Réalisé par Todd Haynes
Avec
Mark Ruffalo, Anne Hathaway et Tim Robbins
Édité par Le Pacte
Rob Billot, associé de Taft Law, un important cabinet américain d’avocats-conseils de la grande industrie, est alerté sur le drame vécu par Wilbur Tennant, un fermier de Parkersburg, West Virginia : les déchets enfouis dans un terrain voisin par la société DuPont, le géant de l’industrie chimique, ont pollué l’eau, l’ont rendu malade et ont anéanti son cheptel bovin. L’agent toxique, le PFOA (acide perfluorooctanoïque, aussi appelé C8), une molécule créée juste après la seconde guerre mondiale, est couramment utilisée par DuPont, notamment pour la fabrication du Teflon, un produit qui a largement contribué à sa fortune. L’industriel choisit de nier la nocivité du composant et refuse de communiquer les pièces sollicitées par Rob Billot qui l’assigne en justice et s’engage dans un combat qui va durer 17 ans.
Dark Waters, sorti dans nos salles en février 2020, est le huitième long métrage de Todd Haynes qui fit une entrée, remarquée et tapageuse, dans les salles de cinéma en 1991 avec Poison, trois histoires inspirées de l’oeuvre de Jean Genet. On peut également, dans une intéressante filmographie, trouver Loin du Paradis (Far from Heaven, 2002) et une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith, Carol (2015), deux plaidoyers pour la différence sexuelle, ainsi que la belle minisérie Mildred Pierce qui valut à Kate Winslet un Golden Globe en 2011.
Dark Waters retrace fidèlement le difficile combat mené par Rob Billot. S’attaquer à DuPont, un fleuron de l’industrie américaine, créé en 1802 par notre compatriote Éleuthère Irénée Du Pont de Nemours, était un premier défi. Cette initiative allait à contre-courant de l’activité du cabinet de Cincinnati, spécialisé dans la défense des industriels contre des risques encourus en cas d’infraction à la réglementation sur la protection de l’environnement.
Le film souligne que l’assignation en justice, lancée en 1999, d’une des plus grosses firmes internationales l’accusant d’avoir commercialisé des produits qu’elle savait dangereux pour la santé, à l’origine de sept pathologies graves, était aussi un défi lancé au pouvoir, par la dénonciation de l’inefficacité, voire de la complaisance de l’EPA (Environmental Protection Agency, créée par Richard Nixon en 1970).
Dark Waters, réalisé avec soin, vaut essentiellement par la rigueur de son scénario. Mario Correa, son auteur, Mark Ruffalo et Todd Haynes, sans se limiter aux informations tirées de l’article Nathaniel Rich, The Lawyer Who Became DuPont’s Worst Nightmare, publié dans les colonnes du New York Times en 2016, ont tenu à rencontrer Rob Billot et Tom Terp, le patron de Taft Law, et se sont attachés à donner des diverses étapes de cette complexe affaire judiciaire un compte-rendu à la fois minutieux et clair.
Mark Ruffalo, après quelques incarnations de Hulk, reprend là, dans une interprétation sobre et crédible de Rob Billot, un rôle aussi engagé que celui de Mike Rezendes, le journaliste du Boston Globe qui étala au grand jour les pratiques pédophiles de nombreux prêtres de la région de Boston, couvertes par l’Église catholique, un scandale mis en images par le film Spotlight, réalisé par Tom McCarthy en 2015. Lui donnent la réplique dans Dark Waters, Anne Hathaway, dans le rôle de Sarah Barlage Bilott, Tim Robbins dans celui de Tom Terp, Victor Garber, d’un cynisme saisissant, dans celui de Phil Donnelly, un associé du cabinet adverse, et Bill Camp, poignant dans sa composition de Wilbur Tennant.
Le documentaire The Devil We Know, réalisé en 2018 par Stephanie Soechtig et Jeremy Seifert, sélectionné pour le Grand prix du jury de Sundance, traitait déjà de la pollution de Parkersburg, dont les conséquences dramatiques rappelaient une autre affaire, celle des rejets de mercure dans la baie de Minamata par une usine de PVC, que rappellera Minamata, le film d’Andrew Levitas, avec Johnny Depp en tête d’affiche, présenté à la Berlinale en février 2020. L’adaptation, sous la forme d’un documentaire-fiction choisie pour Dark Waters devrait permettre, comme l’avait fait Erin Brockovich en 2000, de sensibiliser un plus large public aux risques, parfois dramatiques, de la pollution.
