La Ballade du soldat (1959) : le test complet du Blu-ray

Ballada o soldate

Réalisé par Grigori Tchoukhraï
Avec Vladimir Ivachov, Jeanna Prokhorenko et Antonina Maximova

Édité par Potemkine Films

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Le 12/04/2023
Critique

Première édition en haute définition du chef-d’oeuvre de Tchoukraï, tourné pendant le « dégel », une belle parenthèse du cinéma soviétique.

La Ballade du soldat

Aliocha, 19 ans, soldat chargé des liaisons radio pendant la seconde guerre mondiale, détruit deux chars allemands. Au général qui lui propose une médaille, il dit préférer une permission pour passer 24 heures avec sa mère. Au cours d’un long périple, il monte clandestinement à bord d’un train de marchandises. Quelques stations plus loin, Choura, une jeune femme, embarque dans le même wagon…

Ballade du soldat (Ballada o soldate) a été réalisé en 1959 par Grigori Tchoukhraï, coécrit avec Valentin Ezhov (coauteur, vingt ans plus tard, avec Andrei Konchalovsky, du scénario de l’imposante fresque Sibériade).

Ballade du soldat est le deuxième des dix films réalisés par Grigori Tchoukhraï (1921-2001). Élève de Mikhail Romm au VGIK, il s’était fait connaître trois ans plus tôt par son premier film, Le Quarante et unième (Sorok pervyy) que Potemkine Films vient d’éditer en exclusivité en France.

Réalisés pendant la relative libéralisation du « dégel » initié par l’arrivée au pouvoir de Nikita Khrouchtchev, les deux premiers films de Tchoukhraï ont pu s’écarter des canons jusque-là imposés aux films de guerre qui devaient glorifier les héros. Ils nous font entrer dans l’intimité des personnages principaux, rejetant toute propagande, à l’instar, par exemple, du film de Sergey Bondarchuk, Le Destin d’un homme (Sudba cheloveka, 1959), tout récemment édité en haute définition.

Ballade du soldat, avec une photographie d’une envoûtante beauté, ne montre pas la guerre, sauf dans une scène de combat que Tchoukraï fut contraint d’ajouter au scénario. Il porte un regard intimiste et touchant sur le chassé-croisé amoureux d’Aliocha et Choura, avec de nombreuses parenthèses ouvertes sur les personnages que le hasard met sur leur route.

Ballade du soldat, en dépit de sa relégation par le Parti communiste, apprécié là où sa projection avait été autorisée en URSS, sera salué par le BAFTA Award du meilleur film, nommé pour l’Oscar du meilleur scénario et pour la Palme d’or et remportera à Cannes en 1960 le Prix de la meilleure participation, ex-aequo avec La Dame au petit chien (Dama s sobachkoy) de Iossif Kheifits. Il est aujourd’hui considéré comme le chef-d’oeuvre de Tchoukhraï.

La Ballade du soldat

Présentation - 2,0 / 5

Ballade du soldat (87 minutes) et ses suppléments (81 minutes) tiennesnt sur un Blu-ray BD-50 logé dans un boîtier non fourni pour le test.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le russe, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Bonus - 4,0 / 5

Présentations par Joël Chapron, spécialiste du cinéma russe (La Bête Lumineuse, 2016) :

Le film (9’). Alors que Grigori Tchoukhraï et Valentin Ezhov ont tous les deux combattu dans l’Armée rouge, ils voulaient réaliser « un film de guerre sans la guerre ». Ils ont dû concéder à Mosfilm l’ajout d’une courte scène, celle où Aliocha détruit les deux tanks ennemis. Tchoukhraï réussit à imposer deux acteurs débutants, Vladimir Ivachov et Jeanna Prokhorenko. La structure du film est cyclique : la mère du soldat apparaît dans la première et la dernière scène. Mal perçu par les apparatchiks, le film fut bien reçu là où il put être projeté et honoré à Cannes. Ce sera le plus gros succès de Tchoukhraï en France avec 1,9 millions d’entrées.

