La Bête élégante (1962) : le test complet du Blu-ray

Shitoyakana kedamono

Édition Limitée

Réalisé par Yûzô Kawashima
Avec Ayako Wakao, Yûnosuke Itô et Hisano Yamaoka

Édité par Badlands

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Le 07/07/2023
Critique

Toute première invitation en vidéo à découvrir Yūzō Kawashima, un cinéaste majeur de la nouvelle vague japonaise, encore ignoré en France.

La Bête élégante

Fruit du capitalisme frénétique japonais, la famille Maeda est prête à toutes les escroqueries pour maintenir son confort matériel dans un petit appartement tokyoïte. Cupides et sournois, les parents comme les enfants s’exploitent mutuellement sans le moindre scrupule… jusqu’à rencontrer plus fourbe et manipulateur qu’eux.

La Bête élégante (Shitoyakana kedamono), sorti en 1962, un des derniers de la cinquantaine de longs métrages de Yūzō Kawashima, met en images un scénario original écrit, entre deux de ses chefs-d’oeuvre, L’Île nue (Hadaka no shima, 1960) et Onibaba (1964) par le cinéaste Kaneto Shindō (1912-2012), auteur de pas moins de 235 scénarios, notamment pour Kenji Mizoguchi, Seijun Suzuki, Kon Ichikawa…

Cinéaste inclassable, Yūzō Kawashima, d’origine modeste et de santé fragile, frappé par la poliomyélite à 18 ans, après des études de littérature à Tokyo auprès d’écrivains célèbres, confirma son intérêt pour le cinéma par la critique de films et son admiration de Yasujirō Ozu. Il réussit le très sélectif concours d’entrée aux studios Shōchiku en 1940 où il fut l’assistant d’Ozu pour Les Frères et les soeurs Toda (Toda-ke no kyôdai, 1941) avant d’intégrer Nikkatsu en 1955 où il réalisera son premier grand succès, Le Paradis de Suzaki (Suzaki paradaisu akashingo, 1956). Avant sa disparition en 1963, il réalisa encore trois autres films après la sortie de La Bête élégante.

La Bête élégante, une comédie aigre-douce autour de l’argent et de la vénalité, un thème récurrent du cinéma de Yūzō Kawashima, dénonce le consumérisme du Japon d’après-guerre, la course au profit par tous les moyens. C’est aussi un défi de mise en scène, brillamment relevé dans l’espace exigu d’un petit appartement, un jeu avec des lignes horizontales et verticales (obliques dans quelques plans surréalistes de la cage d’escalier) dessinant des rectangles séparant les personnages, souvent filmés sous des angles surprenants. Un autre pas audacieux dans la transgression des règles de la grammaire cinématographique après celui franchi dans le film précédent, Le Temple des oies sauvages (Gan no tera, 1962).

La Bête élégante est le dernier des trois films de Yūzō Kawashima produits par les studios Daiei qui avaient imposé l’actrice Ayako Wakao, une star de l’époque, qui tient là un rôle en second plan dans un film choral. Le reste de la distribution de la famille Maeda est à la hauteur notamment avec, dans le rôle du père, Yûnosuke Itō, vu dans quatre films majeurs d’Akira Kurosawa, et, dans le rôle de la mère, Hisano Yamaoka, vue dans Les Femmes naissent deux fois (Onna wa nido umareru, 1961), le premier des trois films Daiei. Shōichi Ozawa, autre acteur très célèbre, en particulier pour le rôle-titre de Le Pornographe (Erogotoshi-tachi yori: Jinruigaku nyûmon, Shōhei Imamura, 1966) campe un singulier crooner.

Badlands, avec cette la première édition vidéo en France de trois films majeurs, parfaitement restaurés, d’un cinéaste important de la nouvelle vague, nous permet de découvrir un cinéaste reconnu au Japon, largement ignoré hors de l’archipel. On attend l’édition d’autres films de Yūzō Kawashima, notamment de Chronique du soleil (Bakumatsu taiyōden, 1957).

La Bête élégante

Présentation - 2,5 / 5

La Bête élégante (96 minutes) et ses suppléments (63 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-25 logé, avec un DVD-9, dans un digipack à trois volets, glissé dans un étui.

