Un jour, un chat (1963) : le test complet du DVD

Az prijde kocour

Édition Collector

Réalisé par Vojtech Jasný
Avec Jan Werich, Emília Vásáryova et Vlastimil Brodský

Édité par Malavida Films

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Le 28/02/2024
Critique

Une fable débordante de fantaisie, témoin de la renaissance du cinéma tchèque, débarrassé de la chape de plomb du stalinisme. Jubilatoire !

Un jour, un chat

Dans un village, Robert, l’instituteur, apprend à ses élèves à être sincères, à ne pas courber l’échine, à respecter la nature en reprochant au maire d’avoir tué une cigogne pour la faire empailler. Il invite un vieil homme, Monsieur Oliva, à raconter ses aventures maritimes à ses élèves. Après avoir fait naufrage au Cap de Bonne Espérance, il dit avoir rencontré un magicien et une jeune femme accompagnée d’un chat extraordinaire : quand on lui ôtait ses lunettes, il avait le pouvoir de colorer les gens pour révéler leur vraie nature : en violet les menteurs et les hypocrites, en jaune les infidèles, en rouge les amoureux. Ce même jour, une troupe de forains arrive dans le village, avec un magicien et une jeune fille portant dans ses bras… un chat à lunettes !

Un jour, un chat (Až přijde kocour) sorti en 1963, est le septième long métrage de fiction du Tchèque Vojtěch Jasný (1925-2019), désigné « le père spirituel de la Nouvelle Vague tchécoslovaque » par Miloš Forman, et le premier film à l’avoir fait connaître au-delà des frontières de son pays. Il lui valut à Cannes le Prix spécial du jury, quand le cinéma tchécoslovaque commençait à s’affranchir de l’académisme imposé par le « réalisme socialiste » qui étouffait toutes les formes d’expression artistique.

Un jour, un chat

Un jour, un chat met en images une histoire originale de Vojtěch Jasný qu’il a coscénarisée avec Jirí Brdecka et Jan Werich, l’acteur principal. Aidés par le pouvoir du chat Mourek qui dévoile la vraie nature des gens, quatre adultes portent l’étendard de la liberté : le magicien, la trapéziste Diana, Oliva et Robert. Et, gage d’espoir, tous les enfants s’unissent pour sauver le chat dont la tête est mise à prix par les tenants de l’ordre moral dans cette fable burlesque, avec musique et danses, par laquelle Vojtěch Jasný voulait dire à tous que la liberté finirait par s’imposer, plus tard, quand les enfants seraient grands.

Un jour, un chat, avec des effets visuels inédits coloriant les personnages en rouge, jaune ou violet, des jeux de lumière noire faisant disparaître objets ou personnes pendant les tours de magie, propose aussi quelques plongées vertigineuses, une succession de gags slapstick (chutes dans une fondrière nauséabonde masquée par la végétation dans une forêt), de scènes surréalistes (un jeu de séduction amoureuse avec deux verres de vin déplacés sur les cases d’un échiquier, scènes filmées qui s’animent sur les pages blanches des écoliers).

Un jour, un chat

Cette originalité visuelle, obtenue avec la complicité du chef-opérateur Jaroslav Kučera (Les Petites marguerites / Sedmikrásky, 1969, Morgiana, Juraj Herz, 1972…), s’affranchit résolument de l’académisme qui contraignait depuis si longtemps le cinéma du bloc soviétique.

Un jour, un chat laissera aussi le souvenir de son magnifique lieu de tournage, la petite ville de Telč et de sa place du marché, un joyau de la renaissance italienne qui allait souvent servir de cadre, notamment en 1979 à Werner Herzog pour Woyzeck et pour plusieurs plans de Nosferatu - fantôme de la nuit (Nosferatu: Phantom der Nacht) et à Tom Fontana pour la série Borgia.