Dark Waters (127 minutes) et ses suppléments (57 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check disc.
Le menu animé et musical propose le film avec le choix entre la version originale en anglais, avec sous-titres imposés (mais idéalement placés, à cheval sur la bande noire), et un doublage en français, les deux au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.
Piste d’audiodescription DTS 2.0.
Sous-titres pour malentendants.
Entretien avec Todd Haynes (16’, Le Pacte, 2020). Dans le scénario que lui a proposé Mark Ruffalo, c’est la réaction du personnage central, l’avocat Rob Billot qui lui a donné l’envie de réaliser le film. Accompagné de Mark Ruffalo et du scénariste Mario Correa, il a rencontré à Cincinnati Rob Billot qui les a emmenés à Parkersburg, là où toute l’histoire a commencé. Il n’a pas eu de mal à attirer Anne Hathaway, Tim Robbins, Bill Camp et Victor Garber. Les scènes étaient répétées avant le tournage avec une certaine liberté d’improvisation laissée aux acteurs. Il a travaillé avec Edward Lachman, son chef-opérateur depuis Loin du Paradis (Far from Heaven, 2002). Le compositeur Marcelo Zarvos a rejoint le projet au stade de la postproduction avec très peu de temps pour finaliser une partition d’une quarantaine de minutes.
Entretien avec Mark Ruffalo (8’). La qualité de l’article de Nathaniel Rich a éveillé son intérêt pour l’affaire et son envie de découvrir ce que l’article ne révélait pas et de mettre l’accent sur la lutte de Rob Billot, héroïque et impopulaire. Sa persévérance couronnée de succès, à l’origine de la plus grande étude de santé publique jamais entreprise, donne un bel exemple du pouvoir d’un individu déterminé à rendre le monde meilleur.
Entretien avec Anne Hathaway (8’). Elle a été émue par le scénario, par l’histoire d’un combat de David contre Goliath et convaincue d’accepter le rôle en appréciant, après l’avoir rencontrée, la force de caractère de Sarah Barlage, l’épouse de Rob Billot.
Entretien avec Tim Robbins (11’). Il avait lu un article avant l’écho donné à l’affaire par le New York Times. Il estime que nous vivons dans une société où le pouvoir protège le pouvoir. Il a été immédiatement intéressé par le rôle de Tom Terp, le patron de Taft Law, un homme de pouvoir qui a osé agir à l’encontre de la culture de son entreprise au nom de la moralité dès que
Tom Billot lui a présenté les preuves de ses allégations. Cette histoire démontre qu’un seul homme peut changer le cours des choses si sa cause est juste.
Entretien avec Rob Billot (14’). Il a mis au grand jour le PFOA, un composé chimique inventé à la fin de la deuxième guerre mondiale, soumis à aucune régulation, largement diffusé sur toute la planète, bien qu’il soit dangereux pour la santé, ainsi que les résistances de l’industrie et des institutions publiques à reconnaître cette dangerosité. Mark Ruffalo et Todd Haynes se sont appliqués à veiller à l’authenticité du compte-rendu d’une affaire complexe qui s’est déroulée sur deux décennies et s’est dénouée, en 2017, avec un arrangement amiable prévoyant l’indemnisation par DuPont de 3 500 personnes ayant bu l’eau contaminée, pour un montant total de 671 millions de dollars. Mais d’autres produits toxiques, autour de 47 000, sont classés sous l’étiquette P-Phos (per- & polyfluoroalkylées), des substances extrêmement résistantes qui vont perdurer dans l’environnement.
Bande-annonce.
L’image numérique (2.39:1, 1080p, AVC) profite d’une définition poussée révélant tous les détails des arrière-plans des extérieurs ou des intérieurs. La texture est délicate, comme les couleurs, légèrement insaturées dans une palette assez froide, agréablement contrastées, avec des noirs profonds.
Le son DTS-HD Master audio 5.1 de la version originale assure la clarté des dialogues qui prennent une place essentielle dans le film et délivre avec finesse l’accompagnement musical de Marcelo Zarvos (Ray Donovan, Wonder), auquel il donne une belle ampleur. Une utilisation timide des voies latérales rend trop discrète l’impression d’immersion dans l’ambiance.
Ces observations valent pour le doublage en français, assez monotone.
Crédits images : © Participant - Killer Films