Network, main basse sur la TV (1976) : le test complet du Blu-ray

Network

Édition Coffret Ultra Collector - Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Sidney Lumet
Avec Faye Dunaway, William Holden et Peter Finch

Édité par Carlotta Films

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Le 03/05/2019
Critique

Une sévère mise en accusation des chaînes de télévision : inféodées aux grandes entreprises, elles manipulent l’information.

Network

Howard Beale, présentateur du journal télévisé de la chaîne UBS, est licencié à la suite d’une sensible baisse de son audience. Désespéré, il donne rendez-vous à ses téléspectateurs pour son suicide en direct. Mais il se rétracte à la dernière minute, ce qui n’empêche pas le taux d’écoute de remonter en flèche…

Network, main basse sur la TV (Network), le vingt-troisième film de Sidney Lumet, sort en 1976 entre Un Après-midi de chien (Dog Day Afternoon, 1975) et Equus (1977), une remarquable adaptation de la pièce de Peter Shaffer avec Richard Burton, qui allait révéler le talent d’un débutant, Peter Firth, et donner à Jenny Agutter un de ses meilleurs rôles d’adulte avec L’Âge de cristal (Logan’s Run, Michael Anderson, 1976).

Sidney Lumet, après un court apprentissage du tournage de séries télévisées, notamment de You Are There, une reconstitution de faits historiques dont il dirigea treize épisodes, parmi lesquels un sur la libération de Paris, s’est vite fait reconnaître comme un des grands cinéastes américains pour sa maîtrise de la mise en scène et de la direction d’acteurs, ce qu’il a réussi à démontrer dès son premier film, 12 hommes en colère (12 Angry Men), sorti en 1957. Trois fois nommé aux Oscars, ce film fut longtemps utilisé, pour la rigueur de son scénario et de ses dialogues, en soutien de formations à la conduite de réunion et à la négociation en entreprise.

44 films en 50 ans

Cet heureux coup d’essai n’était pas accidentel. Suivra une série de films remarquables parmi lesquels se distinguent L’Homme à la peau de serpent (The Fugitive Kind, 1960), Vu du pont (A View from the Bridge, 1962), Le Prêteur sur gages (The Pawnbroker, 1964), tous en attente d’une édition vidéo en France, Point limite (Fail-Safe, 1964), La Colline des hommes perdus (The Hill, 1965), Serpico (1973), The Offence (1973), Le Crime de l’Orient Express (Murder on the Orient Express, 1974), Le Prince de New York (Prince of the City, 1981) et Le Verdict (The Verdict, 1983). Un somme de réussites qui sera justement reconnue par l’attribution tardive, en 2007, d’un Oscar d’honneur pour l’ensemble de son oeuvre.

Ses derniers films n’auront pourtant pas le même impact. Mais il finira sa carrière en beauté, en 2007, avec 7h58 ce samedi-là (Before the Devil Knows You’re Dead) en donnant à Philip Seymour Hoffman un de ses meilleurs rôles. Et je garde une petite faiblesse pour Une étrangère parmi nous (A Stranger Among Us, 1992) sur la curieuse enquête menée par Melanie Griffith dans la communauté hassidique de New York.

Network

Network, main basse sur la TV fut, dès sa sortie, reconnu comme un grand film, avec l’attribution de quatre Oscars, ceux de la Meilleure interprétation à Faye Dunaway et à Peter Finch (à titre posthume, il est mort deux mois avant) et celui du Meilleur scénario original à Paddy Chayefsky, le troisième qu’il reçut après Marty (Delbert Mann, 1955) et L’Hôpital (The Hospital, Arthur Hiller, 1971). Le quatrième Oscar, celui du Meilleur second rôle, fut attribué à Beatrice Straight.

On vous ment !

