Agent X27 (1931) : le test complet du Blu-ray

Dans la peau d’une espionne autrichienne pendant la première guerre mondiale, Marlene Dietrich, la muse de Josef von Sternberg.

Vienne, 1915. Marie Kolverer, veuve d’un soldat tué sur le front, se prostitue pour survivre. Elle est repérée par le chef des services secrets autrichiens qui l’engage comme espionne. Sa première mission consiste à trouver d’éventuels moyens de preuve qui pourraient confirmer les soupçons de trahison pesant sur le colonel von Hindau, attaché au chef d’état-major des armées…

Agent X-27 (Dishonored, 1931) est le troisième des sept films réalisés par Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich. Le rôle de Marie, librement inspiré de l’histoire de Mata-Hari, allait consacrer le statut de star mondiale de Marlene Dietrich. Elle était apparue dans une petite vingtaine de films allemands, avant que Josef von Sternberg ne la révèle au grand public avec L’Ange bleu (Der blaue Engel, 1930) auprès d’Emil Jannings, un des plus célèbres acteurs allemands. Le couple mythique qu’elle formera, la même année, avec Gary Cooper, dans Coeurs brûlés (Morocco) consolidera définitivement sa célébrité.

À l’égal des autres films qu’ils ont réalisés ensemble, Agent X-27 démontre l’aisance avec laquelle Josef von Sternberg peut tout exprimer par le seul moyen de l’image, l’acquis d’une expérience du cinéma muet : L’Ange bleu, sa dixième réalisation, sera son premier film parlant. S’il a propulsé Marlene Dietrich sous les feux de la rampe, elle a aussi inspiré ses meilleurs films. Ceux qui suivront les trois dont nous venons de parler, Shanghaï Express (1932), Vénus blonde (1932), L’Impératrice rouge (The Scarlet Empress, 1934) et La Femme et le pantin (The Devil Is a Woman, 1935) restent aujourd’hui des oeuvres incontournables pour tout cinéphile.

Rarement Marlene Dietrich aura-t-elle été aussi bien filmée. Disons même que rarement une femme n’a été aussi bien filmée par quiconque que Marlene Dietrich par Josef von Sternberg. La scène de L’Impératrice rouge dans laquelle le vacillement de la flamme d’une bougie trahit son désir reste gravée de manière indélébile dans la mémoire du spectateur après un premier visionnage.

La force d’Agent X-27 n’est pas dans la rigueur d’un scénario, un peu lacunaire, ni dans ses dialogues. Tout est transmis mais par l’image, sans artifices, hormis dans la composition des décors. Moins exubérants, en raison du sujet, que dans d’autres de ses films, ils portent la marque du réalisateur, son goût pour les jeux d’ombre et de lumière et pour des cadres saturés d’objets de toutes sortes, par exemple dans la scène du bal masqué, emblématique à cet égard. On retrouve aussi d’ingénieuses superpositions, jamais gratuites, comme celle de la scène où deux soldats et un aumônier viennent chercher Marie dans sa cellule.

Une curiosité du film est le choix de Victor McLaglen en tête de générique dans un rôle de séducteur, sous l’uniforme d’un officier russe, le colonel Kranau, engagé dans une vénéneuse relation d’amour-haine avec l’héroïne.

Agent X-27 (91 minutes) et ses suppléments (60 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-50 et un DVD-9 logés dans un boîtier standard de 14 mm, glissé dans un fourreau, non remis pour le test, effectué sur le seul Blu-ray.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Sont sorties simultanément les éditions combos de FILM(shanghai_express_combo_br)], L’Impératrice rouge et La Femme et le pantin.

Josef von Sternberg par Jean-Pierre Dionnet (12’). Originaire de Vienne, Josef von Sternberg rentre à New York dans l’industrie du cinéma par la petite porte, pour nettoyer des films (pas des affiches !), puis devient monteur, opérateur au service cinématographique des armées en 1917, et assistant du réalisateur français Émile Chautard pour Le Mystère de la chambre jaune (The Mystery of the Yellow Room), sorti en 1919. Il commence à tourner ses premiers films en 1925, surtout des policiers réalistes, et obtient un beau succès en 1928 avec Les Damnés de l’océan (Docks of New York). En 1930, Universal lui propose le tournage en Allemagne de L’Ange bleu. Exigeant envers lui et envers les autres, il est jugé insupportable par beaucoup d’acteurs, au point que les temps devinrent plus difficiles pour lui. Mais il réalisera encore quelques films importants, The Shanghai Gesture, en 1941, avec Gene Tierney et Victor Mature, et, en 1953, Fièvre sur Anatahan (Anatahan), l’histoire de soldats japonais oubliés à la fin de la guerre sur un îlot du Pacifique, un film très personnel qu’il a photographié, produit et dont il a coécrit le scénario.

Marlene Dietrich par Xavier Leherpeur (13’), critique de cinéma à La 7ème obsession. Marlene Dietrich, « un symbole sexué », une image iconique connue même des non-cinéphiles, incarne l’histoire bouleversée du XXème siècle. Jouer, pour elle, « c’est placer son corps, c’est placer sa voix, c’est placer sa ligne de regard. » C’est peut-être l’éducation rigoriste de son père qui l’a poussée à être provocatrice, à s’épanouir dans le bouillonnement culturel du Berlin des années 20 avant de devenir une vedette internationale et « un modèle d’inspiration pour les femmes ». Marlene Dietrich arrive aux USA avec Josef von Sternberg après le tournage de L’Ange bleu. Paramount les engage tous les deux pour concurrencer MGM qui venait de recruter Greta Garbo. Marlene Dietrich est une actrice à part, avec un visage qui sait trouver la lumière, changer naturellement d’expression. Elle a toujours su rester elle-même et affirmer une présence qui l’a conduite à jouer avec les meilleurs réalisateurs.

Agent X-27, un entretien avec Mathier Macheret (Le Monde) et Théo Esparon (historien et programmateur) (35’). Agent X-27 finissait d’imposer Marlene Dietrich comme une star après qu’elle ait profité de la notoriété d’Emil Jannnigs et de Gary Cooper dans ses deux films précédents. La première image qu’on a d’elle dans Agent X-27 est celle de ses jambes, avant qu’elle ne s’adonne à une incessante métamorphose. Le film bénéficie d’une mise en scène rythmée où l’on distingue le style du cinéma muet. Les deux critiques mettent en parallèle les relations complexes entre le colonel Kranau et Marie et celles du réalisateur avec son actrice.

Pour finir, une galerie de 5 photos et la bande-annonce des autres films de Josef von Sternberg et Marlene Dietrich dans la collection Cinéma MasterClass éditée par Elephant Films.

L’image (1.33:1, 1080p, AVC) a été très débarrassée par une restauration soigneuse de toutes les marques de dégradation de la pellicule. Le contraste va de blancs lumineux à des noirs denses, en passant par un parfait étalonnage des niveaux de gris. Le seul bémol tient à une légère instabilité lumineuse de certains plans.

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, un peu étriqué, sature dans les passages forte de l’accompagnement musical, des défauts inhérents à la source, enregistrée au début du parlant. On note aussi du souffle, à un niveau raisonnable et suffisamment régulier pour se faire un peu oublier.

Crédits images : © Elephant Films