L'Événement (2021) : le test complet du Blu-ray

Une fidèle relation de l’angoisse d’une femme confrontée à une grossesse non désirée dans les années 60, saluée par le Lion d’or.

France, 1963. Anne, étudiante prometteuse, tombe enceinte. Elle décide d’avorter, prête à tout pour disposer de son corps et de son avenir. Elle s’engage seule dans une course contre la montre, bravant la loi. Les examens approchent, son ventre s’arrondit.

L’Événement, l’adaptation du roman autobiographique éponyme d’Annie Ernaux, née en 1940, agrégée de lettres modernes, publié par Gallimard en 2000, est le second long métrage d’Audrey Diwan, après Mais vous êtes fous, sorti en salles en avril 2019, sur les désordres causés par la cocaïne dans une famille nucléaire.

L’Événement suit Anne, fille de petits commerçants, étudiante en lettres à Angoulême au moment où elle est acculée à un choix crucial, devenir mère et devoir renoncer à poursuivre ses études ou se faire avorter, un acte délictueux pouvant l’exposer à des poursuites. Il faudra attendre la loi Veil du 17 janvier 1975 pour la légalisation de l’avortement jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse. Il était auparavant interdit, allant même jusqu’à être considéré comme un crime contre la sûreté de l’État et réprimé par près de 4 000 condamnations par an sous le gouvernement de Vichy. Il fut ensuite correctionnalisé, puis de moins en moins souvent sanctionné : seulement 10 condamnations furent prononcées en 1974, surtout à l’encontre d’auteurs d’avortements, les tribunaux ayant commencé à anticiper une légalisation diffusée dans l’air du temps. Ce qui n’enlève rien à l’importance d’une loi qui accorde à la femme la décision de garder l’enfant et, aussi, la met à l’abri des graves complications pouvant résulter d’une interruption de grossesse pratiquée par des mains inexpertes.

Dans le contexte du début des années 60, un mélange de honte et de peur pousse Anne, rejetée par le corps médical, à ne parler à personne de son état, à se confiner dans une solitude génératrice d’une angoisse que le film réussit à nous faire partager, sans pathos, avec une grande économie de dialogues, en donnant à de longs silences une réelle charge émotionnelle.

L’Événement, plusieurs fois récompensé, Lion d’or et Prix FIPRESCI à Venise, nommé aux BAFTA awards, doit au réalisme de la réalisation auquel s’est particulièrement attachée Audrey Diwan. Elle a soumis à Annie Ernaux scénario et dialogues tout au long de leur écriture, a fait le choix d’une mise en scène naturaliste, la caméra suivant Anne de près, dans de longs plans-séquences.

Le film doit aussi beaucoup au choix inspiré d’une actrice de l’âge du rôle, Anamaria Vartolomei, entrée tôt dans la carrière : elle partageait à 12 ans le haut de l’affiche avec Isabelle Huppert dans My Little Princess (Eva Ionesco, 2011) et on l’avait remarquée dans L’Echange des princesses (Marc Dugain, 2017). Elle communique avec un naturel le désarroi d’Anne qui n’ébranlera pas sa ferme détermination à surmonter tous les obstacles, à supporter toutes les douleurs, à ne jamais s’arrêter sur le chemin de l’avortement. Sa performance lui valut le Prix Lumière de la meilleure actrice et le Prix du meilleur espoir féminin à la Berlinale et aux Césars.

On retrouve, en arrière-plan, Sandrine Bonnaire dans le rôle de la mère d’Anne et Anna Mouglalis, dans celui de la « faiseuse d’anges ». Parmi les hommes, plus effacés, apparaissent Pio Marmaï et Kacey Mottet Klein, l’interprète de Jean, le seul homme à venir à l’aide d’Anne. On l’avait, lui aussi, remarqué à 12 ans dans L’Échange des princesses.

L’Événement porte un autre regard lucide sur la grossesse non souhaitée, d’un intérêt comparable à celui apporté par 4 mois, 3 semaines, 2 jours (4 luni, 3 saptamani si 2 zile, Cristian Mungiu, 2007). Un regard toujours salutaire en des temps où le droit à l’avortement reste un tabou dans les états religieux et est même remis en cause, comme par le Brésil de Jair Bolsonaro. Roberta Metsola, la nouvelle présidente du Parlement s’affiche contre la légalisation de l’IVG qui reste soumise à des conditions très restrictives en Irlande et difficile à mettre en oeuvre dans certaines régions d’Italie.

L’Événement (99 minutes) et son supplément (45 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier non fourni pour le test, effectué sur check disc.

Le menu animé et musical propose le film au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.

Piste d’audiodescription DTS-HD MA 2.0.

Sous-titres pour malentendants.

Rencontre avec Audrey Diwan (43’, Wild Bunch, 2022). La réalisatrice, pour s’assurer que le film soit « le récit d’une expérience vécue », a soumis le premier jet du scénario à Annie Ernaux qui, au fur et à mesure de la progression de l’écriture, lui a donné à lire des témoignages, a corrigé ce qui lui paraissait ne pas correspondre à l’époque des faits. Alors que le livre, écrit en 2000, est une recherche des souvenirs de 1963, le scénario est au présent. Elle a voulu plonger le spectateur dans l’ambiance du début des années 60 et de son système de valeurs, avant la libération sexuelle. Elle a choisi de ne pas faire répéter les scènes de plaisir et de douleur qui doivent être jouées librement, dans un souci de justesse qui a influé sur la mise en scène, les dialogues, la direction d’acteurs, leur garde-robe… Elle a choisi le ratio 1.37:1 « parce qu’on ne voit pas arriver dans le cadre les personnages secondaires » dont Anne souhaite éviter les regards. Le montage a été guidé par l’idée que le film était « un fil qu’il fallait dérouler sans le rompre ». Elle a tenu à ce que la musique soit composée par Evgueni et Sacha Galperine qui l’avaient impressionnée avec l’accompagnement de Faute d’amour (Nelyubov, Andreï Zviaguintsev, 2017).

Bande-annonce (1’50”).

L’image numérique (1.37:1, 1080p, AVC), finement résolue, agréablement contrastée, avec des blancs lumineux et des noirs denses, des couleurs naturelles soigneusement étalonnées, assure une parfaite lisibilité des cadres quelles que soient les conditions d’éclairage.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1 restitue clairement et dans un bon équilibre les dialogues, l’ambiance et la belle composition des frères Galperine. La répartition du signal sur les cinq canaux crée une discrète, mais cohérente, sensation d’immersion dans l’environnement.

Crédits images : Manuel Moutier © 2021 RECTANGLE PRODUCTIONS - FRANCE 3 CINÉMA - WILD BUNCH - SRAB FILMS