Muriel ou le temps d'un retour (1963) : le test complet du Blu-ray

Version Restaurée

Réalisé par Alain Resnais
Avec Delphine Seyrig, Jean-Pierre Kérien et Nita Klein

Édité par Potemkine Films

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Le 02/12/2020
Critique

Le troisième long métrage d’Alain Resnais nous revient magnifiquement retauré et complété par des bonus exclusifs.

Muriel ou le temps d'un retour

Hélène vit avec son beau-fils, Bernard, revenu de son service militaire en Algérie. Elle invite Alphonse, un vieil ami, et sa nièce à venir chez eux à Boulogne-sur-Mer. Cette irruption, en faisant remonter les souvenirs du passé, rouvrira de profondes cicatrices…

Muriel ou le temps d’un retour, produit par Argos Films, sorti en 1963, est le troisième long métrage réalisé par Alain Resnais, après Hiroshima mon amour (1959, sur un scénario de Marguerite Duras) et L’Année dernière à Marienbad (1961, sur un scénario d’Alain Robbe-Grillet), si l’on oublie Ouvert pour cause d’inventaire, sorti en 1946, aujourd’hui perdu. L’un après l’autre, ces films allaient confirmer le style si particulier d’Alain Resnais, inattendu. Hirosihima mon amour, présenté hors compétition à Cannes en 1959, divisa la critique mais connut une belle audience internationale et plus de 2 millions d’entrées en France.

Le scénario et les dialogues furent écrits par le poète et romancier Jean Cayrol, auteur du commentaire de Nuit et brouillard, un des nombreux documentaires réalisés par Alain Resnais après la guerre, un commentaire poignant, encore plus si l’on sait que Jean Cayrol, résistant, est un des rescapés du camp de concentration de Mauthausen.

Muriel ou le temps d’un retour est aussi, après une solide expérience de la scène, le deuxième rôle au cinéma de Delphine Seyrig, qu’Alain Resnais avait employée deux ans plus tôt dans L’Année dernière à Marienbad.

À de rares exceptions près, notamment dans le plan-séquence final, la caméra est fixe, mais un découpage, apparemment aléatoire, en plans très courts souligne l’instabilité des personnages, surtout d’Hélène et Bernard « qui ne peuvent rester en place ». L’intrigante déstructuration de l’écriture est accentuée par le découpage et par l’accompagnement musical atonal du compositeur allemand Hans Werner Henze qui écrira, trois ans plus tard, la partition du premier long métrage de Volker Schlöndorff, Les Désarrois de l’élève Toerless (Der junge Törless).

Muriel ou le temps d’un retour est également le premier film à faire une aussi claire allusion à la torture pendant la guerre d’Algérie, dont Bernard (interprété par Jean-Baptiste Thiérrée) vient de revenir, physiquement sain et sauf, mais hanté par le souvenir de Muriel. On ne sait rien d’elle, sinon qu’elle a subi des tortures dont Bernard, selon toute vraisemblance, a été l’un des auteurs.

Cette édition par Potemkine Films fait mieux que combler le vide laissé par l’épuisement du DVD sorti par ARTE Éditions en proposant une parfaite restauration du film, pour la première fois disponible en haute définition et accompagné de quatre bonus exclusifs.

Muriel ou le temps d'un retour

Présentation - 4,0 / 5

Muriel ou le temps d’un retour (116 minutes) et ses suppléments (105 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50, logé dans un digipack.

Le menu animé et musical propose le film au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Piste d’audiodescription au même format audio et sous-titres pour malentendants.

Une édition DVD sort simultanément, avec deux des quatre bonus vidéo.

Bonus - 4,5 / 5

Quatre bonus exclusifs produits en 2020 par La Bête Lumineuse :

Delphine Seyrig et Muriel (28’) par le critique Alexandre Moussa, auteur d’une conférence sur l’actrice. Après dix ans d’expérience de la scène et une participation à deux séries aux USA (notamment à Sherlock Holmes, avec Ronald Howard), c’est avec L’Année dernière à Marienbad, en 1961, que Delphine Seyrig commence sa carrière au cinéma qu’elle mènera en parallèle avec une activité théâtrale. Après une minutieuse préparation des scènes, Alain Resnais laissait aux acteurs une certaine liberté pendant le tournage. Le jeu de Delphine Seyrig est composé de gestes très naturels, banals, et, en opposition, de dialogues et de postures théâtraux, « un mélange de réalisme un peu cru et d’ironie sur soi » qu’elle utilisera dans les films suivants.

