Ne vous retournez pas (1973) : le test complet du Blu-ray

Don't Look Now

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Nicolas Roeg
Avec Julie Christie, Donald Sutherland et Hilary Mason

Édité par Potemkine Films

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Le 22/07/2021
Critique

Un des chefs-d’oeuvre du cinéma fantastique d’outre-Manche, depuis longtemps introuvable, nous revient, enrichi d’utiles suppléments.

Ne vous retournez pas

John et Laura Baxter sont encore hantés par la disparition de Christine, leur fille, morte noyée à 7 ans, en Angleterre. Ils résident maintenant à Venise où John, architecte, dirige la restauration d’une église. Une Anglaise aveugle, rencontrée par hasard, les rassure : Christine, là où elle est, est heureuse…

Ne vous retournez pas (Don’t Look Now), réalisé en 1973 par Nicolas Roeg, est l’adaptation de la nouvelle éponyme publiée par Daphne Du Maurier en 1971 (le titre vient des trois premiers mots de la nouvelle), sur un scénario coécrit par Chris Bryant et Allan Scott, scénariste de cinq autres films du réalisateur.

Ne vous retournez pas, dans le cadre d’une Venise décrépite, inquiétante, rappelle la vision qu’en aura, quatre ans plus tard, Dino Risi en filmant Âmes perdues (Anima persa). Dans une confrontation de l’appréhension cartésienne de la réalité par John à celle, plus ouverte, qu’en a Laura, le film recrée l’ambiance mystérieuse de la nouvelle, aussi subtilement qu’Alfred Hitchcock avait su le faire en 1940 en réalisant Rebecca, le roman le plus connu de Daphne Du Maurier.

Ne vous retournez pas

Ne vous retournez pas est, sans doute, le chef-d’oeuvre de Nicolas Roeg, avec Walkabout (1971), l’aventure de deux enfants abandonnés dans l’outback australien. Retenu en 2018 parmi les 100 meilleurs films britanniques jamais réalisés, Ne vous retournez pas a trois atouts majeurs : sa photographie, sa distribution et, par-dessus-tout, son fascinant montage.

Ne vous retournez pas est le troisième film de Nicolas Roeg, entré par la petite porte à 15 ans dans le monde du cinéma, venu à la réalisation après une solide expérience de chef-opérateur acquise, en bonne compagnie, pendant le tournage de films tels que Le Masque de la Mort Rouge (The Masque of the Red Death, Roger Corman, 1964), Fahrenheit 451 (François Truffaut, 1966), Loin de la foule déchaînée (Far from the Madding Crowd, John Schlesinger, 1967)… Après avoir assuré lui-même la photographie de ses premiers films, il a, en 1973, sollicité la contribution (saluée par un BAFTA Award de la meilleure photographie) du chef-opérateur Anthony Richmond qui tiendra la caméra pour quatre autres de ses films. Ils ont conjugué leurs talents pour des cadrages inspirés et une subtile utilisation de la couleur : dans une palette de teintes pastel éclatent, çà et là, le rouge vif de vêtements et les reflets sur l’eau terne des canaux, révélant les deux « signes » du film, la couleur rouge et l’eau, symboles de mort.

Ne vous retournez pas

L’autre atout est la distribution, avec Julie Christie et Donald Sutherland, ici dans le rôle le plus délicat qu’il ait jamais tenu, et la parfaite complicité des deux acteurs. Nicolas Roeg filme avec eux une des plus belles scènes d’amour.

Mais Ne vous retournez pas se distingue surtout par l’originalité de son montage : le temps est éclaté en morceaux qui semblent ne pas pouvoir retrouver leur place. Un peu déroutant, jusqu’à ce que le puzzle finisse par se reconstituer, au moins en partie. L’histoire garde quelques zones d’ombres que chaque spectateur pourra librement tenter de dissiper, comme celle que racontait Joseph Losey dans Cérémonie secrète (Secret Ceremony, 1968), tout récemment réédité.

Ne vous retournez pas manquait au catalogue. Potemkine Films le ressort opportunément, dans une édition plus riche en suppléments que celle de 2015. Notons qu’une édition UHD est sortie au Royaume Uni en janvier 2020 et aux USA : une pierre de plus à la trop lente construction d’un catalogue de films de patrimoine sur ce medium.

