Human (2015) : le test complet du Blu-ray

Dans une  » note d’intention  » qui précède le film, Yann Arthus-Bertrand indique, après avoir photographié la planète pendant 40 ans, avoir voulu comprendre pourquoi les hommes n’arrivent toujours pas à vivre sereinement ensemble, pourquoi ils reproduisent les mêmes erreurs. Il a, avec son équipe, pendant trois ans, visité 65 pays, interrogé 2.000 personnes, filmées en gros plan sur le visage, les yeux dans les yeux qu’on dit être  » le miroir de l’âme « .

Human, salué par le prix du meilleur documentaire au festival de Beijin et du meilleur documentaire étranger populaire à Vanvouver, sorti en salles en septembre 2015, est l’avant dernière réalisation du photographe Yann Arthus-Bertrand. Dans sa foulée, nous arrive en vidéo dans deux présentations : une version  » courte  » de 2h10 en édition single (Blu-ray ou DVD) et une version  » cinéma  » de 3h11, accompagnée de deux disques de bonus, celle que nous avons testée pour vous.

Human aligne une succession de courts extraits des réponses données à une quarantaine de questions, toujours les mêmes, posées à des individus assis dans une cabine de toile, ouverte sur l’avant, recouverte d’un drap sombre sur l’arrière, devant lequel ils sont assis, face à la caméra, les yeux à hauteur de l’objectif. On n’entend ni les questions, ni les éventuelles interventions des interlocuteurs. Chaque série d’interviews est suivie de longs plans-séquences aériens, à raison d’un toutes les dix minutes, sans lien avec les propos qui précèdent. Yann Arthus-Bertrand s’en justifie : les prises de vue du ciel sont là pour laisser le temps au spectateur de réfléchir à ce qu’il vient d’entendre.

Quand on a été séduit par les photos de Yann Arthus-Bertrand, prises du ciel à bord d’un hélicoptère, on se lance dans le visionnage de Human sans appréhension, poussé par l’envie de regarder de nouvelles images extraordinaires, inattendues. Et excité par la promesse que nous fait le réalisateur, dans une courte note d’intention en exergue du film, de nous offrir bien plus que de feuilleter un beau livre d’images.

Cette fois encore, Yann Arthus-Bertrand nous propose une nouvelle collection d’images animées (peu animées pour certaines, presque des photos), souvent surréalistes, toujours surprenantes. J’ai été impressionné par des formes d’arbres dessinées par le ruissellement de la pluie qu’un lent traveling arrière révèle progressivement, en rouge sur fond blanc. Et plus qu’intrigué par ces Chinois (filmés d’un point élevé) dans une vaste piscine avec leurs bouées aux couleurs acidulées, agglutinés les uns aux autres, qu’une vague soulève périodiquement, comme des lentilles d’eau !

Les entretiens, décousus, tournent en rond autour du handicap, de la misère, du divorce, de la religion, de la maladie, de la mort… Si le récit d’infortunes fait le gros du métrage, on voit aussi que, dans des situations apparemment comparables, certains se révoltent, d’autres geignent, alors que quelques-uns voient le bon côté des choses, profitent de la vie qui s’offre à eux. Dix minutes ont passé : le temps est venu d’un interlude aérien de quatre minutes avec accompagnement musical, avant d’aborder une nouvelle suite d’entretiens.

Et le schéma se reproduit, immuablement. Il ne faut pas attendre plus de trois heures pour s’interroger sur l’intérêt de l’entreprise. Vise-t-elle à projeter une image révélatrice de l’état de l’humanité au début du XXIe siècle ? Si oui, quelle est la démarche suivie pour la sélection des personnes interrogées ? Sont-elles un échantillon représentatif de la population du globe ? Quelles sont les quarante questions posées ? Les réponses ont-elles été classées, analysées ? Toutes ces questions restent sans réponses. Rien sur la méthode, ni dans le documentaire, ni dans ses nombreux suppléments. On retrouve ici la démarche, ou l’absence de démarche, suivie par un éminent collègue de Yann Arthus-Bertrand, le photographe Raymond Depardon, pour la réalisation de son dernier film, Les Habitants (2016).

On est loin de l’intérêt du constat fait par Yann Arthus-Bertrand avec son film Home (2009), réalisé en 2009, même s’il n’échappait pas à certaines critiques, celle d’être certainement trop alarmiste, celle de soulever des questions sans proposer la moindre esquisse de réponse.