Boulogne ou le temps d’un retour (25’) par François Thomas, auteur de L’Atelier d’Alain Resnais (Flammarion, 1989). Le scénariste Jean Cayrol a choisi de situer l’action à Boulogne sur Mer, une ville traumatisée, comme les personnages du film. Alain Resnais commence, pendant l’écriture du scénario, les repérages de la ville : elle apparaîtra dans le montage final par petits fragments, « éclatés » comme les pièces d’un puzzle et sera « le personnage principal du film ». Certaines scènes ont été tournées hors de Boulogne, des intérieurs à Orgeval, et celles dans la cour de l’atelier de Bernard, rue Riquet, dans le XIXème. L’appartement d’Hélène a été construit en studio avec des découvertes placées derrière les fenêtres pour simuler la ville. On voit peu le port dont la présence est souvent rappelée par la bande-son.

Muriel ou le temps d'un retour

La guerre d’Algérie au cinéma (27’) par Mouloud Mimoun, critique de cinéma. En raison de la censure, la guerre d’Algérie n’a longtemps été évoquée que de manière allusive. Certains cinéastes l’ont citée plus directement : Alain Cavalier avec Le Combat dans l’île (1962) et L’Insoumis (1964), Jacques Rozier avec Adieu Philippine (1962). La première relation frontale, dénonciatrice des agissements de l’armée française, fut, en 1958, Algérie en flammes de René Vauthier (disponible dans le coffret René Vautier en Algérie) qui réalisera en 1972 Avoir 20 ans dans les Aurès. Après l’indépendance, le cinéma algérien ne produisit qu’une suite de films de propagande à l’héroïsme idéalisé, avec un regard univoque sur la guerre, sans aucune analyse. Il faudra attendre les années 2000 pour qu’une vision critique soit donnée, par exemple par Cartouches gauloises (Mehdi Charef, 2007), Hors-la-loi (Rachid Bouchareb, 2010), Ce que le jour doit à la nuit (Alexandre Arcady, 2012), Loin des hommes (David Oelhoffen, 2014), Qu’un sang impur… (Abdel Raouf Dafri, 2019).

Entretien avec Philippe Faucon (25’), réalisateur et scénariste de La Trahison de Jean-Luc Godard furent des films difficiles à voir jusqu’à leur édition sur DVD, en raison de la censure et du souhait de ceux qui ont été enrôlés dans la guerre d’Algérie d’oublier cet épisode de leur vie. Mais ceux-là ont fini par communiquer leur vécu du conflit. Bien que Muriel ou le temps d’un retour risquât d’être censuré en 1962, plus de cinquante films français évoquèrent la guerre d’Algérie. La censure n’existait plus pour La Trahison, mais le manque d’intérêt des producteurs a néanmoins compliqué son financement. Des films américains sur la guerre du Viêt-Nam ont été réalisés plus tôt, mais produits par des studios indépendants, pas par Hollywood. Philippe Faucon projette la réalisation d’un film sur les harkis.

Muriel ou le temps d'un retour

Image - 5,0 / 5

L’image (1.66:1, 1080p, AVC), très propre, lumineuse, fermement contrastée, avec des noirs denses, propose une palette de couleurs ravivées, soigneusement étalonnées dans toutes les conditions d’éclairage. Le contrôle du grain respecte la texture argentique.

Son - 4,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, lui aussi très propre (à peine peut-on déceler un très léger souffle), restitue avec clarté les dialogues et sans saturations la partition de Hans Werner Henze.

Une exemplaire restauration après numérisation 4K, opérée en 2015 à partir du négatif d’origine 35 mm, par Éclair Group pour l’image et par L.E. Diapason pour le son.

Crédits images : © Argos Films, Les Films de Pléïade, Dear Film Produzione

Configuration de test
  • Vidéo projecteur JVC DLA-X70BRE
  • OPPO BDP-93EU
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • TEST EN RÉSOLUTION 1080p - Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 3 février 2021
Cette édition par Potemkine Films fait mieux que combler le vide laissé par l’épuisement du DVD sorti par ARTE Éditions en proposant une parfaite restauration du film, pour la première fois disponible en haute définition et accompagné de quatre bonus exclusifs.

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