The Painted Bird

The Painted Bird (2019) : le test complet du Blu-ray

Nabarvené ptáče

Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Václav Marhoul
Avec Petr Kotlár, Stellan Skarsgård et Harvey Keitel

Édité par Spectrum Films

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Le 24/10/2023
Critique

La descente aux enfers d’un enfant abandonné dans la tourmente de la guerre, la première adaptation au cinéma du chef-d’oeuvre de Kosinski.

The Painted Bird

Envoyé à la campagne au début de la seconde guerre mondiale par ses parents juifs, un jeune garçon brûle accidentellement la maison de la vieille femme qui l’hébergeait en lâchant la lampe à pétrole quand il réalise qu’elle est morte. Sa recherche d’un nouveau foyer marque le début d’une errance qui l’amènera à être le témoin et la victime d’atrocités…

The Painted Bird (Nabarvené ptáče), sorti en 2019, écrit, réalisé et produit par Václav Marhoul, est l’adaptation du roman éponyme publié en 1965 par Jerzy Kosinski (1933-1991), écrivain américain né en Pologne à Łódź, émigré aux USA en 1957. Né Józef Lewinkopf, d’origine juive, il a réussi à survivre grâce à un faux certificat de baptême délivré par un prêtre catholique. Le roman, en partie autobiographique, en partie fictionnel, est, selon son auteur, « une autofiction ». Jerzy Kosinski fut aussi l’auteur en 1970 de la nouvelle Being There qu’il adaptera en scénario du film de Hal Asby en 1979, Bienvenue, Mister Chance (Being There).

Une allégorie du mal

On peut s’étonner qu’un demi-siècle se soit écoulé avant que ce roman, un des plus puissants et des plus lus dans le contexte de la seconde guerre mondiale, ne soit adapté au cinéma et que le film remarquable de Václav Marhoul, bien qu’il ait été sélectionné à Venise pour le Lion d’or, n’ait pas été distribué en France, ni dans beaucoup d’autres pays. La raison tient certainement à son thème, une allégorie du mal sous toutes ses formes, bien que les scènes de violence, aussi atroces qu’elles soient, laissent hors champ les détails, jamais étalés avec complaisance. Cette fable ne fait pourtant que rappeler la barbarie inhérente à la nature humaine, resurgissant au fil des siècles, inexorablement, encore en cet automne 2023.

The Painted Bird

The Painted Bird, découpé en plusieurs scènes, chacune portant le nom du personnage que Joska, perçu tantôt comme un Juif, tantôt comme un Tzigane, rencontre dans son errance. Il sera, selon les circonstances, le témoin ou la victime des exactions de chacune des personnes croisées sur son chemin, à l’exception d’un prêtre catholique (un hommage de Jerzy Kosinski au prêtre qui l’a protégé des nazis ?) et du SS chargé de le tuer.

The Painted Bird frappe, tout au long de sa durée avoisinant les trois heures, par l’esthétique des cadrages et la beauté du noir et blanc, en partie dues à la contribution du chef-opérateur tchèque Vladimír Smutný, salué au Festival Camerimage par le Prix FIPRESCI, pour cette troisième collaboration avec Václav Marhoul, après La Bataille de Tobrouk (Tobruk, 2008). Des qualités formelles qui permettent de rapprocher ce film du Sátántangó de Béla Tarr et, sur le thème de l’enfant dans la guerre, bien qu’il n’en ait pas toute la puissance, de Requiem pour un massacre (Idi i smotri, 1986), l’inoubliable chef-d’oeuvre d’Elem Klimov.

L’édition vidéo tient pleinement, au profit du cinéma, un rôle complémentaire à la distribution en salles, en ressortant des grands classiques restaurés et enrichis de bonus, et en prenant le risque d’offrir au cinéphile la possibilité de découvrir des films récents remarquables, jamais distribués dans nos salles, ou trop furtivement.

Spectrum Films, jusqu’ici spécialisé dans le cinéma asiatique, élargit son panorama avec Section parallèle, une nouvelle collection inaugurée par Eros, « une variation sur l’érotisme et le désir par trois maîtres du cinéma contemporain, Michelangelo Antonioni, Steven Soderbergh et Wong Kar-Wai », et Daniel (1983), un film méconnu de Sidney Lumet, encore inédit en vidéo. Antoine Guérin annonce la sortie d’un coffret Ram Gopal Varma, cinéaste indien à peine présent de nos catalogues et d’un autre inédit, Hester Street (1975) de Joan Micklin Silver.

The Painted Bird

Présentation - 3,5 / 5

The Painted Bird (169 minutes), avec la présentation du film et deux bandes-annonces (12 minutes) tient sur un premier Blu-ray BD-50. Le film est également proposé sur un DVD-9. Un deuxième Blu-ray supporte l’essentiel des bonus, 11 Colors of the Bird, un documentaire sur le tournage du film (120’) et un entretien avec Fabrice Du Welz (20’).

