Le Dernier métro (1980) : le test complet du Blu-ray

Édition Coffret Ultra Collector - Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par François Truffaut
Avec Catherine Deneuve, Gérard Depardieu et Jean Poiret

Édité par Carlotta Films

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Le 28/06/2021
Critique

Un des chefs-d’oeuvre de François Truffaut nous revient, après une nouvelle restauration, dans une édition définitive, un objet de collection.

Le Dernier Métro

À l’automne 1942, Marion dirige seule le Théâtre Montmartre fondé par son mari Luka Steiner. Juif originaire de Hongrie, il a dû s’enfuir en Amérique du Sud pour échapper à la déportation. Il s’est, en fait, réfugié dans la cave du théâtre, d’où il peut suivre les répétitions de la nouvelle pièce, La Disparue, dont Marion et un jeune acteur, Bernard Granger, sont les deux principaux interprètes. La troupe attend l’autorisation de la pièce par la Propagandastaffel pour programmer les représentations.

Le Dernier métro, celui qu’il ne faut pas rater avant le couvre-feu de minuit, connaît à sa sortie en 1980 un grand succès commercial, avec 3,3 millions de spectateurs en France, avant d’être nommé à l’Oscar du meilleur film étranger et salué par dix Césars, dont celui du Meilleur film et celui du Meilleur réalisateur. C’était le seizième des dix-huit longs métrages de François Truffaut, disparu quatre ans plus tard, à l’âge de 52 ans.

Le scénario original coécrit par le réalisateur avec Suzanne Schiffman, avec une contribution de Jean-Claude Grumberg aux dialogues, rend compte de l’oppression de l’occupant et de l’évasion procurée par les arts dramatiques : théâtres et cinémas étaient des lieux très fréquentés où l’on pouvait se distraire… et se réchauffer.

Le Dernier métro a été tourné en intérieurs, dans la salle du Théâtre Saint-Georges et aux Studios de Billancourt. La reconstitution des extérieurs, les abords du théâtre, plus impressionniste que réaliste, a été imaginée dans la cour d’une chocolaterie désaffectée de Clichy, sommairement aménagée avec faux trottoirs, entrées d’immeubles, devantures de boutiques… L’ambiance du Paris sous l’occupation est renforcée par les chansons entendues dans la rue et à la radio, « à la TSF », dont Moi, il m’aimait tant, par Lucienne Delyle, Mon amant de Saint-Jean, par Édith Piaf et par la musique de Georges Delerue.

La distribution réunit, pour la première fois, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu qu’on reverra dans huit films, dès Je vous aime de Claude Berri, sorti trois mois après Le Dernier métro. Dans les rôles secondaires, Jean Poiret, Andréa Ferréol, Heinz Bennent, Sabine Haudepin que François Truffaut avait déjà employée, à 6 ans dans Jules et Jim puis, deux ans plus tard, dans La Peau douce (que Carlotta Films vient de rééditer), Paulette Dubost, une figure du cinéma français avec plus de 200 rôles, Maurice Risch et Jean-Louis Richard, incarnant Daxiat, le critique de théâtre de l’hebdomadaire collaborationniste et antisémite Je suis partout. Il a bien existé, il s’appelait Alain Laubreaux et fut publiquement rossé par Jean Marais pour l’avoir appelé « l’homme au Cocteau entre les dents » et éreinté La Machine à écrire.

Le Dernier métro est également servi par la photo du chef-opérateur Néstor Almendros. Il venait d’être oscarisé pour Les Moissons du ciel (Days of Heaven, Terrence Malick, 1978) et fut un fidèle directeur de la photographie de François Truffaut, pour neuf de ses longs métrages, et d’Éric Rohmer.

Le Dernier métro, pour toutes ces raisons, méritait sa place dans la prestigieuse Collection Coffrets Ultra Collectors : il est le volume 19, tiré à 3 000 exemplaires, de la collection lancée par Carlotta Films en 2015 qui s’est associé avec MK2 pour ressortir simultanément La Peau douce dans une édition Prestige.

Le Dernier Métro

Présentation - 5,0 / 5

Le Dernier métro (132 minutes) et ses suppléments (211 minutes, sans compter le commentaire audio du film) tiennent sur un Blu-ray BD-50, logé, avec un DVD-9, dans les couvertures d’un mediabook.

Le menu fixe et musical propose le film au format audio DTS-HD Master Audio 1.0.

