Marketa Lazarova (1967) : le test complet du Blu-ray

Blu-ray + DVD + Livre

Réalisé par Frantisek Vlácil
Avec Josef Kemr, Magda Vásáryová et Nada Hejna

Édité par Artus Films

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Le 06/11/2023
Critique

Artus Films nous propose un grand film méconnu de l’Est, magnifiquement restauré, pour la première fois en haute définition. À découvrir !

Marketa Lazarova

En Bohême, au XIIIème siècle, christianisme et paganisme s’affrontent. Des brigands, menés par Mikolás, un fils de Kozlik, dit « Le Bouc », attaquent une caravane de chevaliers allemands qu’ils tuent sans pitié, excepté le jeune prince Kristian, qu’ils ramènent à leur camp. C’est le début d’un affrontement violent avec Lazar, allié des Allemands, un autre voleur, chef d’un clan voisin, qui destine sa fille, la belle Marketa, au service de Dieu.

Marketa Lazarová, l’adaptation du roman éponyme publié en 1931 par Vladislav Vančura, un des grands écrivains tchèques du siècle dernier, est le troisième de la douzaine de longs métrages du cinéaste František Vláčil (1924-1999). Venu au cinéma après des études d’architecture et d’histoire de l’art, il s’est fait connaître dès premier film, La Colombe blanche (Holubice, 1960), sélectionné à Venise pour le Lion d’or, attribué cette année-là à un film aujourd’hui oublié, Le Passage du Rhin d’André Cayatte.

Marketa Lazarová, si elle a donné son nom à l’oeuvre n’est, dans ce film choral, qu’un de la bonne douzaine de personnages, tous membres des deux clans de voleurs en conflit, celui de Kozlik, un païen, dit « Le Bouc », père de 17 enfants, et celui de Lazar, catholique qui ne peut payer la dot pour l’entrée de sa fille au couvent.

Marketa Lazarová, divisé en deux parties, Straba (67 minutes) et L’Agneau divin (78 minutes), avec une histoire relativement facile à suivre une fois les personnages identifiés, frappe par sa beauté formelle due au talent du réalisateur et au temps qu’il a consacré à la longue préparation du film (six ans !) et le soin méticuleux apporté à la mise en scène, révélé par la finesse de chaque planche du storyboard dessiné de sa main. La stupéfiante beauté du film permet de le comparer à un des chefs-d’oeuvre du cinéma d’Europe de l’Est, Andreï Roublev (Andrey Rublyov) qu’Andreï Tarkovski réalisera neuf ans plus tard.

Marketa Lazarova

Marketa Lazarová, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 1969, n’est sorti dans nos salles qu’en 1972. Avec cette édition, et celle, annoncée pour le 3 novembre, de La Vallée des abeilles (Údolí včel, 1968), Artus Films offre aux cinéphiles la chance de découvrir un cinéaste majeur. Une belle démonstration de la complémentarité de la distribution en salles et de l’édition vidéo !

Dans une solide distribution, s’alignent des acteurs célèbres localement, Josef Kemr (Le Bouc), un des plus célèbres acteurs de son pays avec plus de 260 films, ici dans le rôle du patriarche Kozlik, Ivan Palúch dans celui d’Adam, le fils auquel il a coupé un bras parce qu’il avait couché avec sa soeur Alexandra… Le rôle-titre est tenu par une débutante, Magda Vásáryová, 18 ans, au début d’une belle carrière pendant laquelle elle enchaînera films et téléfilms jusqu’à sa retraite en 1991.

Marketa Lazarová doit aussi beaucoup à l’harmonieux contrepoint de l’image assuré par la partition originale, dominée par des choeurs, de Zdeněk Liška, également auteur de la musique du beau Le Baron de crac (Baron Prásil, Karel Zeman, 1962).

Marketa Lazarová avait précédemment été édité par Malavida Films en 2009, puis en 2018 avec quatre autres films dans le coffret DVD Classiques du cinéma tchèque. Artus films nous le propose pour la première fois en haute définition, après l’excellente restauration opérée en 2013 en Tchéquie par Universal Production Partners et Soundsquare Studios, à partir d’un scan 4K du négatif original. L’édition est enrichie d’un livret, d’une présentation exclusive du film et d’un documentaire sur František Vláčil.

Marketa Lazarova

Présentation - 4,0 / 5

Marketa Lazarová (166 minutes) et ses suppléments (45 minutes) tiennent sur un Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9 avec le même contenu, logés dans un Digipack à deux volets, glissé dans un étui.

Le menu propose le film dans sa version originale, en tchèque et en allemand, avec sous-titres optionnels, au format audio non compressé Linear PCM 2.0 mono.