Le réalisateur Grigori Tchoukhraï (11’). Né à Melitopol, en Ukraine, il suit sa scolarité à Moscou et sert pendant toute la guerre comme opérateur radio dans un régiment de parachutistes. Il entre au VGIK à 25 ans, devient assistant-réalisateur à Kiev, avant d’être affecté aux studios Mosfilm en 1955. À la fin du stalinisme, Le Quarante et unième est un des premiers films à refléter le « dégel » de l’ère Khrouchtchev qui prendra fin en 1964 avec l’arrivée au pouvoir de Leonid Brejnev. Communiste convaincu, Tchoukhraï s’opposa ouvertement à la résurgence de toute forme de stalinisme. De 1965 à 1975, il crée au sein de Mosfilm un « studio expérimental ». Destiné à fonctionner en autarcie financière, il produira 38 films, dont Esclave de l’amour (Raba lyubvi, Nikita Mikhalkov, 1976), Les Tsiganes gagnent le ciel (Tabor ukhodit v nebo, Emil Lotianu, 1975), Le Soleil blanc du désert (Beloe solntse pustyni, Vladimir Motyl, 1970), Solaris (Solyaris, Andreï Tarkovski, 1972)… La fermeture du studio en 1975 l’affectera. Il tourne en 1977 La Fondrière (Tryasina), avec Nonna Mordyukova, célèbre depuis le rôle-titre de La Commissaire (Komissar, Aleksandr Askoldov, 1967).

Entretien avec Grigori Tchoukhraï (35’). Il se souvient que Mikhaïl Romm prit la défense du film qui avait beaucoup d’adversaires au Conseil artistique pour « l’insignifiance de son sujet ». Le conseil de rédaction finit par donner son aval au scénario. Le premier jour du tournage, une grave blessure à le cheville le conduit à l’hôpital où il réalise que les deux acteurs choisis par Mosfilm ne conviennent pas. Il finit par repérer deux jeunes débutants et obtenir qu’ils puissent poursuivre leurs études au VGIK à l’issue du tournage. Aussitôt sorti de l’hôpital, la typhoïde l’y renvoie, puis la moitié de l’équipe refuse de tourner un film sans vedette et s’en va. Il se souvient du mauvais accueil par le ministère de la culture et les distributeurs d’un film « pas assez moderne » qui passa aux oubliettes avant que sa projection ne soit autorisée, mais pas dans les grandes villes. Le Comité central finira par accepter qu’il soit projeté à Cannes, la même année que La Dolce vita de Federico Fellini.

La représentation de la guerre et sa mémoire en URSS et en Russie (26’, 2022). François-Xavier Nérard, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, rappelle que les films de guerre ont, pendant la période stalinienne, mis en avant le rôle des chefs, en estompant celui des soldats. Alors qu’un changement s’annonce, Tchoukhraï racontera dans Ballade du soldat « la guerre vécue ». Brejnev, à partir de 1964, « va faire de la guerre la base du contrat social soviétique », avec « un discours omniprésent (…) et des célébrations monumentales ». À partir de 1991, « la mémoire de la grande guerre patriotique », restée le lien essentiel entre l’ex-URSS et la Russie d’aujourd’hui, a été « instrumentalisée par Vladimir Poutine pour sa guerre contre l’Ukraine ».

Les mêmes contributeurs ont assuré les suppléments d’autres éditions Potemkine Films, de Ballade du soldat et de deux films d’Andrei Konchalovsky, Michel-Ange (Il Peccato, 2019) et Chers camarades ! (Dorogie tovarishchi, 2020).

La Ballade du soldat

Image - 3,5 / 5

L’image (1.37:1, 1080p, AVC), débarrassée des marques de dégradation de la pellicule par une restauration conduite par Mosfilm, lumineuse, stable, bien contrastée, propose un agréable dégradé de gris, soigneusement étalonné et une bonne résolution. Mais la texture du 35 mm a malheureusement été dénaturée par un lissage excessif du grain qui rend les visages cireux dans les plans rapprochés.

Son - 4,0 / 5

Le son, au format DTS-HD Master Audio 2.0 mono, très propre lui aussi, offre une assez bonne dynamique, dans une bande passante nécessairement étroite, avec des dialogues au timbre légèrement étouffé, et restitue assez finement le bel accompagnement musical, avec peu de saturations.

Crédits images : © Mosfilm

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 12 avril 2023
Réédition attendue, la première en haute définition, du chef d’œuvre de Grigori Tchoukhraï, une romance sur fond de guerre rappelant un autre grand film soviétique de la période du "dégel", Quand passent les cigognes.

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