L'Ascension (1977) : le test complet du Blu-ray

Voskhozhdenie

Réalisé par Larissa Chepitko
Avec Boris Plotnikov, Vladimir Gostyukhin et Sergey Yakovlevn Lyudmila Polyakova

Édité par Potemkine Films

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Le 19/05/2022
Critique

Un chef-d’oeuvre poignant, Ours d’or à Berlin, le dernier film de Larissa Chepitko, fauchée à 41 ans à l’apogée de sa carrière.

L'Ascension

Hiver 1942, l’armée allemande poursuit son avancée sur le front russe. Un bataillon soviétique est contraint de se replier et ses soldats se dispersent. Deux d’entre eux entament un long périple dans la forêt pour ravitailler le camp…

L’Ascension (Voskhozhdenie), sorti en 1977, est l’adaptation de Sotnikov, une nouvelle publiée en 1970 par Vassili Bykov, engagé dans l’Armée rouge à 17 ans, en 1941, journaliste, écrivain et scénariste, à l’origine d’une vingtaine de films et téléfilms. C’est le quatrième et dernier long métrage pour le grand écran de Larissa Chepitko, fauchée en 1979 à l’âge de 41 ans par un accident de la route avec cinq membres de l’équipe du film qu’elle commençait à tourner et que finira Elem Klimov, Les Adieux à Matiora. C’est le deuxième édité en vidéo avec Les Ailes (Krylya, 1966), sorti en 2017 par Potemkine Films dans le remarquable Coffret Larissa Chepitko - Elem Klimov. Larissa Chepitko était l’épouse du cinéaste Elem Klimov, réalisateur d’un des plus poignants films de guerre, Requiem pour un massacre (Idi i smotri, 1986).

L’Ascension, une longue marche vers la mort, reste à l’écart des clichés des films de guerre soviétiques. Les deux personnages principaux sont loin de l’imagerie des héros irréprochables. Sotnikov, l’intellectuel, blessé, affaibli par le froid et le manque de nourriture est devenu un boulet pour le rustre Rybak qui trahira pour sauver sa vie.

L'Ascension

L’Ascension ne contient aucune scène habituelle des films de guerre, le scénario mettant en avant les choix moraux auxquels sont confrontés les deux personnages. Dans la première partie du film, l’ennemi est sans visage, si distant qu’il est réduit à quelques minuscules taches noires dans la neige. On ressent, néanmoins, le danger et l’hostilité de la nature, d’autant plus, nous dit Larissa Chepitko, que le tournage s’est déroulé en plein hiver, dans les tempêtes et par un froid extrême.

Cette oeuvre austère et bouleversante bénéficie d’une mise en scène particulièrement soignée, avec des cadrages inspirés et de nombreux gros plans sur les visages. Deux environnements s’opposent : les étendues blanches, sans limites, des plaines enneigées et l’obscurité de la cave dans laquelle sont enfermés les prisonniers promis à la pendaison.

L’Ascension se distingue aussi par sa distribution. Dans le rôle de Sotnikov, Boris Plotnikov est intensément présent pour sa première expérience devant une caméra. Rybak est interprété par Vladimir Gostyukhin qu’on avait vu dans Urga de Nikita Mikhalkov. On remarque aussi Anatoliy Solonitsyn, glaçant dans sa composition d’un interrogateur à la solde des Allemands. On le reverra dans La Vérification (Proverka na dorogakh, Aleksey German,1986) son dernier film, dont l’édition vidéo se fait toujours attendre.

Cette réédition de la version restaurée par Mosfilm après numérisation 4K (le film était déjà inclus dans le Coffret Larissa Chepitko - Elem Klimov) est utilement complétée par une interview inédite de Larissa Chepitko à Berlin, où elle fut appelée à siéger au jury de la Berlinale en 1978, un an après l’attribution de l’Ours d’or à L’Ascension.

L'Ascension

Présentation - 3,0 / 5

L’Ascension (109 minutes) et ses généreux suppléments (81 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un digipack.

Le menu animé et musical propose le film dans sa version originale, en russe, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Une édition DVD est disponible, avec un des trois suppléments.