Un livre de 200 pages s’ouvre sur une préface de Jérôme Wybon sur cette édition rassemblant, pour le livre, les archives personnelles du réalisateur conservées à la Cinémathèque Française, pour les bonus vidéo, des documents sur la réception du film. Laura Truffaut, la fille du réalisateur, se rappelle la genèse du film, l’intérêt de son père pour l’occupation, le tournage, la postproduction et le succès du film qui remplit les caisses des Films du Carrosse, la maison de production de Truffaut. Dans Un métro secret, Samuel Blumenfeld, parle de la genèse, du tournage et de la réception exceptionnelle de « l’oeuvre la plus secrète et la plus intime du réalisateur (…) un enfant de la guerre (…) un témoin lointain de l’occupation ». Vient ensuite une conversation entre Claude de Givray et François Truffaut, centrée sur ses souvenirs d’enfance, enregistrée en août 1984, deux mois avant la mort du cinéaste, en vue de l’écriture d’une future biographie. Après un cahier de vingt pages de photos du plateau, le livre contient deux « traitements » du scénario, écrits en mai et en juillet 1979, des fiches sur les personnages par François Truffaut, une esquisse de la critique de La Disparue par Daxiat, le journaliste de Je suis partout. Après un second cahier de 16 pages de photos de plateau, suivent un entretien sur le dossier de presse où François Truffaut expose les intentions du film, puis la lettre à l’équipe qu’il adresse le 21 janvier 1980, la veille du tournage, dans laquelle il indique que « le plateau sera fermé aux journalistes ». Viennent enfin, le rapport de tournage de la journée du 28 janvier 1980, deux remaniements du scénario confiés à Jean-Claude Grumberg, une note sur le montage, la copie de deux lettres manuscrites à François Truffaut, l’une de Bertrand Tavernier, l’autre d’André Dussollier et une lettre de Truffaut à Georges Cravenne, créateur en 1976 de la Cérémonie des Césars. Le livre se referme sur les extraits de huit critiques de presse.

Le Dernier Métro

Bonus - 5,0 / 5

Sur le Blu-ray et le DVD :

Commentaire audio de Jean-Pierre Azéma, avec Serge Toubiana et Gérard Depardieu, enregistré en 2000 pour la première édition MK2, centré sur la vie à Paris pendant l’occupation allemande, avec quelques souvenirs de tournage de Gérard Depardieu.

Présentation du film par Serge Toubiana (4’, MK2, 2000), critique de cinéma, auteur de plusieurs ouvrages, coauteur avec Antoine de Baecque de François Truffaut (Galllimard, 2001). Le réalisateur voyait Le Dernier métro comme le deuxième volet d’une trilogie sur le spectacle, commencée en 1973 avec La Nuit américaine. Il voulait, avec un scénario élaboré après des recherches approfondies, évoquer l’occupation allemande (il avait 10 ans en 1942), avec des scènes de nuit, tournées en huis clos. Il a souhaité, après l’échec commercial de La Sirène du Mississippi, reprendre Catherine Deneuve qui lui semblait « toujours projeter sur l’écran une double vie : vie apparente et vie secrète » et employer Gérard Depardieu qui, « doué d’une présence fabuleuse, détend l’atmosphère ».

Les nouveaux rendez-vous (11’), interview par Ève Ruggieri de François Truffaut, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, diffusée le 14 septembre 1980 par TF1. Le réalisateur souligne que l’activité du Théâtre Montmartre sous l’occupation allemande est « nourrie des mémoires d’acteurs et de la lecture des journaux d’époque ». Catherine Deneuve évoque son personnage, assez rare, de « femme responsable », Gérard Depardieu la part de féminité chez la plupart des hommes.

Ciné-regards : le film de la semaine (2’), une interview du chef-opérateur Néstor Almendros diffusée par FR3 le 20 septembre 1980. Il lui fallait « donner l’impression » de l’occupation, vue en noir et blanc dans l’imaginaire collectif, et reproduire l’éclairage artificiel d’une scène de théâtre.

