Un accident de chasse (1978) : le test complet du Blu-ray

Un mélodrame insolite, encore inédit, raconté par le réalisateur du célèbre film Les Tziganes montent au ciel. À découvrir !

Le vieux comte Korneev invite dans son palais délabré quelques amis : Sergey Kamychev, un juge d’instruction, l’intendant du comte et le beau-frère de ce dernier. L’intrusion d’Olga, la fille d’un garde forestier, va perturber la fête. Née d’une famille pauvre, elle doit épouser un homme riche pour échapper à son sort. Les trois hommes se battent pour son coeur. Qui aurait pu savoir que tout cela finirait en tragédie ?

Un accident de chasse (Moy laskovyy i nezhnyy zver, littéralement « mon tendre et doux animal sauvage »), l’adaptation du roman Drame de chasse publié par Anton Tchekov en 1885, est la première adaptation littéraire d’Emil Loteanu (1936-2003) qui était au faîte de sa notoriété internationale après de succès de son film Les Tziganes montent au ciel (Tabor ukhodit v nebo, 1975), vu par 65 millions de spectateurs dans le monde. C’était le dixième de ses films et son dernier hommage à la culture de la Moldavie, sa terre natale.

Un accident de chasse, sélectionné pour la Palme d’or en 1978, fut le premier film soviétique à ouvrir le festival de Cannes avant son succès commercial en URSS où il enregistra 26 millions d’entrées. En nous plongeant dans une atmosphère décadente et des décors exubérants, le film se démarque indiscutablement des oeuvres soviétiques de la même période entraînées, après la période du dégel, par un courant les ramenant à un certain académisme, auquel résisteront quelques cinéastes dissidents, tel Andrei Tarkovski.

Un accident de chasse envoûte par la beauté de ses cadrages, de ses jeux avec la lumière et les couleurs et par la fluidité des mouvements de caméra, grâce à la contribution essentielle apportée par Anatoliy Petritskiy. Ce grand directeur de la photographie du cinéma soviétique des années 60 et 70 s’était fait une réputation planétaire en 1968 comme le chef-opérateur du Guerre et Paix (Voyna i mir), l’imposante fresque de Sergey Bondarchuk. La musique tzigane vient en contrepoint de l’image pendant un grande partie du métrage, notamment des choeurs accompagnés par des guitares.

Oleg Yankowski, célèbre acteur russe qu’on reverra en 1983 en tête de la distribution du Nostalghia d’Andrei Tarkovski, interprète le personnage principal, Sergey Kamychev. Le rôle d’Olga est tenu par un toute jeune débutante de 16 ans, Galina Belyaeva, que le réalisateur épousera en 1979 et réemploiera en 1983 dans le rôle-titre de la série Anna Pavlova.

Rimini Éditions, qui fête cette année son dixième anniversaire, avec Un accident de chasse et la sortie récente du chef-d’oeuvre de Sergey Bondarchuk, Le Destin d’un homme (Sudba cheloveka, 1959) rend accessibles deux jalons du cinéma soviétique encore absents de nos catalogues vidéo.

Un accident de chasse (107 minutes) et son supplément (21 minutes) tiennent, dans cette édition combo, sur un Blu-ray BD-50 et DVD-9 logés dans un digipack.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le russe, avec sous-titres optionnels, au format audio, DTS-HD Master Audio 2.0 mono.

Une valse d’Emil Loteanu  (21’, La Plume, Rimini Éditions, 2022), un entretien avec Joël Chapron, spécialiste du cinéma russe et soviétique. Emil Loteanu est né en 1936 en Bessarabie, alors partie de la Roumanie. Son cinéma, tourné vers le passé de la Moldavie, donnera une place aux Tziganes. Le succès de Les Tziganes montent au ciel décida Mosfilm à produire Un accident de chasse, une adaptation littéraire, les cultures locales n’ayant plus le soutien de Leonid Brejnev. La célébrité de la valse du mariage (elle a ouvert les Jeux olympiques de 1980 et de 2014) attire encore aujourd’hui des visiteurs au palais de Valuyevo dans lequel fut tourné le film. Ce sera un des derniers succès d’adaptations littéraires soviétiques en France : le public se tournera vers « le cinéma dit de la dissidence », celui de Sergey Paradanov, Andrei Tarkovski, Aleksey German… Joël Chapron évoque la distribution, la contribution du chef-opérateur Anatoliy Petritskiy, et l’accentuation par le scénario de la violence du roman…

L’image (1080p, AVC), au ratio original 1.66:1, d’une impeccable propreté, stable, lumineuse et fermement contrastée avec des noirs denses, déploie une riche palette de couleurs délicatement saturées, étalonnées avec soin. La résolution a été accentuée par un affinement du grain suffisamment contrôlé pour ne pas entraîner une dénaturation de la texture du 35 mm relevée dans certaines restaurations de Mosfilm.

Le son, très propre lui aussi, pratiquement sans souffle, assure la clarté des dialogues, dans un bon équilibre avec l’ambiance dont la présence est renforcée par une assez bonne dynamique. Il met finement en valeur, avec très peu de saturations, la place importante que l’oeuvre réserve à la musique diégétique ou à la partition originale d’Evgeniy Doga, le compositeur de Les Tziganes montent au ciel.

Crédits images : © Mosfilm, Satra, Sovexportfilm