Bonus - 4,0 / 5

Le chant du partisan (8’, La Bête Lumineuse, 2022, également disponible sur le DVD) : un texte d’Élias Hérody, critique à la revue Répliques et élève de l’École Normale Supérieure, lu par Sigrid Bouaziz. L’Ascension, sorti pendant le « dégel », un des premiers films réalisés sur la guerre des partisans dont les états-majors indépendants sont souvent entrés en conflit avec le pouvoir central de l’URSS, régénère l’approche du récit soviétique de la seconde guerre mondiale, instrument de propagande du stalinisme. Chaque film de Larissa Chepitko répond à un genre spécifique : Znoy (1963) au film de kolkhose, Les Ailes (1966) au portrait avec Toi et moi (Ty i ya, 1971), au mélodrame. Larissa Chepitko, « cinéaste de la focalisation interne », pour L’Ascension, un récit picaresque de survie dans sa première partie, associe deux personnages très différents, « des naufragés sans refuge, perdus au milieu de la neige » confrontés à « des ennemis sans visage ». La seconde partie donne au récit une portée idéaliste dans « un espace qui se réduit à celui d’une scène de théâtre » et fait de Sotnikov « une figure christique ». Larissa Chepitko porte « un regard neuf et éclairé sur l’histoire de son pays ».

Un beau texte pour une fine analyse du film.

Sur le seul Blu-ray :

Larissa, documentaire de Elem Klimov (1980, 21’). Elem Klimov, les actrices Stefaniya Stanyuta et Mayya Boulgakova, Valentin Raspoutine, l’auteur du roman Sotnikov, donnent leurs impressions sur Larissa Chepitko. Avec des extraits des films Les Ailes, Toi et moi, Znoy et L’Ascension, des photos de plateau, l’enregistrement d’un entretien sur son expérience de cinéaste et le plan d’un arbre, le dernier qu’elle ait filmé.

L'Ascension

Dialogue avec Larissa (A Talk with Larisa, 1999, 52’). « Ma compagne rêvée, mon phénix (…) tu es partie, mais tu es éternelle », dit Elem Klimov à Irina Rubanova, critique d’art, qui l’a aidé à écrire un livre sur Larissa Chepitko. Tous deux soulignent « sa capacité à vivre », à surmonter toutes les difficultés de tournage. Suit un long entretien enregistré à Berlin Ouest en février 1978 avec son amie la critique Felicia von Nostitz quand elle avait été désignée membre du jury de la Berlinale, après avoir reçu, l’année précédente l’Ours d’or pour L’Ascension. Un film qu’elle a voulu réaliser pour montrer la spiritualité du peuple russe, mise en évidence il y a cent ans par Dostoïevski, garante de l’immortalité de la nation. Les conditions de tournage furent éprouvantes, avec des tempêtes, un froid jusqu’à -40° et des acteurs et figurants bénévoles refusant tout vêtement chaud pour revivre l’hiver 1941. Le cinéma, langage universel, l’a attirée par sa « magie » qui permet de toucher des millions de gens, alors que la littérature est un art plus sélectif. Elle a été influencée par Alexandre Dovjenko (La Terre / Zemlya, 1930), son professeur, et « se sent proche » d’Ingmar Bergman, Robert Bresson, Luis Buñuel, Akira Kurosawa, Andrei Tarkovski et Elem Klimov. Avant le tournage de chaque scène, elle s’accorde avec le compositeur, le directeur artistique et le chef-opérateur et elle participe activement au montage. Elle évoque, à la fin de l’entretien, la réalisation de son prochain film : elle avait formé une équipe, recruté les acteurs, commencé le tournage fin mai 1979 qui sera, sept jours après ses funérailles, repris par Elem Klimov en juillet.

L'Ascension

Image - 5,0 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC) a été débarrassée par une soigneuse restauration de toute trace de dégradation de la pellicule et parfaitement stabilisée, avec un contrôle du grain respectueux de la texture du 35 mm. Lumineuse, agréablement contrastée, avec des noirs denses, elle bénéficie d’une bonne résolution que seul le blizzard peut mettre en défaut dans les arrière-plans de quelques scènes d’extérieur.

Son - 4,5 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, avec une bonne dynamique et une assez large bande passante rend l’ambiance présente, assure la clarté des dialogues et met finement en valeur la partition originale d’Alfred Schnittke.

Crédits images : © Trete Tvorcheskoe Obedinenie, Mosfilm

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 2 juin 2022
Cette évocation austère et bouleversante de la seconde guerre mondiale, à l’écart des clichés du genre, témoigne du talent de la cinéaste russe Larissa Chepitko. Ce sera son quatrième et dernier long métrage : elle allait être mourir à 41 ans dans un accident de la route.

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