Network, main basse sur la TV est une mise en abyme sans concessions de la télévision. La mise en accusation d’une chaîne fictive, UBS, vise clairement les autres, CBS, NBC, abc, dont les logos s’affichent en grosses lettres au début du film, toutes obsédées par l’audimat et les parts d’audience qui font grimper le prix des secondes de publicité, caressant le spectateur dans le sens du poil pour ne pas risquer de le froisser. L’agression est frontale quand Howard Beale martèle devant les caméras : « Vous n’obtiendrez jamais la moindre vérité de nous. On vous dit ce que vous voulez entendre. On vous ment. » Les allusions au conditionnement du téléspectateur sont également limpides.

There is no democracy: There is only IBM, ITT and AT&T!

La charge dépasse le seul procès de la télévision pour englober celui de la société américaine, soumise au pouvoir des grands groupes, une accusation qui n’aurait pas manqué, quinze ans plus tôt, de déclencher les foudres de la House Un-American Activities Committee (avec laquelle Sidney Lumet avait d’ailleurs eu maille à partir), et de faire inscrire sur la liste noire réalisateur et scénariste.

I love Network: it’s a hell of a good picture!

« J’aime Network : c’est un sacré bon film ! » confessait Sidney Lumet dans le long entretien enregistré en 2008, trois ans avant sa disparition, fourni en supplément à cette édition. Difficile de le contredire.

D’abord, parce que le remarquable scénario de Paddy Chayefsky dénonce, sans langue de bois, les dérives de l’information du public par les chaînes de télévision. Un problème d’autant plus préoccupant qu’il dépasse les frontières des USA et qu’il perdure aujourd’hui.

Ensuite, pour la portée que donne aux dialogues l’interprétation du quatuor d’acteurs principaux, Peter Finch, Faye Dunaway, William Holden et Robert Duvall, sous la direction de Sidney Lumet.

Les deux précédentes éditions DVD de MGM étant depuis longtemps épuisées, Carlotta Films comble un vide en proposant le film, restauré et pour la première fois en haute définition, dans trois éditions : un Blu-ray ou sur DVD avec le film seul, et une édition prestige DVD + Blu-ray, complétée d’un livre et d’un long entretien avec Sidney Lumet.

Network

Présentation - 5,0 / 5

Network, main basse sur la TV (121 minutes) et son supplément (101 minutes) tiennent, dans l’édition prestige, sur un Blu-ray BD-50 et sur deux DVD-9 (l’un avec le film, l’autre avec le supplément) logés dans l’épaisse couverture d’un mediabook de 200 pages, inséré dans un cartonnage décoré par Joachim Roncin, pour former le douzième volume de la collection Coffret Ultra Collector de Carlotta Films.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, et dans un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 1.0.

Le mediabook de 200 pages (dont 12 pages de photos du film) contient la traduction, sous le titre Fou de rage : la genèse de Network et la vision prophétique du type le plus furieux du cinéma (Mad as Hell: The Making of Network and the Fateful Vision of the Angriest Man in Movie), du livre de Dave Itzkoff, publié en février 2014, consacré à Paddy Chayefsky, l’auteur du scénario original de Network. Il passe en revue sa vie et son oeuvre, avec des citations d’un personnage haut en couleurs, « colérique, épais, robuste, têtu et implacable » qui avait dressé la liste, non exhaustive, des problèmes de la télévision, fustigeant : « sa grossièreté, sa stupidité, son engouement pour les phénomènes de mode et sa passion de la superficialité ». Dave Itzkoff rappelle la gestation du scénario, l’écriture des dialogues, les négociations avec les major companies et la vente à MGM, les différents réalisateurs envisagés avant Sidney Lumet, le choix des acteurs, les répétitions, le tournage, fidèle au scénario. Puis vint la sortie du film, annoncée par une campagne promotionnelle insistant sur son caractère scandaleux. Il fut diversement perçu par la critique et souleva des polémiques, notamment dans l’industrie de la télévision, que Chayefsky entretenait en déclarant au New York Times : « La télévision, c’est la démocratie sous sa forme la plus laide (…) Je n’attaque personne, je dis seulement la vérité. » Le succès commercial fut là, comme la reconnaissance de la profession par l’attribution de cinq Golden Globes, puis de trois Oscars, dont celui du Meilleur scénario original. Le livre se termine par le chapitre intitulé Tout cela va arriver, soulignant le regard visionnaire de Network sur l’information à la télévision. « Si seulement Chayefsky pouvait revenir à la vie pour écrire The Internet ! », soupire Dave Itzkoff…