Ne vous retournez pas

Présentation - 2,0 / 5

Ne vous retournez pas (110 minutes) et ses généreux suppléments (125 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50, logé, en compagnie d’un DVD-9, dans un boîtier non fourni pour le test.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en anglais, avec sous-titres optionnels, au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Bonus - 5,0 / 5

Reprise de l’édition Potemkine Films de 2015 :

Analyse du film par Jean-Baptiste Thoret (31’, 2015, La Bête Lumineuse). « Un drôle de cinéaste », surtout connu pour quatre films insolites, difficilement classables, sollicitant l’effort du spectateur, qu’il a réalisés de 1969 à 1976. Il fait explicitement référence à Hitchcock avec le jump cut passant du cri de Laura dans la campagne anglaise quand elle réalise que sa fille s’est noyée et le bruit d’une perceuse dans l’église que John restaure à Venise, rappelant un raccord brutal dans Les 39 marches (The 39 Steps, 1935). Son expérience de chef opérateur lui a enseigné l’importance de la couleur, la valeur symbolique qu’on pouvait lui attribuer. On sent l’influence visuelle du giallo et celle d’Alain Resnais pour la distorsion et l’éclatement du temps : des images peuvent avoir plusieurs sens, être un souvenir ou une prémonition. Comme Mort à Venise (Morte a Venezia, Luchino Visconti, 1971), le film suggère la déliquescence d’une civilisation. Dans une confusion entre le réel et son reflet, entre le monde visible et un monde parallèle, le film garde sa part de mystère. Mais la naine en ciré rouge peut être vue comme la Némésis de Christine. « Un des plus grands films sur la mélancolie ».

Ne vous retournez pas

Reprise partielle de l’édition Optimum Home Entertainment, sortie au Royaume Uni en 2011 :

Entretien avec Donald Sutherland (24’). Il accepta le rôle après avoir lu le scénario que Nicolas Roeg lui avait envoyé. Il raconte qu’il a interprété sans doublure, le cascadeur ayant fait défaut, la scène où John est suspendu à une corde à 15 mètres du sol. Il souligne l’extraordinaire simplicité du jeu de Julie Christie, la photo d’Anthony Richmond, la distribution aux USA d’un montage amputé de 25 minutes, le tournage de la scène d’amour entre John et Laura…

Entretien avec Allan Scott (15’). Il a dû étoffer l’intrigue, très succincte dans la nouvelle de Daphne Du Maurier, et apporter quelques changements : « l’écriture d’un scénario est une réécriture ». Il décrit la méthode de Nicolas Roeg, sa décision de modifier le scénario en ajoutant la scène d’amour et en déstructurant la chronologie au montage.

Entretien avec Anthony Richmond (25’). Il rappelle sa rencontre avec Nicolas Roeg sur un tournage en Israël, en 1961, le tournage, à partir de 1967, de ses premiers longs métrages en qualité de chef-opérateur : Trio d’escrocs (Only When I Larf, Basil Dearden) et One + One (Jean-Luc Godard, 1968). « Le rôle du chef-opérateur consiste à retranscrire à l’écran la vision du réalisateur », ce qui fut facilité, pour Ne vous retournez pas, par sa longue et amicale complicité avec Nicolas Roeg, un réalisateur très visuel, sachant immédiatement ce qu’il veut, pour qui la caméra est « un personnage du film ».

Ne vous retournez pas

Entretien avec Danny Boyle (16’). Ne vous retournez pas est, avec Apocalypse Now, le film qui l’a « accompagné (…), un des chefs-d’oeuvre du siècle dernier, un film iconique, inspirant » qui réussit à éclater le temps en restant accessible au grand public. Nicolas Roeg, comme David Lynch, « explore le mystère du cinéma (…), quelque chose qui se situe au-delà des apparences (…) où le passé, le présent et le futur sont tous là pour le spectateur. » Danny Boyle a été impressionné par la performance de Donald Sutherland et par la musique « qui sublime le film ». Une passionnante analyse du film et du style de Nicolas Roeg !

Document exclusif de cette édition :

Le film vu par Justine Triet (14’, 2021 La Bête Lumineuse). Il lui a fallu un deuxième visionnage pour découvrir les subtilités du film : les scènes « qu’on n’attend pas », comme celle, génialement montée, où John er Laura font l’amour, la sensation « d’une lutte incessante entre la vie et la mort, le jeu de Donald Sutherland. »

Ne vous retournez pas

Image - 4,0 / 5

L’image (1.85:1, 1080p, AVC), après une restauration respectueuse de la texture du 35 mm, probablement celle opérée pour l’édition Optimum Home Entertainment de 2011, très propre, finement résolue, agréablement contrastée, avec des noirs généralement denses en dépit de faiblesses occasionnelles dans quelques scènes en très basse lumière, déploie, sous le soleil d’hiver, une palette de couleurs délicatement atténuées sur laquelle tranche le rouge symbolique, très saturé, de certains objets.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, d’une impeccable propreté, sans souffle, dans une bande passante assez ouverte, assure une parfaite clarté des dialogues, dans un bon équilibre avec l’accompagnement musical de Pino Donaggio et avec l’ambiance et le bruit récurrent de l’eau.

Le doublage en français de l’édition de 2015 n’a pas été repris.

Crédits images : © National Film Venture

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 24 juillet 2021
Dans le cadre d’une Venise décrépite, inquiétante, Nicolas Roeg a filmé son chef-d’œuvre, un film insolite aujourd’hui reconnu comme un des jalons du cinéma fantastique d’outre-Manche.
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Franck Brissard
Le 16 avril 2016
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