Le partage du plaisir : souvenirs personnels du Dernier métro (67’, 2021, Fiction Factory). Un montage d’extraits du film avec des entretiens enregistrés en octobre 2008. Sabine Haudepin, Paulette Dubost, Andréa Ferréol, Alain Tasma, premier assistant et titulaire d’un petit rôle, Florent Bazin, premier assistant opérateur et fils d’André Bazin, Tessa Racine, deuxième assistante opérateur, se souviennent du tournage, de la méthode de travail de François Truffaut, « fondée sur le partage du plaisir », dans le calme, du travail de Néstor Almendros sur la couleur et les éclairages.

Scène coupée (5’).

Bande-annonce (3’).

Le Dernier Métro

Sur le seul Blu-ray :

Le Cinéma des cinéastes : François Truffaut parle du Dernier métro (46’), un entretien avec Claude-Jean Philippe diffusé par France Culture le 20 septembre 1980, illustré par des extraits du film, sur le casting, sur le mélange des genres du Dernier métro, avec son « histoire d’amour très tordue », sur sa représentation modérée, crédible, de l’occupation allemande par plusieurs touches impressionnistes en mettant, çà et là, les personnages secondaires au premier plan. « Notre plus grand ennemi, c’est la peur d’inventer ! », souligne-t-il.

L’Invité du jeudi : François Truffaut (56’), diffusé par Antenne 2 le 18 décembre 1980. Anne Sinclair résume la vie du réalisateur : ses premiers petits boulots, dès 14 ans, le certificat d’études en poche, ses séances de ciné, ses « colères » de critique aux Cahiers du cinéma, son entrée dans le cinéma comme scénariste, puis ses réalisations, avec Les 400 coups en 1959, ses vues sur la Nouvelle Vague, avec « des films qui devaient ressembler à des premiers romans », ses quelques rôles, son intérêt pour la période de l’occupation. Henri Amouroux, auteur chez Lafont de La Grande histoire des Français sous l’occupation, en huit tomes, rappelle que beaucoup de gens ont menti, « pour faire oublier ce qu’ils avaient fait ou pour faire croire qu’ils avaient fait plus qu’ils n’avaient fait » et que les mentalités ont évolué dans cette période complexe allant de 1940 à 1944, « difficile à juger en bloc ». Truffaut confie ses préférences littéraires, sa conception mesurée de la politique, « Je suis de l’extrême centre », disait-il. Jean-Pierre Faye, écrivain et historien, parle du cas de Robert Faurisson, un enseignant qui nia l’existence des chambres à gaz, ce qui lance un débat sur le négationnisme, hors du champ du Dernier métro.

La Petite graine (19’, 1998, Exodus films), court métrage de Tessa Racine. Sarah a 13 ans aujourd’hui. Seule dans l’appartement, elle lit la lettre que François Truffaut lui a écrite le jour de sa naissance quand se présente Antoine, un garçon de son âge qui lui propose de sortir avec lui. « - Je ne peux pas, j’ai rendez-vous avec ma mère. - Où ça ? - Au Carrosse, où travaillait François Truffaut. - Truffaut, le marchand de graines ? ». Sans Le Dernier métro, Sarah n’existerait pas : ses parents se sont rencontrés sur le tournage du film… Un tendre hommage à François Truffaut.

Le Dernier Métro

Image - 5,0 / 5

L’image (1.66:1, 1080p, AVC), après une restauration 2K effectuée à partir d’un négatif original par le laboratoire Digimage en 2014 pour MK2 et La Cinémathèque Française, dépasse en finesse celle faite pour l’édition Criterion de 2010, reprise dans l’édition MK2 de 2012. D’une absolue propreté, elle se distingue par un remarquable étalonnage des couleurs, dans une palette chaude dans les scènes d’intérieur, froide dans les faux extérieurs, faiblement éclairés. La définition s’accommode parfaitement d’une gestion du grain respectueuse de la texture argentique.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0, lui aussi très propre, sans souffle, avec la dynamique et l’ouverture de la bande passante qu’on pouvait espérer, restitue clairement et finement les dialogues, l’ambiance et la composition originale de Georges Delerue.

Crédits images : © 1980 LES FILMS DU CARROSSE / TF1 / SEDIF / SFP. Tous droits réservés.

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
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Philippe Gautreau
Le 28 juin 2021
François Truffaut réunit, pour la première fois, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu dans une reconstitution impressionniste de Paris au temps de l’occupation allemande. Le Dernier métro, dans une édition définitive enrichie de 3h30 de suppléments et d’un livre de 200 pages, prend une place méritée dans la prestigieuse Collection Coffrets Ultra Collectors de Carlotta Films.

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