Et j'aime à la fureur (2021) : le test complet du Blu-ray

Une lettre d’amour au cinéma écrite à partir de bouts de films pris par des inconnus qui cherchaient vainement à arrêter le cours du temps.

Depuis son enfance, André Bonzel a la passion du cinéma, inoculée par le docteur Lebrun, un ami de la famille qui avait rêvé d’être cinéaste et projetait des films aux enfants. André Bonzel collectionne les films de famille, ceux qu’il a tournés depuis son enfance en 8 mm et ceux d’amateurs anonymes qu’il a glanés au fil des années. L’idée lui est un jour venue, il y a huit ans, de s’en servir pour réaliser une sorte d’autobiographie et tenter de reconstituer l’histoire méconnue de sa famille.

Et j’aime à la fureur est un montage de films d’amateurs, « vaines tentatives pour arrêter le cours du temps », commentés par André Bonzel qui fit une entrée remarquée dans le monde du cinéma avec son premier long métrage, C’est arrivé près de chez vous, un film de fin d’études coréalisé en 1992 avec des moyens de fortune, en 16 mm et en noir et blanc, avec Rémy Belvaux et Benoît Poelvoorde, deux amis rencontrés à L’INSAS, l’Institut national supérieur des arts du spectacle, l’école de cinéma de Bruxelles. La polémique soulevée par le film n’empêcha pas son succès public et sa reconnaissance par la critique : il fut salué à Cannes par le Prix de la SACD et le Prix du Syndicat Français de la Critique de Cinéma.

Les trois compères s’étaient fait la main en 1987 avec un court métrage sur la traque du vilain pédophile Slimane par le vaillant Saint Jacques, Pas de C4 pour Daniel Daniel, disponible en complément des éditions de C’est arrivé près de chez vous.

Voir la vie des autres me fascine

Un jour, le notaire chargé de la succession de la famille Expédit (dont le nom d’une branche fut changé en celui de Bonzel « pour des raisons obscures ») lui signale la découverte de plusieurs caisses contenant des bobines de films, avec lesquels le réalisateur va tenter de reconstituer l’histoire de sa famille, aidé par des notes que lui a adressées la tante Lucette, ostracisée par son clan pour s’être exhibée nue sur des scènes de music-hall. Çà et là, s’insèrent dans le montage, des extraits de films d’amateurs inconnus et aussi du Le Mécano de la Générale / The General de Buster Keaton.

La meilleure chose, à propos des souvenirs, c’est de pouvoir s’en inventer

Ce qu’il nous dit de lui est vrai, assure André Bonzel. Il déterrera bien des secrets de famille. Mais, faute d’avoir pu glaner suffisamment d’informations, il s’autorise parfois à laisser courir son imagination, la bride sur le cou, et à broder sur des faits inspirés par le vécu d’ancêtres. Par exemple pour l’histoire de Stéphane, son diplôme d’avocat en poche, dépêché aux USA par son père Maurice Expédit, l’arrière-arrière-grand-père du réalisateur, « un sacré queutard », pour régler une usurpation de brevet industriel. Arrivé à New York, Stéphane abandonne sa mission : il s’est fait embaucher comme homme-canon dans un cirque et a épousé Vicky, une contorsionniste qui mourra le coeur transpercé par un poignard mal lancé !

D’autres faits rapportés par André Bonzel, aussi invraisemblables qu’ils paraissent, sont pourtant réels, comme la construction d’un mur au milieu de l’appartement familial par son père pour inciter son épouse à accepter le divorce !

Et j’aime à la fureur contient de nombreuses prises par André Bonzel, pendant ses vacances au bord de la mer, à Ambleteuse, et beaucoup de plans de ses « copines » avec une caméra Super8, « une excroissance de mon sexe » précise-t-il.

Et j’aime à la fureur, c’est l’opportunité que s’offre André Bonzel de dérouler sa biographie et l’histoire de la famille, proche et lointaine, avec un commentaire très bien écrit, illustré de bric et de broc, toujours avec à-propos et humour, sur une musique originale de Benjamin Biolay. Tout s’enchaîne à un rythme soutenu par un montage affuté de tous les extraits de films. Il s’autorise des digressions, comme celle du voyage d’une petite fille et de ses parents de la Bretagne à la Côte d’Azur, en passant par Paris, une de ses premières trouvailles. Il redonne vie à des inconnus, sans hésiter à « leur inventer des destins tragiques s’ils ont des gueules d’abrutis ».

Une curiosité d’un intérêt insoupçonnable !

Et j’aime à la fureur (96 minutes) et ses suppléments (36 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier, glissé dans un fourreau.

Le menu fixe et musical propose le film avec le choix entre deux formats audio, DTS-HD Master Audio 5.1. et 2.0 stéréo.

Piste d’audiodescription DTS-HD MA 5.1 et sous-titres pour malentendants.

Sont aussi disponibles une édition DVD, avec le même contenu, et une édition combo Blu-ray + DVD avec un CD audio de la bande originale.

Le regard d’André Bonzel (26’). Le film visait à satisfaire son envie d’autoproduire un film, sans avoir à attendre un financement, et de faire partager sa passion pour les films d’amateurs, « du temps encapsulé » dans des bobines rappelant l’origine du cinéma, et de communiquer des moments heureux passés en famille par « des inconnus qui n’existent plus mais continuent à vivre à travers ces films ». Commencé en 2014, le montage a pris beaucoup plus de temps qu’escompté, près de huit ans, après le visionnage de kilomètres de pellicule et l’élimination de scènes sans intérêt ou gâchées par des défauts, souvent par un panneautage maladroit faisant sortir trop vite du cadre les éléments intéressants. Il a numérisé les 60 heures présélectionnées, sans chercher à restaurer les pellicules. Avec les moyens alloués par deux productrices, il a pu solliciter l’aide de trois monteurs pour réduire le film à sa durée finale. Une interruption due au Covid a permis de prendre du recul avant d’effectuer le montage du son et de la musique, l’étalonnage…

La bande originale (4’). La musique originale a été composée par Benjamin Biolay, convaincu par les productrices Estelle Fialon et Laetitia Gonzalez, après la projection d’un montage de deux heures. L’orchestration et l’enregistrement ont été réalisés par le compositeur (qu’on voit au piano et à la trompette) et quelques amis musiciens.

Benjamin Biolay en studio (4’). Il compose la mélodie au piano, enregistre un thème à la trompette, dirige les musiciens, participe au mixage…

Bande-annonce (1’40”).

Espace découverte : Les bandes-annonces de Limbo (Ben Sharrock, 2020), de C.R.A.Z.Y. (Jean-Marc Vallée, 2005) et de La Mif (Fred Baillif, 2021).

Le montage assemble des extraits de films muets collectionnés par le réalisateur, en noir et blanc et en couleurs, dans leur format original, 1.33:1 et 1.20:1, d’une qualité technique variable suivant leur source, 8 ou 16 mm et l’état des pellicules, que le réalisateur a décidé de laisser dans leur état brut, avec les marques du temps, en se limitant à leur étalonnage. Un gage d’authenticité compatible avec un confort visuel satisfaisant.

Le son DTS-HD Master Audio 5.1, avec une option 2.0 stéréo, restitue avec clarté le commentaire du réalisateur et avec finesse l’accompagnement musical de Benjamin Biolay auquel le format multicanal donne un peu plus d’ampleur.

Crédits images : © Les Artistes Asociaux Productions, Les Films du Poisson