Human - Édition Collector Limitée, c’est trois Blu-ray double couche, le premier contenant le film dans son montage cinéma (191 minutes) et les deux autres, de longs suppléments : 180 minutes, sur le disque 2, 156 minutes sur le disque 3. Tout ça logé dans un digibook, avec un livret de 20 pages, non fournis pour le test effectué sur check discs.

Le film est proposé en deux versions audio (DTS-HD Master Audio 5.1) : l’une est la version originale multilingue, avec sous-titres français incrustés dans l’image à hauteur des yeux de chaque personne interrogée (même quand elle s’exprime en français), l’autre dans une version avec une traduction simultanée en voice over, avec les mêmes sous-titres imposés.

Pour les suppléments, une seule version audio (DTS-HD Master Audio 2.0) avec les commentaires en français de Yann Arthus-Bertrand, sans sous-titres, et les interviews individuelles en version originale avec les mêmes sous-titres imposés.

 » Abondance de biens ne nuit pas  » ! Celles et ceux qui auront visionné les suppléments, de la première à la 336e et dernière minute (5h36, mazette !) risquent de mettre en doute la pertinence du proverbe.

L’épreuve est d’autant plus exigeante que tous les suppléments sont, hormis les commentaires de Yann Arthus-Bertrand truffés de lieux communs, une prolongation des 3h11 du film. Pas loin de 9 heures, l’un dans l’autre, d’entretiens et d’interludes aériens !

Sur le disque 2, L’aventure Human (52’) nous renseigne sur les moyens mis en oeuvre pour l’enregistrement des entretiens : les 65 pays visités, la cabine de toile face à la caméra, les visages filmés en plan fixe sur fond sombre, etc. Suit, Les histoires de Human (78’) où l’on revoit des personnes déjà entendues dans le film et de nouveaux visages, tous inconnus, à deux exceptions près : José Mujica, président de l’Uruguay de 2010 à 2015, qui donne ses vues sur le pouvoir et le reste, et l’actrice Cameron Diaz qui parle avec émotion de la mort de son père. Enfin, La musique de Human (52’) vaut une intéressante rencontre avec le compositeur Armand Amar, auteur de plus de soixante-dix compositions pour le cinéma ou la télévision, César 2010 pour Le Concert. On le voit en pleine action, devant l’écran, une fois le film monté et l’on assiste à la construction de quelques mesures de la partition à laquelle s’intègrent des chants mongols, turcs, pakistanais, russes, yéménites, persans… et, plus proches de nous, de très curieux chants norvégiens. On assiste aussi à l’interprétation de la partition par l’Orchestre philharmonique de Prague. Ce bonus, dont l’intérêt dépasse celui de tous les autres, justifie seul la note attribuée.

Sur le disque 3, trois documentaires de 52 minutes chacun, regroupés sous le titre Sur les traces de Human, reprennent, eux aussi, le schéma du film en alternant entretiens et vues aériennes avec les commentaires de Yann Arthus-Bertrand. Le premier, Les deux faces de l’homme, d’abord centré sur la guerre, touche ensuite à d’autres thèmes, l’amour, la famille… Le second, À la croisée des deux mondes, laisse supposer qu’il va se focaliser sur l’agriculture avant de passer au gigantesque développement de Shanghai, à l’immigration clandestine en Europe, etc. Le dernier, Trouver sa place, tente de chercher  » le sens de la vie « , s’interroge sur l’existence de Dieu…

Une pilule supplémentaire à avaler : ce sont les mêmes images et le même commentaire de Yann Arthus-Bertrand qui s’imposent, pendant près de quatre longues minutes, en introduction à chacun des six suppléments.

L’image (1.78:1, 1080i, AVC) est parfaitement résolue, non seulement pour les plans serrés sur les visages, mais aussi pour les plans très larges des vues aériennes dont les moindres détails sont révélés.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1, ample, ouvert, dynamique, ne profite qu’à l’accompagnement musical. Il n’est d’aucune utilité pour les interviews en plan fixe (clairement restituées par les voies avant), ni pour les séquences aériennes filmées sans enregistrement du son.

Crédits images : © Yann Arthus-Bertrand