Network

Bonus - 4,5 / 5

By Sidney Lumet (110’, avec sous-titres optionnels, 1.78:1, 1080p, AVC, DTS-HD Master Audio, 2.0), un documentaire réalisé, avec les conseils de Martin Scorsese, par Nancy Buirski en 2015, sélectionné à Cannes pour la Caméra d’or, fait à partir d’un entretien enregistré en 2008. Il s’ouvre sur la première délibération du jury de Douze hommes en colère quand une seule voix, celle de Henry Fonda, s’oppose aux onze autres. Sidney Lumet explique pourquoi la moralité est présente dans tous ses films, sans qu’il en ait conscience. Il aime travailler et aurait pu continuer à la télévision. Mais la chance, à laquelle il croit, l’a amené au cinéma, lui offrant plus de moyens. Une seule chose l’intéressait dans Douze hommes en colère, c’était de pouvoir réaliser son premier film. Il évoque son enfance pendant la Dépression, dans le dénuement mais pleine de bons souvenirs, comme celui de la lecture de Hamlet en yiddish par son père, acteur de théâtre. Il relate ses débuts sur les planches encore enfant, puis à la radio, l’apprentissage de la discipline du travail, l’importance de la famille, source dramatique essentielle, son amour pour New York (visuellement exprimé dans The Wiz, en 1978, sa relecture du Magicien d’Oz). C’est l »expérience du théâtre et de la télévision qui lui a appris à filmer vite, après une intense préparation. Il dit son obsession pour le réalisme qui fait la force de Dog Day Afternoon, son souci de traiter les acteurs avec respect, sans les manipuler comme il a vu Elia Kazan le faire. Après s’être fait virer de l’Actors’ Studio, il a créé son propre atelier. Il se souvient de la montée de l’extrême droite, du déferlement du maccarthysme qui frappa encore plus durement la télévision que le cinéma, avec la volonté de détruire le service d’information de CBS, jugé trop à gauche. La chaîne réagira avec un épisode de You Are There, The Witch Trial at Salem, Massachusetts, qui reprenait, mot pour mot, certaines minutes du procès des inscrits sur la liste noire. Puis il y eut la condamnation à mort des Rosenberg, qui inspira son film Daniel, en 1983. Il aime particulièrement Network, un film qui n’est pas seulement sur la télévision mais aussi sur l’Amérique où beaucoup est fait pour étouffer l’individualité, et il avoue sa sympathie pour les rebelles, comme Serpico. « I am not unique at all. I’m lucky! », dit-il modestement. Un discours clair, superbement articulé, avec des extraits de 25 de ses films. Passionnant !

Network

Image - 5,0 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC) a été débarrassée de toute tache ou griffure et stabilisée. Lumineuse, agréablement contrastée, avec des noirs denses, elle affiche des couleurs ravivées, soigneusement étalonnées et naturelles. La relative douceur de l’image préserve sa texture originelle sans nuire à la lisibilité des détails, dans toutes les conditions d’éclairage.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, lui aussi bien nettoyé, avec une bonne dynamique, restitue très clairement les dialogues dans un bon équilibre avec l’ambiance (pas d’accompagnement musical). Un discret remixage 5.1 aurait pu élargir l’image sonore, un peu enfermée dans le canal central.

Ces observations valent pour le doublage en français qui tend à placer un peu trop en avant les dialogues, au timbre légèrement étouffé.

Crédits images : © 1976 TURNER ENTERTAINMENT CO. ET METRO-GOLDWYN-MAYER STUDIOS INC. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 3 mai 2019
« J’aime Network : c’est un sacré bon film ! » disait Sidney Lumet. Nous aussi ! Sa mise en accusation d’une télévision mercantile, soumise au diktat de l’audimat, manipulant l’information reste d’actualité plus de quarante ans après la sortie du film, à nouveau disponible grâce à cette exceptionnelle réédition.

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