En plus de la captation pour Deutsche Grammophon de deux concerts dirigés par Herbert von Karajan, deux autres films de Vojtěch Jasný sont sortis en vidéo en France : J’ai survécu à ma mort (Prezil jsem svou smrt, 1960) et Chronique Morave (Vsichni dobrí rodáci, 1969), une autre édition Malavida Films.

Cette réédition de Un jour, un chat, après une restauration en 2021 par l’Immagine Ritrovata, sortie le même jour que La Passagère (Pasażerka, Andrzej Munk, 1963), vient s’ajouter à la longue liste de films d’Europe de l’Est du catalogue vidéo de Malavida Films.

Un jour, un chat

Présentation - 2,5 / 5

Un jour, un chat (105 minutes) et ses maigres suppléments (7 minutes) tiennent sur un DVD-9, logé dans un fin Digipack.

Le film est proposé dans sa langue originale, le tchèque, avec sous-titres incrustés dans l’image, au format audio Dolby Digital 2.0 stéréo.

À l’intérieur du Digipack, un livret de 12 pages contient l’article publié par Jean de Baroncelli dans Le Monde du 2 février 1966, intitulé Un vent de fronde, rappelant la « renaissance » du cinéma tchécoslovaque, marquée en 1963 par l’impact dans plusieurs festivals de cinq films. Ce n’était pas un miracle : avec Vojtěch Jasný, Miloš Forman, Evald Schorm, Jaromil Jireš, Jaromil Jireš, Věra Chytilová… un cinéma d’auteur était né, « enfin libre de refléter à la place d’un univers stéréotypé le monde personnel de chaque créateur », avec un intérêt pour les problèmes de la jeunesse, le goût de la satire. Un vent de fronde souffle aussi sur les autres arts, la littérature, le théâtre, la peinture, la sculpture. Le livret se referme sur une courte notice sur l’acteur, dramaturge et auteur Jan Werich, l’interprète de Monsieur Oliva et du magicien, sur l’actrice Emília Vášáryová, l’interprète de Diana, et sur le réalisateur Vojtěch Jasný.

Bonus - 2,0 / 5

Viva cinéma, rencontre avec Emília Vášáryová (myCANAL, 2021, 5’). L’interprète de Diana rappelle les temps de la sortie du film, une période de relatif dégel commencée 1963, interrompue en 1968 par les troupes du pacte de Varsovie et leur brutale répression du Printemps de Prague qui obligea Vojtěch Jasný et beaucoup d’autres à s’exiler. Le film donne « une image souriante, mais aussi une critique du manque de liberté ». Elle avait 20 ans lors du tournage et se souvient de l’émotion suscitée par sa rencontre avec Jan Werich et Jiří Sovák, l’interprète de l’instituteur et de la remise par Jeanne Moreau du Prix spécial du jury à Cannes.

Bande-annonce (1’52”).

Un jour, un chat

Image - 4,0 / 5

L’image, au ratio d’origine de 2.55:1 (ensuite recadré à 1.85:1 et 2.35:1), restaurée à partir de la numérisation d’un interpositif et de copies d’exploitation (on suppose que le négatif original avait disparu ou été trop mal conservé) assure cependant une assez bonne résolution, avec une préservation du grain de la pellicule 35 mm. Stable et débarrassée des stigmates de son âge, elle déploie des couleurs peu saturées.

Son - 4,0 / 5

Le son, bien nettoyé lui aussi, est pratiquement exempt de souffle. Alors qu’un avis mentionne une « restauration du film au format 2.55:1 avec son magnétique quatre pistes », il n’est proposé qu’au format Dolby Digital 2.0 stéréo, avec une faible séparation des voies, perceptible dans certains passages musicaux, mis en valeur par une assez bonne dynamique.

Crédits images : © Malavida

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 28 février 2024
Vojtěch Jasný a été un des premiers cinéastes tchèques à sentir le vent tourner au-dessus de l’Europe de l’Est au début des années 60 et à profiter du petit air de liberté soufflé par le dégel pour inventer cette fable loufoque du chat à lunettes qui sortit un village de sa torpeur en chamboulant l’ordre établi…

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Un jour, un chat
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