaître
qu’ils ne sont pas très vivaces), ce qui a pour incidence
d’énerver nos 3 réfugiés (dans l’intervalle, le quatrième
s’est fait contaminer et a rejoint le paradis des zombies à
l’aide d’une balle dans la tête). Et nous revoilà parti pour
un tour : les vivants tuent morts ET les vivants, et les seuls
vainqueurs sont nos zombies, à qui on offre de la chair
fraîche.
La critique sociale que nous offre Romero est sans concession.
Elle transparaît dans la trame globale du film (la société de
consommation, la dénonciation du pouvoir, l’instinct de
propriété), et plus subtilement dans quelques répliques (« ce
n’est pas à cause des zombies (que tout est foutu), mais à
cause de notre lâcheté » dira Fran en renonçant à son travail
au studio de télévision) et situations (les discussions
stériles des intervenants dans le studio de télévision, ou
encore l’intermède « campagnard » entre potes avec tir à vue sur
zombies).
Mais le film est et reste également un sommet de l’horreur (le
maquilleur Tom Savini au sommet de son art), une
reconstruction complète du thème des morts vivants, un
classique indétronable et l’image parfaite du film indépendant
(au sens film à l’écart des grands studios), reflet d’un
certain cinéma et d’une certaine époque.
La version proposée est bien évidemment la version européenne
remontée par Dario Argento (par ailleurs co-producteur
financier du film) et avec la partition des Goblin, version
hybride cumulant les visions de 2 réalisateurs hors du commun.
Le point faible de cette édition : le packaging. On peut aimer
le côté sobre et efficace, on aurait néanmoins apprécié un peu
moins de retenue… Le digipack intérieur est plus réussi, la
sérigraphie des DVD efficace.
Le menu du premier disque est réussi, et l’ambiance s’installe
assez rapidement, avec cette vue de zombies à la démarche
traînante associée à la partition des Goblin. Pas de fioriture
sur les options de choix.
Le menu du second disque est fixe et musical.
A noter des soucis de pressage sur la première génération des
galettes (principalement sur la fin du documentaire sur le
disque 2), qui engendraient des gels d’images (voire carrément
l’arrêt pur et simple de la lecture !).
Le point fort de l’édition. L’intérêt va de l’incontournable à
l’intéressant.
« Document of the Dead » (VOST), 84’, 4/3, 1.33
Enfin, le voici, le voilà, cet extraordinaire documentaire de
Roy Frumkes dont on entendait parler sans pouvoir le
visionner !
Plus qu’un making of (ce qu’il n’est pas vraiment), plus qu’un
reportage sur un tournage (ce qu’il est en partie), plus
qu’une analyse sur un réalisateur (ce qu’il est aussi), c’est
un véritable film qui nous est proposé.
Pensé, tourné et monté comme un film et sur une période de 11
ans (1978-1989), Roy Frumkes nous propose une passionnante
leçon de cinéma indépendant (donc à l’abri des exécutifs des
grands studios), détaillant à des niveaux de détails variés la
pré-production (scénario, budget), la production (tournage,
FX), la post-production (montage) et la distribution de
« Zombie », ceci avant de nous faire plonger 10 ans plus tard
sur le tournage de Deux yeux maléfiques (titre
original « 2 Evil Eyes »).
La première partie du film (en gros la première heure) alterne
des extraits et analyses de 3 films de G. Romero (« Martin »,
« La nuit des morts-vivants », « Zombie »), des interviews faites
en 1978 lors du tournage à Pittsburgh des principaux
intervenants sur « Zombie » (Romero himself, le producteur
Richard Rubinstein, le directeur de la photo Carl Angestein,
Tom Savini). On y découvre au passage quelques scènes absentes
du montage final.
La seconde partie nous entraîne 10 ans plus tard sur le
tournage d’une scène du segment de Romero sur
Deux yeux maléfiques (l’autre segment étant de…
Dario Argento). On y retrouve Romero et Tom Savini, l’intérêt
n’étant plus ici axé sur le tournage en lui-même (on ne peut
que constater la différence d’ambiance entre les 2 époques),
mais sur la différence flagrante entre les 2 époques. On
ressent la désillusion de Romero (et incidemment de Savini)
face aux difficultés insurmontables opposées au cinéma
indépendant.
Le document se poursuit par des interviews de Gahan Wilson et
Steve Bissette, deux ilustrateurs américains, qui nous offre
leur vision du cinéma de Romero.
Enfin, quelques pubs (dont une inénarrable « Night of the
Living Deal »…) et autres documents viennent compléter
l’ensemble.
Unique en son genre, ce film est un vrai reflet de la
personnalité d’un cinéaste, couplé à une vision d’un certain
cinéma aujourd’hui disparu. Un must ! C’est aussi pour nous
européens l’occasion de découvrir des extraits de la version
américaine du film, avec la musique associée (et on ne peut
que réaliser à quel point le score des Goblin nous paraît
indissociable du film).
Version commentée et scènes coupées (VOST) : comme si
ça ne suffisait pas à notre plaisir (et c’est une première),
on nous offre également un commentaire audio du réalisateur
Roy Frumkes (accompagné de son directeur de la photo et d’une
des narratrices) et 6 minutes de scènes coupées au montage.
D’autres informations nous sont dispensées, à la fois sur
Romero et « Zombie ».
Le montage de « Zombie » (16’24”, VF) : analyse très
pertinente de Eric Dinkian sur les différences de montage
entre les version américaine et européenne. L’occasion de
préciser à quel point l’apport de Dario Argento a été
important et déterminant sur notre vision du film.
Les effets spéciaux de « Zombie » (17’24”, VF) : analyse
non moins pertinente de Benoît Lestang des principaux FX du
film. L’occasion (entre autre intérêts) de voir comme le
montage peut adoucir les erreurs de tournage…
Interview de Jean-Pierre Putters (18’39”, VF) :
fondateur de la revue Mad Movies, JPP répond à quelques
questions et revient sur l’historique du film de zombies, sur
la portée sociale de « Zombie », les influences qu’il a eu sur
le genre, les problèmes de censure, et les critiques de
l’époque. L’ensemble n’est certes pas déplaisant, mais laisse
un arrière-goût de superficialité. Peut-être l’occasion de
réaliser qu’une bonne interview demande un bon intervieweur…
Bande-annonce originale, VOST, 4/3.
Ne manquerait que la version américaine du film, et on
n’aurait plus rien à attendre d’une édition ultérieure…
Un master nettoyé, sur lequel subsistent quelques tâches et
rayures (et un plan irrécupérable à 25’55”). La définition est
très correcte (le grain est d’origine), on peut noter des
petits défauts d’étalonnage, et une compression sans problème.
Un vrai plaisir de pouvoir découvrir le film dans une version
correcte, loin de notre vieille VHS et autres copies cinéma
usées.
Là encore, un résultat plus que correct.
Les remixages 5.1 ne visent pas l’esbroufe inutile et sont
essentiellement concentrés sur les enceintes avant. Seule la
partition musicale profite vraiment des enceintes arrières,
mais le plaisir d’écoute est manifeste.
Les dialogues sont plus en avant sur la VF, les versions DTS
plus claires que les DD.