Nazarin (1959) : le test complet du Blu-ray

Nazarín

Combo Blu-ray + DVD

Réalisé par Luis Buñuel
Avec Marga López, Francisco Rabal et Rita Macedo

Édité par Elephant Films

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Le 16/06/2021
Critique

Le premier film majeur réalisé par Luis Buñuel au Mexique, devenu introuvable, nous revient restauré et accompagné d’utiles compléments.

Nazarin

Nazario, un prêtre catholique, affecté dans une petite ville mexicaine au début du XXème siècle, a décidé de s’imposer comme règle de vie une stricte observation des préceptes évangéliques, de vivre dans le plus grand dénuement, de pardonner toute offense, de secourir son prochain, quoiqu’il ait fait. Il donne asile à une prostituée recherchée par la police pour le meurtre qu’elle vient de commettre…

Nazarín, est l’adaptation du roman éponyme publié en 1895 par l’écrivain espagnol Benito Pérez Galdós qui inspirera Luis Buñuel pour deux autres films majeurs, Viridiana en 1961 et Tristana en 1970.

Nazarín est le dix-septième film réalisé par Luis Buñuel au Mexique où il s’est établi après un séjour en France. Il y tourna son premier long métrage, Gran Casino, un drame musical de 1947, édité en 2005 dans le coffret Luis Buñuel : Le charme discret de la bourgeoisie + Le fantôme de la liberté + Gran Casino, avant d’y réaliser 21 autres films, parmi lesquels des oeuvres aussi remarquables que Olvidados, Los (1950), Tourments (El, 1953), La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz (Ensayo de un crimen, 1955), La Jeune fille (The Young One, 1960), Viridiana (1961), L’Ange exterminateur (El Ángel exterminador, 1962) et le moyen métrage Simon du désert (Simón del desierto, 1965).

Nazarin

¡Milagro!

Nazarín n’a pas manqué de surprendre par son thème, celui d’un prêtre qui fait le bien, après les deux essais surréalistes qu’il réalisera en France, Un Chien andalou et L’Âge d’Or, un brûlot anticlérical. Si l’on y prête un peu d’attention, le film fustige l’hystérie collective provoquée par la guérison d’une jeune fille, immédiatement expliquée par un miracle attribué à Nazario, dont deux femmes vont devenir les apôtres et que l’église locale va excommunier parce qu’il applique à la lettre l’évangile : vivre d’aumônes est jugé indigne de la condition d’un prêtre. Le film montre que vivre strictement selon ses idées, est impossible, la vie en société obligeant à des compromissions. Que vouloir systématiquement faire le bien peut causer le mal. Francisco ‘Paco’ Rabal, qu’on reverra aux côtés de Luis Buñuel dans Tristana et Belle de jour, est habité par le personnage du Padre Nazario.

Le réalisateur ne manque pas de jeter un regard sévère sur les maux qui gangrènent le Mexique, la famine, un enfant qui meurt sur la route, le dédain des nantis pour le peuple, l’arrogance des tenants de l’autorité, comme celle de cet officier qui oblige un homme avec son mulet à revenir sur ses pas pour, cette fois, le saluer quand il passera près de lui !

Nazarin

Nazarín n’avait pas convaincu le comité mexicain de sélection pour le Festival de Cannes : il lui avait préféré La Cucaracha d’Ismael Rodríguez, un cinéaste prolifique qui n’a pas laissé grand souvenir. Cela n’empêchera pas le film de Buñuel, appelé par les organisateurs, d’obtenir le Prix international. Deux ans plus tard, cette fois sélectionné par le Mexique, Viridiana décrochera la Palme d’or, ex-aequo avec Une aussi longue absence d’Henri Colpi.

La photo est d’une grande beauté, grâce à l’attention que prête le réalisateur aux cadrages, ainsi qu’à l’expertise et au talent de Gabriel Figueroa, un des plus grands directeurs de la photographie mexicains. Chef-opérateur de Olvidados, Los et de cinq autres films tournés au Mexique par Luis Buñuel, il sera choisi par John Huston pour La Nuit de l’iguane (The Night of the Iguana, 1964) et pour Au-dessous du volcan (Under the volcano, 1985).

