Réalisé par Hirokazu Kore-Eda
Avec
Yagira Yuya, Kitaura Ayu et Kimura Hiei
Édité par ARP Sélection
Keiko, une jeune femme, emménage à Tokyo. Elle présente au propriétaire Akira, son fils de 12 ans. Arrivés dans le minuscule appartement, ils sortent de deux valises Yuki, une fillette de 6 ans et Shigeru, un garçonnet de 4 ans. Quelques heures plus tard, Akira fait entrer dans l’appartement Kyoko qui attendait sagement la tombée de la nuit dans la rue. Keiko abandonne ses enfants à la garde d’Akira, seul autorisé à sortir de l’appartement pour faire les courses avec l’argent qu’elle lui laisse…
Nobody Knows (Dare mo shiranai, 2004) est le quatrième film de fiction de Hirokazu Kore-Eda, venu au cinéma par le documentaire, ce qui peut expliquer le choix d’un thème inspiré d’un fait divers.
Le problème de l’enfance abandonnée est récurrent dans le cinéma asiatique, par exemple, en Corée, avec Délinquant juvénile (Beom-joe-so-nyeon de Kang Yikwan, 2012), A Cappella (Han Gong-ju de Su-jin Lee, 2013), au Japon, avec Mon deuxième frère (Nianchan de Shôhei Imamura, 1959), Le Journal de Yunbogi (1965) et Le Petit garçon (1969), inclus dans le Coffret Nagisa Oshima - 9 films, ou encore Une jeune fille a la derive (Hikô shôjo de Kirio Urayama, 1963). Hirokazu Kore-Eda reviendra d’ailleurs sur ce thème en 2015 dans Notre petite soeur (Umimachi diary).
Nobody Knows diffère cependant de la plupart des œuvres qui ont exploité le sujet : en évitant la dramatisation, sans porter de jugement de valeurs, il transmet simplement le regard des enfants sur leur propre sort. Le minuscule appartement, vite transformé en capharnaüm, dans lequel ils restent cachés au regard des voisins, apparaît comme un cocon, un nid douillet dans lequel ils vivent plutôt sereinement, sous la protection d’Akira qui s’acquitte de son rôle sans angoisse, en tenant dans un carnet le compte de tous les achats.
La lente fuite du temps (le film dure 141 minutes), saison après saison, laisse percer, très progressivement, le doute qui s’installe sur un éventuel retour de la mère et la montée de l’inquiétude des enfants. Sans l’aide de dialogues, plusieurs gros plans du désordre de l’appartement, de l’usure des vêtements… annoncent que la quiétude des premiers mois s’effrite face à une réalité qui s’impose un peu plus, semaine après semaine : ils ne reverront probablement plus leur mère.
Nobody Knows, au-delà de sa relation singulière du thème de l’enfance abandonnée, vaut par la légèreté des mouvements de caméra et la direction des jeunes acteurs. Tous débutants, ils semblent avoir complètement oublié la présence de la caméra. Yûya Yagira reçut le Prix d’interprétation masculine à Cannes, à l’âge de 14 ans, pour son incarnation d’Akira.
Nobody Knows (141 minutes) et son supplément (41 minutes) tiennent, pour cette première réédition en haute définition sur du Blu-ray double couche proposé en même temps qu’un DVD-9. Le menu animé et musical offre le choix entre version originale, avec sous-titres imposés, placés un peu haut sur l’image, et doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.
Le tournage de Nobody Knows (42’) est consacré à un défi essentiel de l’œuvre : le choix des enfants et leur préparation à l’interprétation des personnages. Il a fallu du temps pour qu’ils apprennent suffisamment à se connaître pour apparaître comme frères et sœurs, pour qu’ils s’approprient leur personnage, aidés par des lectures qui leur ont été faites du scénario, en soulignant les mots-clés. Et aussi, par l’étalement du tournage sur une longue période. Cet utile supplément se termine par les sanglots de Yûya Yagira quand le moment fut venu de dissoudre l’équipe, sa tâche accomplie.
Pour finir, la bande-annonce.
L’image (1.66:1, 1080p, AVC), très propre, présente des couleurs fraîches, soigneusement étalonnées. La résolution, assez étonnante pour un tournage en Super 16, et les contrastes, très satisfaisants dans les scènes de jour, laissent occasionnellement à désirer dans certaines de celles tournées en lumière faible.
Le son DTS-HD Master Audio 5.1 de la version originale et du doublage en français restitue avec clarté les dialogues et sa finesse met en valeur l’accompagnement musical à la guitare. Une utilisation cohérente des cinq voies crée une discrète sensation d’immersion dans l’ambiance pendant les scènes dans les rues de la ville.
Crédits images : © ARP Selection