Histoire d'une prostituée (1965) : le test complet du Blu-ray

Shunpu den

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Seijun Suzuki
Avec Yumiko Nogawa, Tamio Kawaji et Hiroshi Cho

Édité par Elephant Films

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Le 06/06/2017
Critique

Histoire d'une prostituée

Dans les années 30, Harumi est une prostituée dont l’amant vient de se marier à une femme qu’il n’aime pas. Dépitée, elle se rend en Mandchourie, en plein conflit sino-japonais, pour y travailler avec d’autres filles au sein d’une compagnie de l’armée. Elle y devient vite le souffre-douleur d’un officier violent.

Histoire d’une prostituée (Shunpu den, 1965) s’ajoute aux cinq films de la même époque, produit par les Studios Nikkatsu et récemment édités par Elephant Films : deux autres aujourd’hui, La Barrière de chair (Nikutai no mon, 1964) et Le Vagabond de Tokyo (Tôkyô nagaremono, 1967), après trois, sortis en décembre 2014 : Détective Bureau 2-3 (Tantei jimusho 23: Kutabare akutô-domo, 1963), La Jeunesse de la bête (Yajû no seishun, 1963) et La Marque du tueur (Koroshi no rakuin, 1967).

Histoire d’une prostituée s’inscrit dans la mouvance de la Nouvelle vague du cinéma nippon, représentée notamment par Nagisa Ôshima et Shôhei Imamura. Le prolifique Seijun Suzuki (disparu en février dernier) a réalisé une bonne cinquantaine de films de série B, produits par les Studios Nikkatsu jusqu’à ce qu’en 1967 jusqu’à ce qu’ils rompent le contrat à la suite de l’échec commercial de La Marque du tueur au motif que ses films étaient incompréhensibles, trop hermétiques.

C’est dire que le cinéma de Seijun Suzuki sortait de l’ordinaire. Il s’est hissé sur les plus hautes marches du cinéma de genre dans son exploration des milieux interlopes, celui des yakuzas et des prostituées.

Histoire d'une prostituée

Avec des scénarios et dialogues bien écrits, les films de Suzuki, même s’il sont nettement moins politiques que ceux d’Ôshima et d’Imamura, portent tous un regard critique sur la société japonaise dont les fondations ont été sérieusement ébranlées par la reddition à l’issue de la guerre du Pacifique et fustigent l’occupation américaine qui a suivi.

Une caractéristique de l’œuvre de Suzuki est la place qu’il donne à la femme. À contre-courant de son image traditionnelle de l’épouse au service de l’homme, elle est suffisamment forte pour décider seule de son futur.

Histoire d’une prostituée, un des meilleurs films de Suzuki, s’inscrit tout particulièrement dans ce cadre. Harumi, dont le personnage est brillamment interprété par Yumiko Nogawa (elle incarnait Maya dans La Barrière de chair, son premier rôle), assume ses contradictions : son amour pour Mikami, l’officier dégradé au rang de soldat, et son désir charnel pour le capitaine, une vraie brute.

Avec Histoire d’une prostituée Seijun Suzuki questionne, plus ouvertement qu’il ne le fait généralement, les traditions, particulièrement le code de l’honneur militaire et son choix binaire, vaincre ou mourir. Si elles ne donnent pas la mesure des atrocités commises pendant l’occupation de la Chine, les exactions à l’encontre de la population civile ne sont pas masquées.

Maître dans l’utilisation de la couleur, Suzuki a choisi le noir et blanc pour Histoire d’une prostituée mais reste fidèle au cinémascope, le format qu’il sait parfaitement utiliser avec des cadrages très étudiés, souvent chargés de détails, parfois très épurés.

Histoire d'une prostituée

Présentation - 3,0 / 5

La première édition en haute définition d’Histoire d’une prostituée était d’autant plus attendue que le coffret de trois films édité par HK Vidéo en 2003 dans lequel figurait ce film, était depuis longtemps épuisé.

Histoire d’une prostituée (96 minutes) et des suppléments (37 minutes) sont proposés dans une édition combo Blu-ray + DVD (BD-50 et DVD-9) logés dans un boîtier, non fourni pour le test, effectué sur le seul Blu-ray.

Menu animé et musical, aux couleurs de MasterClass : La Collection des Maîtres propose le film dans sa seule version originale, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 1.0.

Le coffret contient également un livret collector rédigé par Bastian Meiresonne (20 pages, apparemment le même pour les trois films) qui ne nous a pas été fourni.

Bonus - 3,0 / 5

Présentation du film par Stephen Sarrazin (2017, 10’), enseignant spécialiste du cinéma japonais, auteur de plusieurs ouvrages, dont Réponses du cinéma japonais contemporain (Lettmotif, 2013). Sorti un an après La Barrière de chair, le thème du film reste dans l’univers des prostituées (1 000 soldats, 13 femmes !), mais donne plus d’espace à l’empathie avec l’amour sans limites de Hamuri pour Mikami. Le sexe, toujours présent, est regardé comme une échappatoire à la condition de prostituée, à la violence de la guerre. Stephen Sarrazin ne cache pas son admiration pour Yumiko Nogawa qu’il trouve « incandescente » !

Entretien de Seijun Suzuki avec Yves Montmayeur (enregistré en 2001 au festival de Gijon, 10’), réalisateur de nombreux documentaires sur le cinéma. Suzuki dit que son cinéma reprend les codes des films de yakuzas (il se réfère souvent à La Marque du tueur) et qu’il a été influencé, notamment pour l’utilisation de la couleur, par le cinéma classique et par la peinture japonaise qui donne aux couleurs une valeur symbolique. Le cinéma ne peut pas être réaliste. Il invente des histoires : c’est « un art de menteurs ».

Le « surréalisme doux », par Roland Lethem (2017, 17’), réalisateur, scénariste et acteur belge. Ce complément concerne La Barrière de chair : nous en avons rendu compte dans le test de cette édition.

Ces deux derniers compléments sont repris, tels quels, en bonus des deux autres films édités simultanément, La Barrière de chair et Le Vagabond de Tokyo.

Pour finir, une galerie de photos et desbandes-annonces.

Image - 4,0 / 5

L’image (2.35:1, 1080p, AVC), soigneusement restaurée à partir d’une copie neuve, nous dit-on, propose un fin dégradé de gris avec des blancs lumineux et des noirs denses, avec un très occasionnel manque de contraste. L’image est propre : seules trois ou quatre égratignures ont échappé à l’attention des restaurateurs qui ont respecté la texture d’origine.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 est, lui aussi, très propre, pratiquement sans souffle, mais avec quelques saturations, principalement dans l’accompagnement musical.

Histoire d'une prostituée

Crédits images : © Éléphant Films

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 8 juin 2017
Histoire d’une prostituée, un des meilleurs films et des plus forts de Seijun Suzuki sur un personnage féminin, nous ramène au temps de l’occupation de la Chine par le Japon, avant la deuxième guerre mondiale. Une réédition attendue, la première en haute définition.

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