Réalisé par Rouben Mamoulian
Avec
Gary Cooper, Sylvia Sidney et Paul Lukas
Édité par Rimini Editions
Pendant la prohibition, le gang de Big Fellow Maskal, spécialisé dans le trafic de la bière, n’hésite pas à tuer pour s’approprier de nouvelles brasseries. Nan, la fille de Pop Cooley, un sbire de Big Fellow, tente, en vain, de convaincre l’employé d’un stand de tir dont elle est amoureuse, le Kid, de rejoindre le gang. Un soir, Nan est arrêtée en possession du revolver avec lequel son père vient de tuer un homme. Son emprisonnement décide le Kid à proposer ses services à Big Fellow…
Les Carrefours de la ville (City Streets, 1931), l’adaptation d’une histoire de Dashiell Hammett tenant sur quelques pages, saluée par le Prix du public à Venise, est le deuxième long métrage, encore inédit en France, de Rouben Mamoulian après Applause, une comédie musicale. Une oeuvre beaucoup moins connue que celle qui, la même année, allait établir sa réputation, Docteur Jekyll et Mr. Hyde et valoir à Fredric March un Oscar pour sa performance protéiforme dans le rôle-titre.
Les Carrefours de la ville, dès les séquences d’ouverture, frappe par la fluidité des mouvements de caméra et l’ingéniosité du cadrage et du montage. Et aussi par la qualité de la photo expressionniste de Lee Garmes, un des chefs opérateurs que s’était attaché Josef von Sternberg, notamment pour trois de ses films avec Marlene Dietrich, Agent X27 (Dishonored, 1927), Coeurs brûlés (Morocco, 1930) et Shanghaï Express (1932).
Les Carrefours de la ville vaut aussi pour sa distribution. Gary Cooper, à 30 ans, commençait à inscrire son nom en tête d’affiche après quelques 25 films dans lesquels il n’était pas crédité au générique. Sylvia Sidney, « The Saddest Eyes in Hollywood », forme avec Gary Cooper un couple étrange, attendrissant : elle a l’air d’un enfant à côté de celui auquel elle n’arrive qu’à l’épaule. On aimerait la revoir, encore au début d’une longue carrière, dans Une Tragédie américaine (An American Tragedy, Josef von Sternberg, 1931). En attendant, elle est en tête de distribution de deux des trois films qu’elle tournera avec Fritz Lang, tous édités en France, Furie (Fury, 1936), J’ai le droit de vivre (You Only Live Once, 1937) et Casier judiciaire (You and Me, 1938).
No hard feelings?
Impossible d’oublier dans la distribution Paul Lukas dans sa composition de Big Fellow, un gangster qui a pour habitude de serrer chaleureusement la main des hommes qu’il vient de racketter, dont il a séduit la femme ou qu’il va, faire assassiner, en leur disant : « No hard feelings? » (On reste en bons termes ?), une phrase qui sera la chute du film. Parmi 135 rôles, il tiendra celui du Dr. Hartz du film de Hitchcock, Une femme disparaît (The Lady Vanishes, 1938).
Les Carrefours de la ville, un agréable cocktail de Film noir et de romance, avec une violence elliptique, jamais montrée : une « nouveauté » à découvrir qui s’ajoute au catalogue assez fourni des films de Rouben Mamoulian maintenant disponibles en vidéo.
Les Carrefours de la ville (83 minutes) et son supplément (16 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé en compagnie d’une DVD-9, dans cette édition combo proposée par Rimini Éditions, dans un digipack, glissé dans un étui. Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 1.0.
Entretien avec Alexandre Clément (16’), écrivain et essayiste, spécialiste du film noir et du roman noir, rappelle que le Film noir, un genre qui s’épanouira dans les années 40, n’était alors qu’en gestation. Certains le situent à l’intérieur d’une période allant de L’Inconnu du 3ème étage (Stranger on Third Floor, Boris Ingster, 1940) à La Soif du mal (Touch of Evil, Orson Welles, 1958). Mais Les Nuits de Chicago (Underworld, Josef von Sternberg, 1927, encore inédit) et La Fièvre au corps (Body Heat, Lawrence Kasdan, 1981) montrent que le genre peut difficilement être cantonné dans ces limites. Les Carrefours de la ville, qui peut être vu comme un des premiers Films noirs, privilégie le mouvement, plutôt que l’image, et donne à la femme un rôle essentiel.
L’image (1080p, AVC) au ratio 1.37:1 (et non 1.33:1, comme indiqué au dos de l’étui), a bénéficié d’une restauration qui n’a épargné que quelques rares taches ou rayures, à peine décelables, mais a laissé subsister une légère instabilité lumineuse et des contrastes variables, fermes dans l’ensemble, occasionnellement plus faibles dans quelques séquences.
Le son DTS-HD Master Audio 1.0 est exempt de bruits parasites inhérents à un film de cet âge, grâce à une attentive restauration qui n’a épargné qu’un souffle occasionnel, vite oubliable.
Crédits images : © Rimini Éditions