L'Enfer des anges (1941) : le test complet du Blu-ray

Un film injustement méconnu de Christian-Jaque, encore inédit en vidéo, à découvrir après restauration.

Lucette, une jeune fille évadée d’une maison de redressement, rencontre un jeune garçon battu ayant perdu la mémoire. Elle le prénomme Lucien et s’attache à lui. Tous les deux cherchent à s’intégrer tant bien que mal à la population misérable d’un bidonville de l’est parisien.

L’Enfer des anges, tourné en 1939, sorti en 1941, est le fruit de la collaboration de Christian-Jaque avec l’écrivain Pierre Véry, auteur d’une trentaine de romans. Parmi les six films qu’ils feront ensemble, les plus connus sont Les Disparus de Saint-Agil (1938) et L’Assassinat du Père Noël (1941), deux autres films dans lesquels les enfants figurent en premier plan.

L’Enfer des anges, dont les extérieurs furent tournés dans la « zone » de Saint-Ouen, dénonce la misère qui sévissait en bordure de Paris, entouré de petits immeubles insalubres, menaçant ruine, et de bidonvilles. Cette exposition de la misère explique vraisemblablement le refus du visa d’exploitation : le film est resté deux ans au placard jusqu’à ce que la censure soit levée sous l’occupation allemande.

Christian-Jaque a fait appel, pour ce sombre mélodrame, à une partie des enfants recrutés pour Les Disparus de St. Agil, tourné un an avant (parmi eux, Mouloudji). Dans les rôles d’adultes, à Bernard Blier, encore cantonné dans des seconds rôles, et à des vedettes d’alors : à Jean Tissier dans le rôle de Max, un méchant visqueux, dans celui du Père La Loupe, à Dorville (qui mourut avant la sortie du film). On voit aussi la chanteuse Fréhel interpréter une mégère, émule de la Thénardier.

L’Enfer des anges, malgré la fin heureuse imposée au réalisateur au détriment de la continuité, frappe par la beauté de cadres rigoureusement composés, avec un sens de la construction de l’espace acquis par Christian-Jaque pendant ses études d’architecture, par la photographie d’Otto Heller, formé à l’école de l’expressionnisme allemand et par les décors et la direction artistique de Jean d’Eaubonne.

L’Enfer des anges, encore inédit en vidéo, surpasse indiscutablement les films en costumes plus connus que Christian-Jaque réalisa avec Marine Carol (une de ses six épouses !), Lucrèce Borgia (1953) ou Madame du Barry (1954).

Pathé répare une injustice en proposant ce beau film, après une restauration 4K opérée en 2019 par L’Image Retrouvée, dans une édition accompagnée d’une utile analyse de l’oeuvre et de la fin originale.

L’Enfer des anges (94 minutes) et ses suppléments (63 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé, pour cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9, dans un digipack.

Le menu animé et musical propose le film au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Piste d’audiodescription au même format, sous-titres pour malentendants et sous-titres anglais.

Fin alternative restaurée inédite (8’). La première version créée par Christian Jaque et Pierre Véry, jugée trop pessimiste, a été retouchée avec une fin heureuse. La dernière séquence est muette, en partie sous-titrée, la piste sonore n’ayant pu être retrouvée.

Entre le noir et le sombre : entretiens autour du film (45’, Pathé Vidéo, 2020), par Noël Véry, fils de Pierre Véry, Didier Griselain, spécialiste du cinéma français des années 1930-1960, et Philippe Roger, maître de conférences en études cinématographiques. Christian-Jaque débute au cinéma comme affichiste, puis devient décorateur, aide-réalisateur et réalisateur de vaudevilles. Il tourne vite : six longs métrages en 1936. De 1940 à 1960, il va privilégier les films en costumes, puis, à partir de 1970, les films d’aventure et les séries télévisées. Dans les années 30, la répression était la seule réponse de la société à la délinquance juvénile : l’enfermement dans des maisons de « correction » ou de « redressement », une politique dénoncée par Alexis Danan, journaliste à Paris Soir qui tirait à 1,8 millions d’exemplaires. Pierre Véry ne voulait pas se lancer dans les dialogues, qui furent confiés à Pierre Laroche. Didier Griselain retrace la carrière de certains des jeunes acteurs, notamment de Serge Grave.

Les îlots insalubres - 1931 (1’, Pathé Journal).

La lutte contre le taudis - 1938 (1’, Pathé Journal).

Lancement du premier Festival de Cannes - 1939 (8’). Une présentation de Cannes, en plein été, avec quelques figures de la jet set, quelques semaines avant l’ouverture, prévue pour le 1er septembre, du premier Festival du cinéma. L’invasion de la Pologne par l’Allemagne, puis la déclaration de la guerre, bousculeront le calendrier : il faudra patienter pendant sept ans, jusqu’au 20 septembre 1946.

L’image (1080p, AVC) au ratio original 1.37:1, avec des blancs lumineux, des noirs denses et un fin dégradé de gris, permet d’apprécier la beauté des cadres et des éclairages. La restauration a opéré un parfait nettoyage, mais avec une réduction du grain légèrement excessive qui tend à trop lisser les gros plans de visages.

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, très propre lui aussi, pratiquement sans souffle, sauf au milieu des dialogues clairement restitués, délivre l’accompagnement musical avec quelques saturations dans les passages forte.

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