Le menu propose le film dans sa langue originale, le japonais, au format audio mono d’origine, réencodé DTS-HD Master Audio 1.0, avec sous-titres imposés qui auraient pu être placés plus bas, sur la bande noire.

Bonus - 2,0 / 5

Des entretiens exclusifs avec trois spécialistes du cinéma japonais, bien conduits par Guillaume Perrin, le fondateur de Badlands :

Présentation du film par Bastian Meiresonne (28’), sous le titre Apparence(s). Yūzō Kawashima aura réalisé une cinquantaine de films dans sa courte carrière, en plein deuxième âge d’or du cinéma japonais. La Bête élégante, un « film intemporel », peut rappeler deux récentes Palmes d’or, Une affaire de famille (Manbiki kazoku, Hirokazu Kore-Eda, 2018) et Parasite (Gisaengchung, Bong Joon-ho, 2019). Un contrat de trois films avec les studios Daiei lui permet de rencontrer Ayako Wakao et, pour ce troisième film, Kaneto Shindō. Le scénario nihiliste, rejeté partout, intéresse Yūzō Kawashima, pour son thème emblématique du « tiraillement du Japon entre tradition et modernité », illustré par plusieurs séquences, en contraste dans les deux derniers plans énigmatiques. La mise en scène est un « véritable feu d’artifice » avec 236 plans dans un espace étroit entre quatre murs, sans « le pôle identificateur » généralement imposé par la grammaire cinématographique, un parti pris qui transforme le spectateur en voyeur.

Une brillante analyse du film !

Kawashima, l’insaisissable : l’héritage (33’). Pour Bastian Meiresonne, Yūzō Kawashima dépeint des personnages « dans l’air du temps » et a inséré dans ses scénarios une réflexion sur les changements sociologiques du Japon, Clément Rauger voit en Yūzō Kawashima un cinéaste de la « confusion des genres » qui « essaie de trouver de nouvelles perspectives pour représenter ses personnages (…) sans jugement moral ». Shōhei Imamura le reconnaîtra comme son maître et lui consacrera un livre. Christophe Gans souligne l’intimité du réalisateur avec des personnages dont il nous laisse le soin de deviner les motivations. Lui qui a toujours dénoncé « l’exagération du cinéma japonais », a choisi des décors plus resserrés, film après film, et d’apporter une touche de « jeunesse turbulente » au cinéma des années 60. Il faudra attendre une dizaine d’années après sa mort pour que le talent de Yūzō Kawashima soit unanimement reconnu au Japon.

Bandes-annonces de La Bête élégante (2’19”), de deux autres films de Yūzō Kawashima, Les Femmes naissent deux fois (Onna wa nido umareru, 1961) et Le Temple des oies sauvages (Gan no tera, 1962), et des autres éditions Badlands, La Bouche de Jean-Pierre (Lucile Hadzihalilovic, 1996), Hell’s Ground (Zibahkhana, Omar Khan, 2007) et L’Anguille (Unagi, Shōhei Imamura, 1997).

La Bête élégante

Image - 4,5 / 5

L’image, au ratio d’origine 2.35:1, (1080p, encodage AVC), très stable, exempte de marques de dégradation de la pellicule, propose une palette de couleurs délicatement saturées et bien étalonnées et une résolution satisfaisante. Le grain du 35 mm, affiné à la limite du lissage et homogène, a été préservé par une restauration irréprochable.

Son - 5,0 / 5

Le son DTS-HD Master Audio 1.0 (Dolby Digital 2.0 mono sur le DVD) est d’une qualité sans failles. Très propre, sans souffle, il assure la clarté des dialogues. Une bonne dynamique et une ouverture satisfaisante de la bande passante donnent une présence réaliste à l’ambiance et délivrent finement et sans saturations l’accompagnement musical, composé, comme celui des deux autres films Daiei, par Sei Ikeno.

Crédits images : © Daiei Studios

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
Avis

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Philippe Gautreau
Le 8 juillet 2023
L’histoire d’une famille tokyoïte vivant de petites escroqueries sert de prétexte pour dénoncer la course au profit par tous les moyens dans le Japon d’après-guerre à Yūzō Kawashima, cinéaste célèbre dans l’archipel, pratiquement inconnu en France où ses films n’avaient jusqu’ici jamais été distribués. Badlands nous propose la première édition française de trois de ses films majeurs, restaurés et complétés par des bonus exclusifs.

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