À l’intérieur de l’étui, un livret de 62 pages, intitulé František Vláčil : l’esthète des contrastes, rédigé par Christian Lucas. František Vláčil, après des études d’architecture et d’histoire de l’art, tourne ses premiers films, des documentaires, à partir de 1951. C’est en 1960 qu’il réalisera le premier de ses douze longs métrages, La Colombe blanche, primé à Cannes en 1961 dans le cadre des rencontres internationales des films pour la jeunesse, et enchaînera quatre grands films, Le Piège du diable, Marketa Lazarová, La Vallée des abeilles et Adelheid, avant « une suite de carrière compliquée » pendant laquelle il réalisera documentaires et fictions, jusqu’à L’Odyssée de Prague (Pražskỳ Odysseus), un court métrage sorti en 1989. Suit une analyse du roman et de son adaptation, un « trombinoscope » avec la photo et le nom des quatorze personnages principaux, puis František Vláčil : passions et démons. Le livret se referme sur une filmographie, beaucoup plus fournie que celle proposée par IMDb. Un beau travail !

Marketa Lazarova

Bonus - 3,0 / 5

Présentation du film par Christian Lucas (23’). La Colombe blanche permet d’associer František Vláčil à la Nouvelle Vague Tchécoslovaque aux côtés de Vera Chytilová, Miloš Forman, Jiří Menzel, Juraj Herz… Il va se distinguer par son choix de films historiques avec Dáblova past (« le piège du diable », 1962), Marketa Lazarová et La Vallée des abeilles. Marketa Lazarová, réalisé au plus dur de la dictature communiste, l’adaptation d’un écrivain communiste résistant exécuté par les nazis en 1942, ne posa pas de problème avec la censure. Le film eut une longue genèse, avec un scénario entièrement storyboardé et une mise en scène élaborée, avec des mouvements de caméra, une rareté dans le cinéma tchèque de l’époque. Sorti en novembre 1967 après une grosse promotion, le film fut un succès en Tchéquie. Sélectionné à Cannes en 1969 par La Quinzaine des réalisateurs, il n’a été distribué dans nos salles qu’en septembre 1972. František Vláčil, dont l’âge d’or va de 1960 à 1968, aura à lutter contre deux problèmes, la dictature communiste et l’alcoolisme.

Dans la trame du temps (21’), « un portrait de l’artiste national František Vláčil », nous dit un sous-titre. Ce documentaire, réalisé en 1989 par le chef-opérateur František Uldrich, s’ouvre sur la scène introductive de Marketa Lazarová, le film qui lui a demandé un gros travail, « presque insupportable » pour répondre à un « désir d’authenticité » et à la « difficulté de cerner les personnages du XIIIème siècle, sur lesquels on sait peu de choses ». C’est sa formation à l’histoire de l’art qui l’a conduit au cinéma, selon lui basé sur l’architecture et la musique. Les images évoquées par la lecture des premières lignes du roman de Vladislav Vančura ont suffi à lui donner l’envie de réaliser le film. Des images qu’il préfère, plutôt que les décrire avec des mots, exprimer par des dessins, « essentiels pour communiquer avec le cameraman ». « L’enchaînement de plans par le montage est l’aspect le plus magique du cinéma ». Cette intéressante interview est illustrée par des planches du storyboard et quelques extraits des films historiques.

Diaporama (54”) de photos du film, de l’affiche et d’une photo d’exploitation.

Marketa Lazarova

Image - 5,0 / 5

L’image, au ratio originel de 2.35:1, une reprise de l’encodage 1080p AVC utilisé pour l’édition Criterion de 2013, est parfaite. Sans la moindre trace de dégradation de la pellicule, la finesse de sa résolution étonne dans les plans larges comme dans les gros plans. Très stable, lumineuse bien contrastée avec des noirs denses, elle déploie un agréable dégradé de gris. Un grain fin et homogène atteste du respect de la texture du 35 mm.

Son - 5,0 / 5

Le son mono d’origine, encodé au format non compressé Linear PCM 2.0, lui aussi d’une irréprochable propreté, sans souffle, avec une très bonne dynamique pour un enregistrement datant du milieu des années 60, restitue avec toute la clarté attendue les dialogues, l’ambiance et la belle partition originale.

Crédits images : © Filmové studio Barrandov

Configuration de test
  • Vidéo projecteur SONY VPL-VW790ES
  • Sony UBP-X800M2
  • Denon AVR-4520
  • Kit enceintes/caisson Focal Profile 918, CC908, SR908 et Chorus V (configuration 7.1)
  • Diagonale image 275 cm
Note du disque
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Philippe Gautreau
Le 7 novembre 2023
Aboutissement d’une longue maturation, Marketa Lazarová, le chef-d’œuvre du cinéaste tchèque František Vláčil, nous revient après une exemplaire restauration, dans une édition à la hauteur de sa stupéfiante beauté.

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