Le menu propose le film dans sa version originale, en tchèque, en allemand et russe et en « interslave », une langue construite en 2006 pour faciliter la communication entre les nations slaves, avec sous-titres optionnels, au format audio DTS-HD Master Audio 5.1.

Dans l’étui, une réédition par Spectrum Films du livre de Jerzy Kosinski, traduit de l’anglais par Maurice Pons pour sa première édition en France par Flammarion en 1966, sous le titre L’Oiseau bariolé.

The Painted Bird

Bonus - 4,5 / 5

Sur le Blu-ray du film :

Introduction par Václav Marhoul (7’, enregistré à Prague en avril 2022, en anglais, sous-titré). Il a consacré onze ans de sa vie à cet ambitieux projet, dont deux pour acquérir les droits d’adaptation du roman. La recherche des 7 millions de dollars pour financer un film au thème aussi dur, en noir et blanc, pratiquement sans dialogues, sans musique, fut un cauchemar. Le tournage, dans l’ordre chronologique pour qu’on voie le garçon grandir et les saisons se succéder, fut un long moment de bonheur. Quand il a lu le roman, il n’imaginait pas la tragédie de la guerre en Ukraine. Elle confirme, malheureusement, la nature universelle et intemporelle de l’ouvrage de Kosinski qui pose, sans y répondre, beaucoup de questions, notamment sur les racines du mal. « Comme on ne distingue la lumière que dans les ténèbres », il voit son film comme un message d’amour et d’espoir.

Bande-annonce de The Painted Bird (2’20”) et de 11 Colors of the Bird (1’55”).

Sur le second Blu-ray :

11 Colors of the Bird (11 barev ptácete, 120’, 1080i, AVC, 1.78:1, tchèque, sous-titré), un documentaire écrit et réalisé par Vojtěch Kopecký en 2020. Après le rappel de la longue genèse du film, la caméra capte des moments importants des 90 jours du tournage qui s’est étalé de mars 2017 à juillet 2018, avec des pauses pour le changement des saisons et la recherche de crédits supplémentaires. Bien photographié, dans une palette de couleurs peu saturées qui s’accorde bien aux extraits du film en noir et blanc, avec quelques interviews du réalisateur, des acteurs, artistes et techniciens, ce documentaire, avec un commentaire dit par Petr Kotlár, rend bien compte de l’engagement et des moyens investis dans le tournage.

À ces suppléments repris de l’édition Eureka Entertainment sortie au Royaume Uni et aux USA en novembre 2022, s’ajoute le bonus exclusif de cette édition :

Entretien avec Fabrice Du Welz (2022, Spectrum Films, 20’), conduit par Nicolas Billon. Fabrice Du Welz juge scandaleux que le film n’ait pas été distribué en France. Son visionnage en Belgique lui a fait « un grand effet », celui « d’un film qui nous confronte à nos propres limites ». Il l’a perçu comme « une continuité de Allemagne année zéro de Rossellini (…), un regard métaphorique de cinéaste accompli sur une errance dans un monde chaotique (…), une histoire remarquablement contée (…) qui nous fait observer par le regard d’un petit garçon innocent (…) un théâtre de la cruauté qui se termine peut-être par une lueur d’espoir ». En conclusion, « un film métaphysique qui nous provoque (…) qui nous plonge dans les ténèbres, nous aide à nous poser des questions sur nous-même et sur les autres ».

The Painted Bird

Image - 5,0 / 5

L’image capturée sur pellicule 35 mm par une caméra Arricam, au ratio original de 2.39:1, encodée au format 1080p, AVC, avec une résolution affutée révélant le détail des plans larges sur toute la profondeur de champ, bien contrastée entre des blancs lumineux et des noirs denses, déploie un fin dégradé de gris mettant en valeur la beauté de la photographie et la subtilité des éclairages.

The Painted Bird

Son - 4,5 / 5

Le son Dolby Atmos de la sortie, réencodé au format DTS-HD Master Audio 5.1, avec une claire restitution des dialogues, tire profit d’une bonne dynamique pour nous plonger dans une ambiance de fureur. L’impression d’immersion dans l’action aurait pu être accentuée par une sollicitation plus systématique des canaux surround ou, mieux encore, par un encodage 7.1.

Crédits images : © Silver Screen, Ceská Televize, PubRes, RTVS, Directory Films, Ukrainian State Film Agency, Státní fond kinematografie, Audiovizuálny fond

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 27 octobre 2023
Cette adaptation du chef-d’œuvre de l’écrivain Jerzy Kosinski, la première jamais tentée, fascine par la force de son récit et la beauté de sa photographie. Sorti en 2019, sélectionné pour le Lion d’or, ce film n’est pourtant jamais sorti dans nos salles. Spectrum Films sort de sa niche, le cinéma asiatique, pour offrir au cinéphile l’opportunité de découvrir cette inoubliable allégorie du mal.

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