Après épuisement des deux précédentes éditions, Nazarín nous revient restauré et accompagné par Elephant Films de deux compléments appréciés pour enrichir la précieuse collection de films de patrimoine Cinéma MasterClass : La collection des Maîtres, lancée par Elephant Films il y a une dizaine d’années.

Nazarin

Présentation - 3,5 / 5

Nazarín (95 minutes) et ses généreux suppléments (102 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50, logé dans un boîtier non remis pour le test, aux couleurs de la collection.

Le menu fixe et musical propose le film dans sa version originale, en espagnol, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Bonus - 4,0 / 5

Le film par Charles Tesson (Elephant Films, 2021). Les familiers du cinéma de Luis Buñuel ont été « désarçonnés » par Nazarín avec, pour personnage principal, un homme bon, un prêtre. Buñuel aimait à dire : « Je suis athée, Dieu merci ! », mais il assumait sa culture chrétienne. Et, au-delà de la première impression qu’il peut donner, le film est buñuélien, pessimiste, en montrant la difficulté de vivre selon ses idées. En voulant faire le bien, Nazario « sème le mal ». En choisissant de vivre dans l’indigence, il se met à dos l’église et la société. Il suscite l’hostilité des ouvriers en acceptant l’aumône d’un repas au lieu d’un salaire. Nazarín montre aussi les différentes formes d’amour, l’amour divin, l’amour charnel, l’amour non partagé, tel celui du nain Ujo pour Andara. Il permet aussi d’apprécier, « dans une suite de tableaux », le talent de Buñuel pour la photographie, son sens du cadrage et de la lumière, sublimé par la première scène, filmée par une caméra « fluide ».

À la poursuite de Nazarín (Tras Nazarín, el eco de una tierra en otra tierra, Javier Espada, 2015, 75’). Le film s’ouvre sur une visite de la filmothèque de Université nationale autonome du Mexique où sont conservées 45 000 bobines, dont celle du négatif original de Nazarín. Puis une vingtaine d’artistes, des cinéastes, comme Arturo Ripstein, Emilio Maillé, Carlos Saura, Juan-Luis Buñuel, le fils du réalisateur, des acteurs, comme Ignacio López Tarso, des scénaristes, comme Jean-Claude Carrière… donnent leur perception du film dans lequel le réalisateur « a mis son coeur, ses tripes et son esprit ». Luis Buñuel tournait vite, mais après une longue préparation. Dans le cadre choisi, l’Estado de Morelos, au sud de Mexico, il avait pris un millier de photos de la dizaine de lieux de tournage et les avait classées dans les pages du scénario, avec une idée claire de la mise en scène et du montage. Ces photos sont rapprochées des mêmes lieux, filmés en 2015, restés inchangés. Le thème du film montre que Luis Buñuel, profondément athée, n’avait pourtant pas éteint « les braises » de son éducation chez les jésuites.

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Image - 4,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), stable, lumineuse, agréablement contrastée, avec des noirs denses, a été restaurée au Mexique par la Cinémathèque nationale et la Fondation Televisa, à partir du négatif original. L’effacement de toute trace de la pellicule assure le parfait confort du visionnage. On peut toutefois reprocher un lissage qui a fait disparaître le grain du 35 mm.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, lui aussi restauré, à partir d’un positif, a fait disparaître les bruits parasites, y compris le souffle. Défilement stable et très peu de saturations.

Crédits images : © Producciones Barbachano Ponce

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

Moyenne

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Philippe Gautreau
Le 16 juin 2021
Après épuisement des deux précédentes éditions, Nazarín, un des chefs-d’œuvre réalisés par Luis Buñuel au Mexique, nous revient restauré et accompagné de deux intéressants compléments pour enrichir la précieuse collection de films de patrimoine Cinéma MasterClass : La collection des Maîtres, lancée par Elephant Films il y a une dizaine d’années.

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