Réalisé par Gilles Grangier
Avec
Jean Gabin, Paul Frankeur et Claude Sylvain
Édité par Pathé
Ancien docker, François Cardinaud a mis trente ans pour devenir ce qu’il est, un des hommes les plus importants de La Rochelle. Sa réputation est justifiée, celle d’un type retors, coriace et exigeant. Il a débuté et a grandi sur le port, parmi une faune carnassière, où celui qui ne mord pas est voué à être mordu. En regagnant sa villa, un dimanche au retour de la messe, Cardinaud constate que sa femme Marthe est partie.
Le Sang à la tête, une adaptation avec Michel Audiard du roman de Georges Simenon Le Fils Cardinaud, est un des meilleurs de la quarantaine de films réalisés par Gilles Grangier de 1943 à 1970. Il a, depuis 1970, surtout oeuvré pour la télévision et réalisé quelques séries, dont Mohicans de Paris, Les, une adaptation du roman d’Alexandre Dumas. Une grande partie de son oeuvre, pas moins de treize films est le fruit d’une collaboration avec Jean Gabin et Michel Audiard à l’écriture du scénario et des dialogues.
Gilles Grangier sera décrié par la Nouvelle Vague qui voyait en lui le tenant d’un cinéma artificiel, filmé en studio, dépassé. Un reproche immérité, particulièrement pour Le Sang à la tête, largement filmé en extérieurs, à La Rochelle ou dans ses environs : au Café de la Paix, à l’Encan, au port de La Pallice, à l’embarcadère pour l’île de Ré… Même les bureaux de Cardinaud sont des décors réels du quartier du Gabut.
Le Sang à la tête, en portant un regard plutôt bienveillant sur les personnages, mais en égratignant un peu la bourgeoisie rochelaise rend compte de l’étude de milieu proposée par le roman de Georges Simenon, retranscrite avec réalisme. Avec le temps, le film a acquis une valeur d’archive documentaire.
Ce réalisme est souligné par une mise en scène sans artifice, par la photographie naturaliste d’André Thomas (qui décédera à 44 ans, avant la sortie du film) et, surtout, par l’authenticité de sa distribution, en tête de laquelle Jean Gabin est parfaitement crédible dans sa composition d’un ancien docker qui a réussi à devenir un personnage important et reconnu comme tel.
Le Sang à la tête (86 minutes) et ses suppléments (55 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50, logé, pour cette édition combo, en compagnie d’un DVD-9, dans un digipack, glissé dans un étui.
Le menu animé et musical propose le film au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.
Piste d’audiodescription DTS-HD Master Audio 2.0.
Sous-titres pour malentendants.
Présentation du film par Bertrand Tavernier (27’, 2021). Vu par la Nouvelle Vague comme un réalisateur du « cinéma de papa », Gilles Grangier fut pourtant l’auteur de grands films dans sa « période heureuse », à la fin des années 50, tels Échec au porteur (récemment réédité par Pathé), Le Désordre et la nuit et 125 rue Montmartre. Il a été légitimement réévalué. De nombreuses séquences de ses films ont été tournées en extérieurs, « dans le ton de Jacques Becker » et dans des décors réels magnifiquement filmés « sans frime ». « Hôte du même monde que Jean Gabin », il filme avec empathie ses personnages, sans misogynie, en dirigeant les acteurs sans effets spectaculaires. Le scénario et les dialogues d’Audiard adoucissent le roman de Simenon.
Une de ses dernières présentations de Bertrand Tavernier, enregistrée le 27 janvier 2021 deux mois avant sa disparition.
Gilles Grangier, le cinéma dans le sang par François Guérif (12’), auteur d’un recueil d’entretiens avec Gilles Grangier, Passé la Loire, c’est l’aventure (Actes Sud, 2021). « Artisan du cinéma », selon lui, vilipendé par la Nouvelle Vague, il sera réhabilité par Bertrand Tavernier et par Alain Corneau. Sa rencontre avec Jean Gabin sur un plateau de Jean Renoir marqua le début d’une longue collaboration. Le Sang à la tête donne un rôle ingrat à Gabin, « toujours sur la défensive ».
Retour sur la carrière de Michel Audiard (3’, 1969), extrait de Cinéastes d’aujourd’hui. « On m’a souvent reproché de ne pas savoir écrire : c’est normal, parce que je n’ai jamais appris. Par contre, j’ai appris très jeune à parler », affirme Audiard dans la belle demeure de Dourdan où il écrivit les dialogues de cinquante films.
Pleins feux sur Jean Gabin (7’, 1975). « J’ai un peu tout fait, manoeuvre, cimentier… des tas de trucs qu’on fait à ces âges-là pour gagner sa croûte (…) et quelques bons films avant la guerre. » « Je ne peux pas être prisonnier d’un dialogue : il faut que je me l’arrange. »
Chanson de Florelle (3’, Actualités Pathé, 1932), une chanson de son nouveau tour de chant aux Folies Bergères, après son accident de voiture.
Georges Simenon reçu à l’Académie royale de Belgique (3’, Actualités Pathé, 1952).
L’image (1.33:1, 1080p, AVC) restaurée après numérisation 4K du négatif original, débarrassée de toute marque de dégradation de la pellicule, stabilisée, soigneusement étalonnée, déploie un délicat dégradé de gris, avec des noirs assez denses. Le contrôle du grain respecte la texture du 35 mm.
Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, pratiquement sans souffle, restitue les dialogues avec un timbre naturel et délivre l’ambiance avec un réalisme satisfaisant, par exemple celle de la criée aux poissons.
Crédits images : © Les Films Fernand Rivers