Sorry We Missed You (2019) : le test complet du Blu-ray

Réalisé par Ken Loach
Avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood et Rhys Stone

Édité par Le Pacte

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Le 12/05/2020
Critique

La mise en accusation par Ken Loach du prétendu « travail indépendant » est sans équivoque, mais aussi sans subtilité…

Sorry We Missed You

Être propriétaire est resté un rêve pour Ricky Turner : les revenus de ses petits boulots et de celui d’Abbie, aide à domicile de personnes âgées, ne font pas le poids face à la charge de l’éducation de leurs deux enfants, Seb, 16 ans et Liza Jae, 11 ans. Mais tout pourrait changer si Ricky devenait chauffeur-livreur à son compte… son propre patron. Réticente, Abbie finit par accepter de vendre la voiture avec laquelle elle visite ses clients pour que Ricky puisse acheter une fourgonnette…

Sorry We Missed You a été présenté à Cannes en 2019, trois ans après Moi, Daniel Blake (I, Daniel Blake) que Ken Loach avait annoncé être son dernier film, salué par la Palme d’or, la deuxième qui lui a été décernée après celle attribuée en 2006 à Le Vent se lève (The Wind that Shakes the Barley).

Paul Laverty est l’auteur du scénario de ces trois films et de sept autres réalisés par Ken Loach, depuis Carla’s Song (1996). Celui de Sorry We Missed You, plus encore que celui du film précédent, mise sur l’efficacité au détriment de la subtilité. Aucune latitude n’est laissée au spectateur pour interpréter les nuances ou deviner ce que pourraient cacher les non-dits dans ce lourd plaidoyer contre « l’ubérisation » du travail.

Sorry We Missed You

Vous ne travaillez pas pour nous, vous travaillez avec nous… maître de votre destin

Et pourtant, la démonstration du cinéaste, depuis toujours engagé dans la dénonciation des injustices, aurait été plus convaincante si le scénario s’était moins acharné à faire pleuvoir sur Ricky les mauvais coups du sort jusqu’à, par exemple, le conduire à la salle d’attente des urgences après un tabassage en règle par trois voyous ou ajouter à l’avalanche de ses problèmes le décrochage scolaire et le glissement vers la petite délinquance de son fils.

Établir le caractère fictif de l’indépendance de ce type d’emploi n’en demandait pas tant. D’autant moins que le modèle a été, depuis quelque temps, sérieusement battu en brèche, jusqu’aux USA, par le sénat de Californie qui a promulgué une loi donnant aux chauffeurs d’Uber le statut de salariés.

Sorry We Missed You

En France, la formule est sévèrement remise en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020 rejetant le pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019. La cour suprême confirme l’existence d’un lien de subordination entre le chauffeur et la société Uber (constatant qu’elle exerce « le pouvoir de donner des instructions, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le non-respect des instructions données ») et en déduit, logiquement, que « le chauffeur ne réalise pas sa prestation en qualité de travailleur indépendant mais en qualité de salarié. » La décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’ex-chauffeur pourra saisir le Conseil de prud’hommes de demandes de rappels de salaires et d’indemnités de rupture.

Sorry We Missed You donne une place importante, plus que celle que lui accordait Moi, Daniel Blake à l’observation d’une famille nucléaire, incarnée avec réalisme par Kris Hitchen, très présent, récemment converti au métier d’acteur, et des débutants, parmi lesquels on remarque surtout Debbie Honeywood, d’une extraordinaire vérité dans l’interprétation d’Abbie, son premier rôle après une figuration dans un des épisodes de la série Les enquêtes de Vera. Ce nouveau film confirme l’attention portée par Ken Loach au choix des acteurs et à leur direction.

Sorry We Missed You, en dépit de la lourdeur de sa démonstration, devrait faire réfléchir sur quelques-uns des modèles économiques qui se sont largement développés depuis une dizaine d’années.

Sorry We Missed You

Présentation - 4,0 / 5

Sorry We Missed You (101 minutes) et ses suppléments (24 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check disc.

Le menu animé et musical offre le choix entre la version originale, avec sous-titres imposés, et un doublage en français, les deux au format DTS-HD Master Audio 5.1.

Piste d’audiodescription DTS 2.0.

Sous-titres pour malentendants au format DTS 2.0.

Bonus - 3,5 / 5

Making of Sorry We Missed You (Sixteen Films, 2019, 5’). « On nous fait croire que c’est le plein emploi, mais que sont ces emplois ? (…) des boulots précaires, mal payés », nous dit Ken Loach. Paul Laverty, le scénariste, insiste en soulignant, avec un bel accent de Glasgow, la pression à laquelle sont soumis ces travailleurs dits « indépendants », comme Abbie. La productrice Rebecca O’Brien fait l’éloge de Kris Hitchen, l’interprète de Ricky.

Entretien avec Ken Loach (Le Pacte, 2020, 19’). Il a rencontré Paul Laverty en 1992 quand il sortait d’une mission d’observateur des droits de l’homme au Nicaragua, ce qui a donné l’idée du scénario de Carla’s Song. Après Le Vent se lève (The Wind that Shakes the Barley, 2006) sur la guerre d’indépendance de l’Irlande, It’s a Free World…, en 2007, sur la situation des migrants, il deviendra le scénariste de beaucoup de ses films. Il évoque ensuite le recrutement d’acteurs, pas nécessairement professionnels, sur les lieux de tournage, choisis notamment pour leur capacité à s’entendre avec l’équipe. La caméra doit être « une présence humaine compatissante » à la hauteur des personnages, avec des focales proches de la vision de l’oeil humain, sous une lumière naturelle, pour créer l’empathie entre spectateurs et personnages. La musique de George Fenton, son compositeur attitré depuis Ladybird, doit être simple et discrète : « Trop de musique dessert le film ». Et, en dépit des apparences, la conception des décors est très élaborée. Son message politique : faire que chacun puisse vivre dignement.

Sorry We Missed You

Image - 4,5 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC), parfaitement résolue, respecte le grain du Super 16. Les contrastes sont fermes, avec des noirs denses, et les couleurs, naturelles, ont été soigneusement étalonnées.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 de la version originale assure une claire restitution de tous les dialogues mais, en tendant à rester dans le plan frontal, ne crée qu’une trop discrète impression d’immersion dans l’ambiance.

Ce constat vaut pour le doublage en français qui paraît bien neutre en effaçant toutes les différences d’accent.

Crédits images : © Sixteen Films - Joss Barratt

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 12 mai 2020
« Vous ne travaillez pas pour nous, vous travaillez avec nous… maître de votre destin » : c’est l’appel à devenir autoentrepreneur lancé par des groupes multinationaux qui définissent seuls les strictes règles du jeu. Un modèle que Ken Loach met dramatiquement en accusation. Émouvant, en dépit de la lourdeur de la démonstration.

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